Chapitre 2
Lorsqu'elle rejoignit Daphné cette dernière lui attrapa le bras palliant à son équilibre vacillant.
- Ma Dame voulez vous vous rafraîchir avant de rejoindre le prince ? « Me rafraîchir non mais attraper dans la volée ma bourse aux milles souhaits ça oui ! » Annaëlle acquiesça et sa nouvelle suivante la raccompagna jusqu'à ses appartements, attendant derrière la porte pour la conduire ensuite dans ceux de son mari. Elle se précipita dans la malle qu'elle avait emportée avec elle et y dénicha la bourse que Méanne lui avait confiée, une bourse renfermant la protection la plus efficace. Prenant une pincée de poussière d'étoile filante elle la déposa au creux d'un mouchoir en tissus qu'elle replia sur lui même avant de le cacher sous sa poitrine entre le tissus fluide de sa robe et le plastron en or soulignant sa taille. Elle était fin prête à affronter Mébael avec sérénité. Elle libéra ses cheveux auburns de la coiffe haute dans laquelle ils étaient entremêlés les laissant lâchement retomber le long de son dos, quelques longues mèches ondulées pendaient sur le devant de sa poitrine, elle les humidifia quelques peu en plongeant ses mains dans la cruche d'eau propre que Daphné avait apportée pendant son absence et rejoignit cette dernière qui l'attendait sagement maîtrisant une patience à toute épreuve.
- Laissez moi vous apporter une chemise de lit avant de rejoindre votre mari. « Certainement pas » Elle avait si bien cachée sa seule arme, et sa suivante voulait l'en priver.
- Je préfère dormir nue pour cette nuit. Elle menti espérant la voir abandonner sa suggestion tendis que le visage de Daphné demeura vide d'expression.
- Très bien, suivez moi. Elle répliqua avec indifférence et Annaëlle se laissa guider à la lueur d'une bougie, dans cette enceinte bien sombre qui pour le moment était tout sauf familière. La flamme que Daphné faisait danser à chacun de ses pas courra sur les murs de nombreuses salles au mobilier bien chargé et aux cheminées d'une stature impressionnante. Ces nombreux salons intimistes, salles d'assises ou bureaux diplomatiques étaient reliés les uns aux autres par des doubles portes en bois massif, sculptées de motifs étrangers et peintes de couleurs chaudes.
- Je vous abandonne ici. La domestique s'éloigna emportant avec elle la lueur rassurante d'une flamme brulante. Bientôt les ténèbres l'envelopperaient à mesure que Daphné s'éloignerait si elle ne trouvait pas le courage d'entrer. Elle gonfla ses poumons d'une bouffée d'air conséquente et tout en la relâchant doucement par ses narines elle entra sans bruit. Annaëlle découvrit décontenancée, son mari endormit dans le plus simple apparat. Il reposait en sommeil sur le ventre et sa vue se détourna vivement de ses parties charnues comme si l'orientation de son regard était observée, une chaleur coupable lui monta aux joues. Elle recouvra rapidement ses esprits et ôta la partie rigide et encombrante de sa robe tout en cachant le mouchoir dans la taie de son oreiller de plumes pour plus de précaution. Elle se délesta ensuite du tissus fluide avant de se glisser dans les draps s'éloignant au possible de Mébael tout en recouvrant son corps nu des draps rouges et orangés qu'elle avait tirés jusqu'à son menton. Le visage de Mébael était tourné du côté opposé auquel elle s'étendait. Mais elle avait la désagréable impression d'être une proie déjà capturée, allongée docilement mais non sans craintes à côté d'un prédateur enclin à bondir à tout moment la dévorant sans une once de commisération. Elle l'écoutait respirer bruyamment pour se rassurer se confortant dans l'idée qu'un sommeil profond l'avait gagné pour enfin pourvoir fermer les yeux, cette première journée étant achevée sans trop d'imprévu.
