Chapitre 5 : Espoir et Sagacité

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  Les semaines suivantes furent calmes et sans réelle aventure à narrer. Je visitai toutes les planètes qui s’offraient à moi. Aucun défi ne vint, mais je profitais du temps que j’avais pour réentrainer mon aptitude à distinguer le mensonge. Ce vieillard m’avait laissé un souvenir plus âpre que je le pensais. Grâce aux supposés talents de Ger’Ealto, il était passé outre mes qualités et cela ne se reproduirait plus.

Ce fut par un hasard total que je devais rencontrer les deux membres de mon équipage.

  Lors d’une escale sur la lune d’une planète rouge sombre minière, un des moteurs de mon vaisseau fit des siennes. Je me hâtai de me rendre au spatioport. Là, je fis la connaissance d’une femme. Quand je la vis pour la première fois, elle semblait s’ennuyer, comme à l’attente d’un évènement déclencheur dans sa vie. Elle était de petite taille, mais solide et vive.

Elle était mécanicienne depuis quelques années. Plus jeune que moi, elle était d’une espèce proche de l’humain et avait passé sa vie à étudier son domaine pour suivre les traces de ses parents. Ceux-ci étaient décédés dans un conflit galactique il y avait plusieurs temps de cela. Elle s’appelait Espoir.

Elle fit les réparations de mon vaisseau, et nous eûmes de longues conversations. Elle s’intéressait énormément à la manière dont j’avais choisi mon père. Cela contrastait avec sa famille, qu’elle avait aimé et n’avait pu chérir aussi longtemps qu’elle l’ait souhaité. De toutes les aventures que je lui contai, ce fut l’escapade des bandits qui l’impressionna le plus. Je vis à ses yeux qu’elle respectait ceux qui, loin de plier devant le monde et ses attentes, étaient fidèles à eux-mêmes, peu importe le cout.

À travers nos discussions, je compris que la dette qu’elle ressentait envers le métier de ses parents l’avait toujours tenu écarté de son désir principal. Si elle avait appris à réparer les vaisseaux, c’était avant tout pour naviguer. Elle avait bien eu parfois l’envie d’embarquer, mais elle se l’était refusée et s’était imposé comme condition de trouver un capitaine spécial. Si elle devait en arriver à quitter son travail, cela devait être pour un esprit flamboyant qu’elle serait capable de suivre jusqu’au plus lointain des soleils, pas un individu ne cherchant à faire de la contrebande ou du simple fret. Elle voulait l’exceptionnel.

Je remarquai un talent unique en elle. Son espèce avait la particularité d’accumuler les particules de matériaux des alentours dans leur corps afin d’évoluer. Ses yeux avaient assimilé des débris de titane et magnésium dans les ateliers. Cela leur donnait une couleur métallique teintée de reflets argentés, mais surtout une formidable portée à sa vision. Elle pouvait de même voir à travers certaines matières. En plus d’être très utile à son métier, son don parvint quelquefois à saisir parmi le mensonge.

Je ne pouvais pas laisser passer cette occasion. Je lui proposai de me rejoindre. Elle accepta, car Espoir se doutait du caractère unique qu’offrait l’aventure de ma vie.

  Je rencontrai mon deuxième compagnon une semaine plus tard. Alors que j’avais laissé Espoir faire l’entretien routinier du vaisseau, je me rendis dans le centre de navigation régionale. Là, j’entrepris de préparer ma prochaine traversée. Les pillards et bandits étaient une de mes préoccupations. Je ne comprenais pas comment j’avais pu ne pas voir que Sanand en abritait.

La réponse me vint d’un navigateur local. D’une espèce étrangère, son corps était composé de peau et de plumes. Sa silhouette mince était soutenue par de fins bras. Très minces, ceux-ci semblaient fragiles. Son visage était noble et calme. Sa tête se terminait par une coiffure en pointe avec trois plumages en son sommet.

Il s’ennuyait ce jour-là, et l’ennui l’avait fait écouter mes murmures. Il se permit d’intervenir pour me montrer ce que je n’avais pas vu. Il ne fallait pas qu’uniquement regarder la planète et ses environs. Il devait parcourir toutes les indications en mouvement du système. C’était là le détail qui m’avait échappé. J’entrepris de lui faire passer un entretien déguisé, car cet individu m’inspirait directement confiance.

Il se nommait Sagacité. Il avait à ce jour cent-trente-trois ans et avait écoulé toutes ses années sur sa planète. Son métier de navigateur l’avait certes fait apprendre la carte de la galaxie, mais sa fragilité ne lui avait jamais permis d’explorer l’univers. Il avait donc dédié son existence à préparer des traversées pour d’autres. Je lui proposai de continuer la conversation tout en marchant. Il accepta.

Je me doutais qu’il avait encore un talent que j’ignorais. Car à vrai dire, je n’avais jamais vu un être qui paraissait si fragile. Il me semblait suspect qu’il ait pu survivre si longtemps sans une qualité cachée.

Ce fut au fur et à mesure que nous avançâmes dans la ville que je la vis. Il possédait une sorte de sixième sens le prévenant des évènements à venir ou des décisions à adopter. J’ai appris durant mes aventures qu’on aperçoit dans le quotidien les aptitudes supérieures de quelqu’un, si elles sont maitrisées. Or, Sagacité semblait constamment se douter des détails qui allaient survenir dans un futur proche. Par exemple, il ne prit pas un chemin qui apparaissait sûr, mais dans lequel éclata une dispute entre bandes rivales. Lorsque nous bûmes un verre, il parut deviner que la machine des veloutés s’enrayait progressivement et prit autre chose. Et je ne dis pas tout ce que j’avais pu observer.

La fascination n’était pas qu’à sens unique. Il semblait se passionner pour mes aventures. Les cascades l’impressionnèrent, mais ce fut surtout la résolution du conflit qui fit briller ses yeux. Il était de ceux qui croyaient au pacifisme. Je compris là que j’avais gagné le respect de cet honorable alien.

Abrégeant un suspense inutile, je lui proposai de faire équipe, chose qu’il accepta tout naturellement. J’en fus extrêmement satisfait.

  Ainsi, Espoir et Sagacité rejoignirent mon équipage. J’avais confiance en nous. Ces deux êtres étaient formidables et s’entendirent bien très rapidement. Nous avions tous conscience de combler les défauts des autres, formant un groupe inédit et à fort potentiel. C’était là le début des aventures les plus excitantes que la galaxie ait vues depuis longtemps.

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