Deux flammes sous un ciel
Le royaume d’Ælandor reposait sur un équilibre fragile : celui du pouvoir, de la magie . Depuis des siècles, les plus puissants chevaliers protégeaient la couronne et maintenaient l’ordre à travers les cinq grandes provinces. À leur tête, un seul titre faisait rêver les plus ambitieux : le Maître Épéiste, chef suprême de l’armée, lame d’honneur du peuple, autorité incontestée sur le champ de bataille.
La pluie tombait doucement sur les toits troués des bas-quartiers de Lethar. Les flaques d’eau sale reflétaient la lumière rougeâtre des lanternes fatiguées. Une silhouette filait à travers les ruelles, rapide et discrète. Lilith Stella , marchait sans faire de bruit, sa cape en loques collée à la peau. À la ceinture, deux fourreaux : l’un noir, l’autre blanc. Deux katanas, silencieux témoins de son passé.
Elle rentrait de l'entraînement. Comme chaque soir, son corps portait les marques des coups, mais son regard restait clair, calme. Son esprit, lui, toujours en mouvement.
Un vieil homme l’attendait dans la cour arrière d’une maison abandonnée, assis sur un tonneau.
— Tu boîtes encore, constata-t-il d'une voix grave.
— J’ai esquivé trop tard, répondit-elle en s’asseyant au sol.
— Les réflexes ne viennent pas seuls, tu le sais. Et tu ne parles toujours pas beaucoup. Tu penses à quoi, hein ?
— À rien d’utile pour ce soir.
Il grogna, esquissa un rictus. Elle avait toujours été comme ça. Fermée comme une lame dans son fourreau. Mais efficace. Tenace.
À plusieurs kilomètres de là, dans l’aile Est du palais royal une grande cour pavée entourée de colonnades blanches et de jardins suspendus les sabres d’entraînement s’entrechoquaient. Renard Silva enchaînait les mouvements avec grâce, sous les regards silencieux des instructeurs. Fils d’un général respecté et neveu du roi actuel, il portait le nom de la famille Silva comme un honneur… et une pression constante.
Il mit un genou à terre, haletant. La sueur coulait sur son front, mais son regard restait fixe, comme s’il poursuivait une lumière que lui seul pouvait voir.
Une voix claqua dans l’arène.
— Relève-toi.
C’était son père. Droit comme une lance, froid comme l’acier.
— Dans deux mois, tu rejoindras les rangs des chevaliers. Tu porteras notre nom. Tu nous feras honneur.
— Je deviendrai le Maître Épéiste, le chef de l’armée, répondit Renard, le regard dur.
Le général ne répondit pas. Il fit volte-face et s’en alla.
Renard resta debout, seul, son sabre en main.
Deux chemins bien différents. Deux silences. Deux flammes.
Et au loin, sur l’horizon d’Ælandor, un défi qui approchait. Lentement, mais sûrement.
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