Aux premières aurores Annaëlle s'échappa d'un sommeil sans rêves. Par chance Mébael dormait encore. Elle prit soin de se revêtir sans bruit, tout en sachant qu'elle ne pouvait le quitter sans qu'il l'interprète comme un affront. Sa ruse de la veille avait fonctionné à merveille mais elle n'était pas pour autant libérée. Elle se rallongea sur les draps se rapprochant de lui et en ayant au préalable récupérée la poussière d'étoile dissimulée durant la nuit dans la taie de son oreiller, elle en prit une pincée. Elle lui caressa les cheveux avec douceur, y déposant les grains poussiéreux tout en formulant son voeux. Par dessus son épaule elle murmura aux portes de son esprit « Cette nuit nous avons partagé notre intimité, je ne vous ai montrée aucune tendresse particulière mais je n'ai en aucun cas rejetée vos intentions de consumer ce mariage. Vous vous êtes allongé au dessus de moi, et j'ai soulevée ma robe pour que vous puissiez accéder sans effort à mon bas ventre. Dans mon regard vous n'avez pu attester d'aucun signe de déplaisir et seul un cri réprimé vous intima l'idée de ma pureté. Puis nous nous sommes endormis sans un mot encore étourdit par le breuvage consommé en quantité déraisonnable ». La formulation de son voeux achevée elle profita du fait que son esprit confectionnait de toute pièce le souvenir qu'elle lui avait insufflé pour s'emparer d'un objet tranchant et maculer les draps d'une tâche de sang attestant d'une virginité dont elle était déjà délestée. Annaëlle balaya la pièce à la recherche de cet objet coupant lorsqu'elle aperçut l'épée de Mébael dans son fourreau, elle semblait bien trop lourde et elle ne pouvait se risquer à la manipuler, il ne devait se réveiller, pas encore. Les vêtements du prince endormi étaient déposés sur une confortable banquette en face du lit contre un mur de la pièce, une dague d'une taille adéquate accrochée à sa ceinture en cuire marron n'attendait qu'elle. Elle s'en empara, et tout en ouvrant les draps, elle se résolut à s'entailler la plante du pieds. Ce serait douloureux mais elle n'avait pas le choix, une blessure à tout autre endroit étant facilement décelable. Quelques gouttes de sang s'échappèrent de la plaie, elle ouvrit la bouche séparant ses lèvres closes comme pour pousser un cri mais se retint de produire un seul son. La douleur était d'une affreuse intensité mais elle s'en moquait et tout en observant le liquide vermeil se propager sur les fibres végétales des draps, elle arbora une expression satisfaite. Elle remit la dague de bronze en place, l'ayant préalablement essuyée, referma les draps et s'assit au bord du lit du côté de son mari les yeux fuyant sa nudité apparente. Elle fit courir ses doigts le long de son dos trop impatiente de constater l'effet de la poussière d'étoile, quelques spasmes parcoururent le corps du prince et il la rejoignit bientôt dans l'éveil. Il se redressa tout en la toisant avec contentement se remémorant sûrement le souvenir imaginaire qui possédait ses pensées, elle avait donc réussit à falsifier le passé. L'ambivalence du sentiment qui l'atteint la surprit, elle était à la fois émerveillée, remerciant les étoiles mais également effrayée du mensonge qu'elle venait de créer de toute pièce, honteuse elle détourna les yeux de son mari.
- Comment se porte votre estomac ? Il arborait une expression ravie tout en portant intérêt aux conséquences de leurs excès de la veille.
- Il réclame son premier repas de la journée. Elle se releva tout en s'éloignant de lui au possible.
