3. Longue expectative

8 minutes de lecture

Ce jour, Adeline s’en souvenait très bien. Alors que les professeurs expliquaient le fonctionnement de la plateforme d’inscriptions aux études supérieures depuis de longs mois, le stress faisait perdre tous leurs moyens aux élèves. Sauf Maddie, peut-être, pour qui son avenir était tout tracé. Elle demanda deux ou trois écoles d’art dans tout le pays, et une faculté, juste au cas-où elle ne serait pas acceptée. Mais qui ne voudrait pas d’une élève aussi douée, et respectueuse du règlement ? Maddie était un modèle pour beaucoup.

Tout comme Rémi. Il n’était pas un modèle car un peu trop sérieux et coincé, mais Adeline l’admirait modérément. Elle qui semblait être si sûre de son futur depuis longtemps, elle changea d'avis du jour au lendemain, littéralement. Au cours de sa jeunesse, Adeline s’était découverte une passion pour plusieurs métiers, mais la littérature était le plus immuable, enfin, jusqu’à la découverte de la biologie végétale. Rémi, lui, doué dans beaucoup de matières scientifiques, rêvait de planètes depuis ses trois ans, et rien ne pouvait l’ébranler, pas même la mort de son astronaute favori.

Le professeur principal vérifiait les données rentrées au cas par cas. Il était bien connu que ce serait uniquement sa faute si un de ses élèves n’était accepté dans aucun de ses vœux. Une fois devant l’écran d’Adeline, il ne put s’empêcher de remarquer l’unique vœu inscrit.

– Adeline, commença-t-il, confus, tu es sûre de ce choix ? C’est assez risqué.

– Oui, je sais, répondit celle-ci avec toute la confiance dont elle disposait.

– C’est une filière scientifique, et tu viens d’une filière littéraire. Ce sera difficile, et ils te demanderont sûrement d’assister à des cours de soutien, voire une année de remise à niveau.

– Je sais, monsieur, et je veux prendre le risque.

– Tu ne veux pas au moins demander une fac de langues, au cas-où tu n’es pas acceptée du tout ? tenta le professeur dans un dernier espoir.

– Vous l’avez dit vous-même, ils ne peuvent refuser personne de la région s’il reste des places, contra Adeline de son plus beau sourire.

Pour toute réponse, elle reçut un long soupir de préoccupation sincère. Cet homme s’inquiétait pour son avenir comme un vrai père, et personne n’allait lui reprocher de se sentir si impliqué. A contre-cœur et toujours anxieux, il valida les vœux de la jeune étudiante rayonnante d’espoir et d’assurance.

Les jours qui suivirent furent les plus angoissants pour Adeline. Dès qu’elle en avait l’occasion, elle inspectait son classement, en espérant voir une petite remontée. Chaque notification d’un nouvel e-mail était un faux espoir, mais cela n’abattait pas pour autant la jeune demoiselle bien déterminée à se battre.

Son quotidien devint de plus en plus oppressant, au fur et à mesure que les épreuves du baccalauréat approchaient, et que les places disponibles diminuaient, sans que son classement ne montre de réelles variations. De son côté, Maddie obtint une réponse positive pour l’une des écoles d’arts, ce qui n’étonna personne, en toute honnêteté. Etrangement, la plus heureuse était Adeline. Etait-ce parce que Maddie est son amie, ou bien était-ce parce que ça lui avait redonné du courage ? Peu importait.

Ce qui était dans l’esprit de tous pour le moment, c’étaient les épreuves du bac. Les épreuves orales approchaient à grands pas, mais Adeline s’inquiétait pour les épreuves futures. Elle était une tout aussi bonne élève que Maddie, mais il ne faut pas avoir trop confiance en soi non plus. En plus de l’insupportable attente d’une quelconque réponse de ses vœux, elle passait son temps libre à réviser, tout en regardant un épisode de série pendant ses pauses. Elle voulait ce bac, et avec une bonne mention, pour s’assurer l’avenir qu’elle s’était choisi. Evidemment, elle n’était pas devenue une machine à travailler non-stop, aucun être humain n’en serait capable. Elle sortait avec des camarades de classes parfois, pour manger une glace, ou se rafraîchir à la plage. Elle continuait de rentrer les week-ends, en s’assurant une détente optimale, zéro révision.

