Chapitre 28 : Territoires edorians, de nos jours. (5/5)
Le drow tourna alors la tête vers le sensitif.
— La pentarque est-elle toujours connectée à vous ?
— Elle l’est, répondit-il.
— J’espère qu’elle est attentive, j’ai quelque chose à lui montrer.
Il quitta Saalyn et se dirigea vers la chaise de l’edorian. Tout en marchant, il sortit un objet de sa poche. C’était une boule en verre dépoli, légèrement lumineuse, de la taille d’un poing serré.
Saalyn identifia ce qu’il avait pris dans la main.
— Un sort gems, dit-elle, quel est son effet ?
— Vous allez le découvrir bien assez tôt.
— Tuer le sensitif ne tuera pas Muy, vous savez ?
Le drow se contenta de sourire. Brusquement Saalyn se figea.
— Vous n’allez pas… Muy, déconnecte-toi ! Dégage ! cria-t-elle.
Elle repoussa sa chaise et se leva pour rattraper le drow.
— Trop tard, s’écria-t-il.
En un pas, il fut sur le sensitif et lui fracassa la boule sur le crâne avant qu’il ait pu réagir. L’edorian se mit à hurler de douleur. Saalyn se précipita sur le drow. Brusquement, elle se prit la tête entre les mains et hurla à son tour. Elle bascula en arrière. Sous la souffrance, ses jambes étaient agitées de soubresauts.
Deirane repoussa sa chaise, elle regardait avec horreur les deux Helariaseny se convulser devant elle. Elle eut la présence d’esprit de prendre la main de Cleindorel pour qu’on ne puisse pas les séparer. Le drow avait un air satisfait sur le visage. Son complice était impassible, il prit un cigare et l’alluma comme s’il était au spectacle.
Le silence revint. Trazen s’effondra sur la table, les yeux grands ouverts. Du sang coulait de son nez et de ses oreilles. Il était mort. Deirane se précipita vers son amie. Elle prit dans ses bras le corps agité de convulsions et le serra contre elle. Elle la sentit s’amollir soudain. La poitrine se souleva puis retomba lentement pour s’immobiliser. En larme, Deirane posa la main son cœur, mais il n’y avait plus rien.
Le corps agité de sanglot, elle étala la guerrière sur le sol puis elle se releva.
— Elle est morte, dit-elle, vous l’avez tuée.
— En effet, répondit calmement le drow.
Il se dirigea vers la porte et tira sur un cordon.
— En fait, continua-t-il, je n’ai pas tué un edorian et une stoltzin, j’ai gagné la guerre contre l’Helaria. Voyez-vous, le lien entre un sensitif et un pentarque ne transmet pas que les pensées. Il transmet aussi les sensations. La douleur par exemple.
— Vous êtes un monstre ?
— Le gems qui m’a vendu le sort y a introduit une douleur correspondant à des milliers de souffrances. La pentarque a reçu ça de plein fouet. Elle n’a pas eu le temps de se retirer de l’esprit du sensitif.
L’entrée d’un groupe de domestiques interrompit ses explications. Il montra le corps de Saalyn puis celui du sensitif.
— Emmenez-la en chambre froide, ordonna-t-il, et faite bien attention à ne pas l’abîmer, je veux qu’elle reste intacte. Et jetez-moi cette charogne.
Les edorians emportèrent les deux corps.
Le drow reprit ses explications.
— Quand Muy a ressenti la douleur, elle n’était plus en état de faire quoi que soit. Sinon elle aurait juste coupé le contact. Les siens ont aussitôt essayé de la soulager en la répartissant entre eux tous. Mais même à six, des milliers de souffrances ça reste trop. Ils ont donc réparti la douleur entre tous les stoltzt, les deux cent mille stoltzt d’Helaria. Vu ce qu’a subi notre chère guerrière libre ici présente, ça n’a pas suffit.
— Vous êtes un monstre.
Deirane fit un pas en arrière, entraînant sa nièce avec elle.
— C’est la guerre, pontifia le drow, à l’heure actuelle les pentarques sont ou morts ou fous et la plupart des stoltzt sont hors de combat pour des jours, certainement morts pour une bonne partie d’entre eux. À vrai dire, je ne m’attendais pas à un tel effet. Cette rupture des vaisseaux sanguins est surprenante. Qu’importe. Je suis vainqueur. Je suis le meilleur. Les stoltzt étaient le seul obstacle entre le passé et le futur. Il fallait les éliminer pour que les Nouveaux Peuples puissent prospérer. C’est chose faite.
— Les stoltzt représentaient le futur. Ils apportaient beaucoup à notre monde.
— Leur futur, pas le nôtre. Saviez-vous que les stoltzt se reproduisent plus vite que les humains. D’ici un ou deux siècles, ils nous auraient submergés.
— Vous êtes fou.
— Ça suffit. J’ai été indulgent avec toi Deirane. Tu as vu mon génie à l’œuvre. Tu n’es pas capable de l’apprécier. Je ne suis pas obligé de supporter tes critiques.
Il se tourna vers Stranis.
— Ramène-la dans sa chambre, ordonna-t-il.
— Avec plaisir, répondit le brigand.
— Et ne la touche pas. J’ai besoin qu’elle soit intacte. Si tu veux t’amuser, il y a assez de domestiques pour cela dans le château.
— Quel dommage, j’aurais bien aimé tester ce qu’elle a appris au cours de sa vie. La dernière fois, elle était si inexpérimentée.
Stranis empoigna Deirane par un bras. Elle le suivit sans résistance, sans toutefois lâcher la main de sa nièce.
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