- Vous m'en voyez rassuré, mais peut être souhaitez vous prendre un bain avant le petit déjeuner. Empruntez la salle d'eau qui se trouve derrière ce rideau, je vous ferais apporter une nouvelle robe. Il lui désigna un tissus transparent soutenu par une tringle fixée dans la pierre au dessus d'un arc brisé, la clé d'arc étant pourvu d'un relief de fleurs d'amaryllis, au nombre de trois comme à l'accoutumé. Annaëlle acquiesça et se dirigea dans la direction indiquée sur la pointe des pieds prenant soin de ne pas poser sur la pierre grisâtre la partie blessée de son pieds évitant de tracer aux sol un chemin ensanglanté. Mébael pria Daphné de l'aider dans sa toilette, elle apporta une eau fumante et la déversa dans une baignoire en marbre clair veiné de rouge tandis qu'Annaëlle ôtait sa robe pour la seconde fois loin du regard indésirable de Mébael. Une fois plongée dans son bain, Daphné la savonna méthodiquement, elle lui peigna délicatement les cheveux, démêlant ses boucles humides qu'elle assouplit de son toucher tandis qu'elle rêvassait, encore médusée par la manière dont elle s'était débarrassée d'une réalité alternative qui aurait été du domaine du passé sans l'aide précieuse d'une certaine étoile filante. Un corps céleste au malheureux destin qui dans sa grande bonté arrachait au sien toute sa rigidité. Daphné interrompit ses légères divagations et elle sortie du bain. La chaleur de la pièce évapora bien vite l'eau qui s'échappait le long de ses membres, la domestique tressa les cheveux auburns de la princesse qui goûtaient le long de ses reins puis nouant un cordon de cuir au bout elle lui fit signe d'avancer dans la pièce d'à côté. La voyant hésitante elle l'informa.
- Votre mari est partit lorsque j'ai franchis le seuil de votre chambre. Elle renchérit comme pour elle même. Ce n'est pas comme si votre corps était inconnu de son regard. La raison de sa réserve lui filait entre les doigts mais elle ne releva pas. Aucune explication naturelle ne pouvait être exprimée, il y avait là un soupçon d'essence de la nature dont Annaëlle se garderait bien d'en dévoiler l'existence qui plus est au sein de sa propre chair. La domestique pria la princesse de maintenir le tissus passant par sa poitrine contre le côté droit de ses côtes puis disparaissant derrière son dos elle fit deux fois le tour de sa silhouette. L'imperturbable Daphné acheva sa tâche en déposant le tissus rose poudré par dessus l'épaule gauche de sa Dame. Puis attrapa un bustier en cuir souple qu'elle noua intimement autour de sa taille. Y'avait il encore de la place pour un petit déjeuner ? Les lanières de cuir fermement croisées dans son dos lui soufflaient tout le contraire.
Ils déjeunèrent en discutaillant de choses insignifiantes, chaque fois qu'elle plantait sa fourchette dans un met nouveau il appréciait sa réaction avec complaisance voulant connaître dans le détail les préférences de son palais. Voyant qu'elle fuyait son regard depuis leur réveil il la pria bientôt de l'accompagner à la chasse, une invitation qu'elle déclina à brûle-pourpoint. L'informant qu'elle passerait la journée dans les jardins à contempler la créature d'azur, prenant soin d'omettre un léger détail, c'était des récits qu'elle voulait contempler à travers elle. Puis qu'elle chercherait l'agréable compagnie de Cassandre, cette dernière intention de sa part lui inspira un sourire sincère.
- Je vous abandonne pour la matinée je serais de retour pour midi, permettez moi de vous imposer la compagnie de Daphné que vous sembler particulièrement apprécier pour vous accompagner dans les jardins, je ne suis pas encore tout à fait rassuré par les intentions de cette créature sauvage malgré l'éloge que vous m'en faites, et le penchant que vous avez à prendre sa défense en toute circonstance. En mari concerné il s'exprima sur un ton de méfiance selon elle infondée.
- Si cela vous permet de partir l'esprit tranquille. Elle temporisa sa réponse quand bien même cette remarque l'irritait au plus haut point, sans doute la culpabilité qui l'obligeait à le ménager. Mais c'est bien lui qui s'était risqué à capturer cette créature sauvage comme il le lui avait décrite. Il quitta la table et Annaëlle rejoignit les jardins accompagnée de Daphné et de la plus jeune de ses domestiques qui brûlait d'envie de les rejoindre, elle s'enquit de son prénom auprès de la plus âgée tout en déplorant son expression effrayée.
