Chapitre 18

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  • Anabelle, mon rayon de soleil quotidien !
  • Marc si tu savais comme tu m’as manqué depuis hier !

J’ai dit ça sans le moindre accent.

  • Amène ton cul le long du quai que je décharge !
  • Toujours aussi poète à ce que je vois.

Je tourne à gauche. J’avance le plus possible. Marche arrière. Je braque à fond. La camionnette s’engage parfaitement dans le passage vers la cour d’honneur. Frein à main. Les portes arrière s’ouvrent, le commando s’élance. Je glisse du siège et me faufile par l'ouverture et je les rejoints. Deux, trois secondes au maximum.

Jo qui tient le rôle de Marc applaudi.

  • Bravo les gars ! On ne peut pas faire mieux !

Il s’approche de moi et me serre dans ses bras 

  • Bravo, toi aussi ! je savais que tu y arriverais !

Vous pouvez l’applaudir !

Et tout le monde applaudit.

La répétition générale est terminée. J’ai fini par gagner leur confiance.

Ça fait trois semaines que je roule et que je manœuvre. Cent fois, j’ai refait ce demi-tour entre les bottes de pailles qui symbolise la cour de livraison. Je connais Péguy par cœur.

Sous prétexte de peaufiner ma conduite je prends l’autre camionnette, la banalisée qui servira à notre récupération et je vais rouler. Au bout de ma route, il y a toujours Maxime. Chaque séparation est un déchirement, mais, à chaque fois, je fini par rentrer. Je serais Annabelle, je ne peux plus reculer.

Max ne sait pas grand chose de l’opération, simplement que je risque d'y laisser ma peau. Il ne me demande rien et je ne lui demande rien. Nous faisons notre guerre chacun de notre côté. Une grosse partie de nos vies ne nous appartient plus.

Le président, réfugié à Berlin, est dans le coma, victime d’un empoisonnement au Novitchok. Les Russes sont montrés du doigt par la communauté internationale mais les Français qui croient encore à la démocratie se sentent bien seuls.

Les résolutions de l’O.N.U. sont systématiquement bloquées.

L’Europe discute et parlemente.

L’Amérique continue à se ratatiner sur elle-même, cette guerre-là ne les intéresse pas, la rentabilité à six mois est trop incertaine. En attendant, les vins californiens remplaceront le Bordeaux et le Champagne.

Nous ne pouvons compter que sur nous !

* * * *


C'est pour demain...

Nous n'avons pas fait l'amour ce soir-là.

La capote, la pilule, l'évolution des mœurs n'y changeront rien. Il est gravé depuis des millénaires, quelque part au fin fond du cerveau de l'humain, que faire l'amour c'est faire des enfants. Et faire des enfants, c'est croire en l'avenir. Alors ce soir nous n'avons pas fait l'amour.

Je ne sais pas depuis combien de temps nous sommes comme ça allongés sans rien dire, immobiles.

Je suis dans ses bras. Nous sommes emboités comme des petites cuillères, ma peau nue contre sa peau nue. Chaque pore de ma peau a trouvé un pore de sa peau et à la fin de la nuit nos corps ne feront plus qu'un. Au petit matin, juste avant l’aube, nos cerveaux seront les derniers à fusionner. Il ne restera alors rien de nous et l'être nouveau qui aura pris notre place n'aura pas de souvenirs.

Je ne sais pas à quoi il pense. Pour le savoir. Il faudrait rompre le charme. Et si je le lui demandais il me répondrait : à rien. Alors je me tais.

C'est lui qui brise le silence dans un murmure et je le déteste presque pour ça.

  • Il y a quelque chose que je peux dire ou faire pour que tu n'y ailles pas ?
  • Non.

Il s'agite, m'accroche une chaine autour du cou, avec un médaillon. Un truc lourd en métal.

  • J'aurais préféré un truc plus discret, genre bague de fiançailles. Mais je m'y suis pris trop tard. J'ai trouvé que ça.

Je serre le pendentif dans mon poing. Je ne sais pas quoi dire. Je balbutie un vague merci, un vague je t’aime.

  • Tant que tu le porteras il ne pourra rien t'arriver. Tu me promets de ne jamais t'en séparer ?
  • Je te le promets.
  • Je…
  • Non, tais-toi maintenant s'il te plait.

J'arrive à dire ça sans qu'il ne perçoive le sanglot qui monte en moi.

Nous nous sommes endormis. Lui le premier, moi longtemps après.

Et le sommeil nous a séparé.

Au matin je suis partie sans le réveiller de peur qu'il ne trouve les mots pour me retenir.

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