C’était ça, son programme « Réussite absolue ».

Cependant, le chemin était encore long. Le jour suivant semblait toujours se rallonger, et les minutes qui passaient se ressentaient comme des heures. C’était éprouvant, mais pas impossible. L'aventure choisie comportait des épreuves, mais Adeline n’allait certainement pas abandonner maintenant. Elle avait déjà commencé à prévoir des manuels pour travailler pendant les vacances, et rattraper son retard sur les matières scientifiques importantes. Cela dit, ce n’était pas le plus impératif pour l’instant, mais Adeline avait préféré se préparer à l’avance.

Une chose à la fois. Tout d’abord, les épreuves de terminale. Elles étaient toutes importantes, puisqu’Adeline avait prévu de se forger un dossier en béton. Elle se devait donc d’assurer dans chacune d’entre elles. Elle n’avait pas peur pour la littérature, bien au contraire, ni pour les langues vivantes. Elle avait choisi en première langue l’italien, car sa grand-mère bilingue lui avait déjà appris le nécessaire. En seconde langue, son choix s’était porté sur le chinois, le russe ne l’intéressait guère. De plus, le latin lui apportait un atout considérable dans les langues et le français, sauf pour le chinois, ce qui le rendait plus difficile à étudier, mais pas impossible lorsque l’on est passionné. Ses autres épreuves comprenaient l’histoire-géographie, la philosophie et les sciences. Trois matières pour lesquelles elle devait plutôt s’inquiéter, car il y avait de nombreux éléments à retenir.

Néanmoins, bien avant tout ce stress final, il lui fallait préparer ses épreuves orales de langues et d’histoire des arts. L’histoire des arts, c’était surtout du texte à retenir mot pour mot, texte à rédiger au préalable. Si Adeline était une élève organisée, ce n’était pas la même affaire du professeur. Si bien qu’Adeline dût farfouiller les notes de son cahier méthodiquement, et parfois les agrémenter de recherches supplémentaires mais capitales. Après de longues heures passées sur son nouvel ordinateur portable, il ne lui restait qu’à apprendre ces textes. Elle estima que la technique la plus efficace était de les réciter en suivant les bords de son tapis rond. Attention à ne pas marcher trop vite, ça peut donner le tournis ! Mais c’était suffisamment efficace, et ses écrits devinrent comme un poème qu’elle se récitait à chaque occasion.

Voilà, elle était prête pour un oral. Plus que trois : les langues. Heureusement, pas de pavés à connaître sur le bout des doigts, seulement beaucoup de vocabulaire et un minimum de grammaire. Elle avait peaufiné son anglais au travers de divers films, séries et bandes-dessinées, il ne lui manquait que les mots clés des notions abordées en cours à imprégner. L’italien, aucun souci. Le chinois, c’était une autre histoire. Adeline était bien contente que cette épreuve soit seulement écrite. Restait le latin, encore une fois, du par-cœur, mais il fallait ajouter à cela une certaine logique, de la conjugaison, de la grammaire et du vocabulaire. L’italien, le latin et le français étant relativement proches, ce n’était pas vraiment un problème pour Adeline. De plus, le latin se révélait être un atout pour pas mal de matières, finalement.