- Ce n'est pas ainsi que l'on se tient jeune fille, relève ton menton et contemple l'horizon. Elle le lui demanda avec beaucoup de douceur mais tout en ouvrant sa bouche aucune parole ne pu être articulé, aucun son n'en sortit et des larmes perlèrent bientôt sur les joues laiteuses de la jeune fille. Annaëlle se retourna vers Daphné prit de court, ne comprenant pourquoi ses paroles avaient profondément atteint l'estime de cette adorable petite étoile.
- Lithanie est muette depuis son plus jeune âge et personne n'a su mettre des mots sur le mal dont elle souffre. Elle l'informa avec son habituel détachement, dénué de froideur cependant. Sa voix enfantine ne se ferait donc jamais entendre. Dans un élan d'héroïsme elle voulu trouver un moyen de communication pour cette jeune fille coupée du monde, condamnée à ses seules pensées pour éternelles amies. A défaut de lui permettre un jour de parler de vive voix, elle se dit qu'il serait peut-être envisageable de permettre à ses pensées de s'exprimer au travers de l'essence qui la traversait. « Méanne semble pourvue d'une capacité lui permettant de filer au travers des barrières de l'esprit comme si elle traversait un mur de pierre tout en le rendant immatériel. Alors peut être que je pourrais parvenir à acquérir une telle aptitude avec un peu d'entraînement » Annaëlle y songea tout en déplorant l'absence de sa Cybèle. Les deux jeunes femmes et la jeune fille réduite au silence étaient assises dans l'herbe entourées d'arbustes leurs procurant de l'ombre par endroit, le feuillage des arbres faisait danser et s'alterner les coins d'ombres et de lumières, elles contemplaient la créature d'azur de l'autre côté de la rivière, attachée d'une chaîne en fer-diamant forgé à Uropi. Annaëlle détaillait le visage allègre de Lithanie. La créature se reposait tout en les observant du coin de l'œil, elle avait comprit sans effort sa posture d'œuvre de la nature que l'on contemplerait des heures sans lassitude. Et le radieux visage de la jeune fille l'incita à se donner en spectacle. Son pelage fut bientôt animé par les flammes qui l'avait déserté en raison de l'absence de menace. Un pelage enneigé qui prit bientôt un aspect enchanteur, des flammes bleutées parcouraient à présent son pelage jusqu'à sa longue queue où les flammes étaient les plus dense. Lithanie s'en émerveilla et ce visage bien plus expressif que celui de Daphné la fit sourire. Annaëlle se remémora les paroles discrètes de Méanne sans doute arrachées par la stupeur « L'étoile de Rigel... » « Que voulait elle dire par là ? » la curiosité rendait son esprit corrosif.
Mébael ne tarderait pas à revenir de la chasse et Annaëlle décida d'abandonner le feuillage garni des arbres, échappant aux brûlants rayons de l'astre à son point le plus haut dans le ciel pour franchir le ponton qui la séparait de sa compteuse favorite après Méanne bien-sûr. Les deux domestiques suivirent ses pas tout en restant en retrait. La créature abandonna son bouclier de flammes, puis avec douceur et quiétude elle se permit d'appliquer une caresse sur sa robe blanche nervurée de noir déposant sa main sur le dessus de son crâne et descendant jusqu'à son encolure. La créature d'Azur ne broncha pas et se contenta d'assaillir la princesse d'image à l'en déséquilibrer. Elle courait dans une forêt qu'elle connaissait déjà, les arbres de la foret d'Evira lui étaient familiers et arboraient des arcanes en leurs troncs. Des créatures étranges déambulaient librement dans un environnement presque entièrement déserté par l'Homme, déserté par les mains de la destruction. Sa lecture débuta, c'était une créature unique née d'un processus étrange non imputé à la reproduction. Lorsqu'un Aigle de feu sent la mort le gagner il crache une dernière flamme d'une intensité comparable aux éruptions solaires et se consume lui même dans ce bûcher funéraire. De ses cendres encore chaudes naissent alors des centaines de créatures mythiques, dont l'existence serait imputé à la simple mais démesurée imagination des êtres traversés par l'essence de la nature. Une nature qui les transcende et s'approprie leur pensées, leurs rêves et leurs souvenirs. C'est ainsi qu'elle naquit sortant des cendres d'un oiseau de feu, parmi d'autres créatures ni mâle ni femelle, toute aussi uniques qu'asexuées. Condamnée à la solitude d'une espèce dont ils sont les seuls représentant. Elle n'avait donc aucune famille et seul la nature l'accompagnait depuis le début de son existence. Mébael accompagné de ses jeunes frères revinrent de la chasse et le vacarme des chevaux lancés au galop par leurs cavaliers émérites laissa s'échapper en fumée les souvenirs qu'il lui avait été donné de percevoir.
