Birgounie

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   La lune était encore haute dans le ciel et sa lumière se reflétait sur les vitres de la maison. Edward, que tout le monde avait fini par surnommer "le vieux Ed" n'arrivait pas à trouver le sommeil. Comme chaque nuit depuis des années il se réveillait naturellement trois ou quatre heures après s'être endormi. Il appréciait particulièrement ce genre de nuit avec une lune brillante et un ciel dégagé qui permettait aux étoiles de tapisser le ciel. S'il avait fait comme d'habitude, il se serait contenté de se tourner vers la fenêtre de sa chambre dont il ne fermait plus les volets ni ne tirait les rideaux et aurait observé le ciel étoilé depuis son lit en ne faisant que penser et se remémorer quelques souvenirs de sa longue vie.

   Cette fois-ci était différente. C'était la première nuit que passait sa nouvelle plante carnivore sous son toit. Il l'avait acheté la veille lors de sa promenade en ville. Il était entré dans la boutique comme un enfant attiré par la vue de friandises et était reparti avec le sourire aux lèvres en se répétant en boucle dans sa tête "Dionaea muscipula" pour ne pas l'oublier avec d'arriver chez lui. Il se dit finalement que ce n'était pas une bonne idée de l'appeler ainsi, c'était comme appeler son chat "chat". Il y avait réfléchi pendant longtemps sans arriver à trouver quel nom lui irait le mieux mais maintenant, au beau milieu de la nuit, il savait.

   Tout en prenant son temps, il s'extirpa hors de son lit et entreprit de descendre une à une les marches qui le mèneraient au rez-de-chaussée de sa maison. Même si cet escalier le faisait parfois souffrir, il se disait que tant qu'il parvenait à le monter et le descendre chaque jours, il n'était peut être pas si vieux qu'il y paraissait. Il traversa ensuit la cuisine pour se rendre directement dans la petite véranda. La plante était là, posée sur une petite table ronde. Il s'assit dans le fauteuil placé juste à côté et avant de dire quoi que se soit, observa encore la lune qui éclairait la pièce aux murs transparents.

- Birgounie. C'est comme ça que tu vas t'appeler. Finit par dire Ed.

   Les souvenirs se bousculaient dans son esprit. Ce mot, birgounie, lui évoquant la femme qu'il avait perdu il y peu. C'est comme cela qu'elle avait l'habitude de le surnommer quand il faisait ou disait quelque chose d'idiot. Il pouvait encore entendre sa voix, comme si elle se tenait à ses côté, dire "t'es vraiment un birgouni". Il réalisa, alors qu'il était plongé dans ses souvenirs, qu'il n'avait jamais vraiment su ce que cette expression signifiait malgré toutes ses années à se faire traiter de birgouni et à surnommer sa femme "la birgounie" en retour. Ils avaient même commencé à rédiger quelque page d'un récit relatant les moments importants de leur vie à deux qu’ils pensaient appeler "Les Birgounies". Personne n'aurait compris ce titre mais c'est quelque chose qui les amusaient terriblement.

- Je ne pense pas que je continuerais d'écrire ses pages. Je n'en aurais pas la force mais à la place d'écrire, je peux simplement dire. Je trouve juste dommage qu'il n'en reste aucune trace. Ou alors, je peux demander à quelqu'un de rédiger ce que je raconte. Oui, ça serait une bonne idée mais je dois me préparer. Si tu n'y voie pas d'inconvénient, Birgounie, tu vas m'aider à m'entrainer.

   Je vais commencer par te raconter ce que j'ai vécu dans ma jeunesse, quand je venais tout jute de décrocher mon premier travail. Je n'avais aucune idée de ce dans quoi je me lançais. J'avais été enrôlé comme matelot sur un grand navire marchand et nous devions nous diriger vers des îles éloignées, très éloignées. Je m'en rappelle comme si c'était hier. Les voiles gonflées, des bourrasques de vent qui auraient pu faire passer un homme par dessus bord mais surtout, l'activité qui régnait sur le pont toute la journée. Le calme n'arrivait que pendant la nuit et quand tout le monde était endormi, j'allais sur le pont et j'observais le ciel et les étoiles.

   Un jour, lors de cette traversée, un navire nous a pris en chasse, nous n'avons jamais su qui ils étaient car un bâtiment de l'armée nous ait venu en aide mais nous étions assez proche pour observer l'affrontement qui a suivi. Je peux encore entendre le bruit des coques qui s'entre choquent, les cannons et coups de feux suivis de cris abominables. C'est la seule fois où j'ai vu un abordage d'aussi près. J'ai pu voir toute la violence dont peuvent être capables les hommes mais va savoir pourquoi, Birgounie, ça ne m'a pas empêché de reprendre la mer encore et encore et je ne regrette rien.

   Alors, tu penses que ce serait une bonne idée de raconter mon histoire à quelqu'un pour qu'il l'écrive ? J'ai besoin d'y réfléchir encore ... un peu ...

  Pour la première fois depuis des années, Le vieux Ed se rendormit. Au moment où ses yeux s'étaient fermés, il l'aurait juré, Birgounie lui souriait.

   Si quelqu'un c'était trouvé assez près le la maison de Edward, il aurait pu y voir à travers la véranda un vieux monsieur dormant paisiblement dans un fauteuil, éclairé par la lune et les étoiles, une plante lui tenant compagnie et orientée comme pour veiller sur lui. Mais personne n'était présent dans les ruelles désertes de ville ce soir là.

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