A la suite de ces quatre face-à-face, il fallait rassembler ses capacités dans plusieurs épreuves écrites. Le stress était moins pesant, car le jugement n’était pas immédiat, et Adeline pouvait bénéficier de tout le temps nécessaire pour réfléchir à une réponse complète et précise. Elle aime prendre le temps de bien faire les choses, quitte à recommencer plusieurs fois. Tous les cours d’Adeline étaient fort joliment présentés, et il était impossible d’y trouver la moindre erreur, à moins qu’elle ne vienne du professeur. Non seulement ses cours étaient agréables à apprendre, mais en plus ils étaient organisés irréprochablement. Adeline ne faisait pas ça pour être l’élève modèle, ce n’était pas son genre. Elle aime simplement quand chaque chose est à sa place, et qu’elle est présentée au meilleur de son potentiel. C’est tout.

De cette manière, s’organiser pour le baccalauréat n’était rien de plus que le quotidien.

Malgré ces journées entières consacrées aux révisions et les programmes chargés, le temps passait très lentement aux yeux d’Adeline. Ses tentatives de garder son esprit occupé pour laisser filer les secondes plus rapidement étaient vaines. Néanmoins, les épreuves écrites firent leur apparition plus vite que prévu, et beaucoup d’élèves furent pris au dépourvu, Adeline n’en faisant pas partie. Elle, elle était prête. Elle avait la motivation nécessaire pour tourner la page et passer au chapitre suivant. Elle en avait marre du lycée, de l’internat, des cours, des élèves, des professeurs, du paysage, de la ville…

En se concentrant sur cette rage de vaincre, les épreuves écrites se déroulèrent simplement et calmement. L’attente la plus longue était sans aucun doute les heures qui glissaient entre chaque épreuve. Que faire, en attendant ? Réviser était inutile, et la transition était trop courte pour espérer une activité en ville, le marchand de glaces le plus proche étant à quinze minutes de marche minimum.

A présent, une deuxième période où la seule occupation se trouvait être l’attente commença. Deux résultats étaient sur toutes les lèvres : le bac, et les vœux d’études supérieures.

Le jour où les premiers résultats furent diffusés, les nombreux sites à disposition explosèrent. Surchauffe. Trop de monde, sans nul doute. Adeline, ne pouvant se rendre au lycée dans l’immédiat, fut contrainte d’attendre le soir, que les sites soient remis en marche. Bien qu’elle ne doutât point de ses capacités, elle voulait connaître sa note, car son futur comptait uniquement là-dessus. Pour être acceptée dans une filière qui n’avait rien à voir, elle devait montrer qu’elle était une excellente élève, et qu’elle méritait d’être prise au sérieux.

Le soir, donc, après le repas familial, Adeline attendait patiemment devant son ordinateur. Toutes les cinq minutes, elle actualisait la page, mais aucun changement ne pointait le bout de son nez. Puis, après une longue demi-heure, des lignes de texte interminables apparurent. Il fallait maintenant trouver son prénom et son nom de famille, une épreuve très angoissante. Quand enfin le sujet apparut sous ses yeux, la souris glissa sur l’écran, afin de lire la bonne ligne. La note n’était pas affichée, mais la mention officielle était inscrite. Adeline sauta de joie, elle était admise avec la mention très bien.

Une semaine plus tard, l’opération recommença de plus belle. Entre temps, Adeline avait assisté à la remise des diplômes, et elle affichait fièrement sa note de 16,7. Elle patientait à présent pour les résultats lui indiquant son futur. Son unique vœu. Elle savait qu’elle devait être acceptée, mais il pourrait y avoir des conditions. Cette fois-ci, l’attente fut moins insupportable, mais la réponse n’était pas la meilleure de toutes. Adeline reçut une notification lui indiquant un nouvel e-mail. Enfin, elle lisait l’avis de la fac à laquelle elle s’était inscrite, et bien qu’elle ne pût s’empêcher d’être déçue, son futur en était assuré, pour l’instant.

Adeline était acceptée, à conditions qu’elle soit inscrite en année de propédeutique, c’est-à-dire une année de remise à niveau. Cela lui permettait de s’inscrire en licence une année plus tard avec toutes les bases nécessaires, voire quelques connaissances supplémentaires.

Annotations

Vous aimez lire Titi7410 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0