- Que faites vous si proche de cette créature ? Vous a t'elle ensorcelée ? Mébael l'avait rejointe en quelques secondes, de l'autre côté du ponton, à l'endroit où seule la princesse des fleurs d'Aurum avait osée s'aventurer.
- N'ayez crainte, malgré vos inquiétudes le jour de notre union nous avons retrouvée votre soeur saine et sauve je me trompe ? Je suis agacée de devoir vous répéter qu'elle ne me veut aucun mal. Elle lui répondit avec aplomb.
- Agacée de la considération que je porte à votre sécurité ? Son incompréhension rendit son intonation bien plus dure qu'il ne l'aurait souhaité.
- Non.. Il est évident que non, plutôt agacée du peu de confiance que vous m'accordez. Annaëlle en paru sincèrement blessée mais son mari lui lançait toujours ce regard désapprobateur sans vraiment regarder dans sa direction, oscillant entre la créature, sa femme et les deux domestiques qui s'éloignèrent bien vite.
- Une créature sauvage aussi imposante, même parfaitement dressée n'en reste pas moins imprévisible. Reculez maintenant. Les prunelles dorées de sa jeune épouse assombries par ses paroles autoritaires incita enfin Mébael à maîtriser sa colère, il renchérit.
- S'il vous plaît, j'en serais rassuré. Annaëlle recula presque interdite par l'intonation suppliante de sa voix. La destinataire du sourire qu'il lui adressa ensuite garda la courbe de ses lèvres aussi lisse que la peau d'un nourrisson mais le regard de la princesse s'était radoucit.
- Accompagnez moi à la ville j'ai une échoppe à vous faire découvrir. Mébael tenta de rétablir une conversation tempérée se maudissant d'avoir ébréchée la tasse de porcelaine qu'aurait représenté sa relation avec Annaëlle, une porcelaine fragile et fraichement ornée de peinture, qu'il fallait laisser sécher à la lumière du soleil et l'épargner d'un toucher qui pourrait ruiner les motifs d'une union fraichement esquissés.
- A la ville vraiment ? La surprise laissa rapidement place à la curiosité mais elle n'en oublia pas pour autant leur désaccord précédent.
- La ville intérieure à notre cité, nous n'aurons guère besoin d'escorte, ce sont de riches marchands pour le moins civilisés.
- Mais je ne craint pas les gens du peuple ce qui ne semble pas être votre cas, niché sur votre colline, entouré de vos doubles remparts. Elle s'employait habilement à susciter son agacement.
- Si c'est la cervoise vous barbouillant encore l'estomac et les idées qui vous incite à prendre une position si défensive elle ne martèlera plus jamais vos tempes. Les commissures de la princesses se relevèrent marquant sa satisfaction d'entendre Mébael perdre patience mais elle n'eut pas le temps de répondre qu'il renchérit.
- Vous me dites que je vous agace par excès de sécurité mais sachez que vous m'agacer par excès de riposte. Il réalisa bien vite que sa femme avait bien plus de caractère qu'il ne se l'étais imaginé et même si son agacement transparaissait il n'en était pas moins séduit par cette princesse qu'il avait choisit.
- Et bien cela étant dit je vous suit. La sincérité de ce prince qui ne mâchait pas ses mots la ravit tout à fait. Elle avait trouver le moyen de le repousser, il s'était emporté si vite qu'à ce rythme là la lassitude et l'ennui viendraient le piquer sans tarder et Annaëlle serait enfin soulagée.
Ils quittèrent les jardins du château, marchant côte à côte sans échanger un regard perceptible pour celui qui en était l'objet, seul Mébael adaptait la cadence de ses pas pour réduire la distance qui les séparait. Ils arrivèrent aux portes de la premières enceinte que le prince avait emprunté quelques instants plus tôt à monture rentrant de la chasse avec ses jeunes frères. Mébael fit signe aux gardes d'ouvrir les grandes portes fondues dans un robuste métal d'une teinte opaque. Elles s'ouvrirent sur une large cour délimitée par des remparts de pierre grisâtre que l'on ne pouvait distinguer au loin, plusieurs kilomètres séparaient la cité mère de celle entourant le parvis de la citadelle. Des doubles remparts renforçant la distance entre le peuple des champs et les prestigieux habitants de la colline. La citadelle dont la décoration choisit dans le simple but d'étaler ses richesses, de parader comme un paon pour séduire en toute circonstance la foule d'invités étrangers s'aventurant dans cette forteresse imprenable, manquait cruellement de goût, ou à défaut de jugement personnel, d'humilité. Empruntant ce chemin soigneusement pavé pour éviter des enlisement dans la boue, Mébael tourna à gauche faisant signe à son épouse de le suivre, il tendit sa main et la déposa sur les reins de sa femme qui s'empressa de se pencher vers l'avant attrapant le tissus de sa robe qu'elle souleva pour avancer avec plus d'aisance et par la même occasion se dégager de ce toucher inattendu. Il arrivèrent bientôt devant l'échoppe d'un marchand de pierres précieuses assemblées ou non en bijoux sophistiqués.
- Je vous en prie entrer et choisissez ce qu'il vous plaît. Il attendit qu'elle s'avance et lui emboîta le pas aussitôt.
- Ce qui me plait ? Vous abandonner déjà l'idée de le deviner par vous même ? Elle parcourra du regard les étalages multicolores tâtonnant du bout des doigts les pierres taillées.
- Ne dites rien, vous êtes encore agacée ? Il soupira, tendis qu'elle manqua de s'esclaffer nerveusement.
- Surprenez moi. Annaëlle s'appliqua à couvrir sa voix d'une langueur feinte, maquillant sa curiosité.
- Ce ne sera pas une mince affaire mais je vous promet d'essayer. Mébael marqua un temps d'arrêt se plongeant dans les yeux de sa femme puis articula résolument.
- Bien, je ne vous ai jamais vu arborant des couleurs sombres, vous n'aimez pas particulièrement les couleurs chaudes non plus même si cela ravit à votre teint.. Et au cours des nombreux bals où je me suis rendu au sein d'Uropi ayant pour hôte votre père je vous ai souvent observé avec une toilette dans les teintes de vert. Donc admettons que vous ayez une faible préférence pour cette couleur, aurais-je vu juste ? Relevant les sourcils ses prunelles s'illuminèrent attendant la réponse de son étoile soeur.
- Vous partez avec un avantage. Se résigna-t-elle à avouer. Ce petit jeu n'avais guère tourné en sa faveur et au lieu de ridiculiser son mari elle lui avait donné l'opportunité de lui prouver sa bonne foi. Elle haussa les épaules maudissant l'inefficacité de sa ruse tout en observant le visage de son époux qui jubilait de satisfaction.
- J'ai précisément ce qu'il vous faut mon prince si vous permettrez. Le marchand qui les observait dans l'ombre attira le prince à sa rencontre laissant la princesse à ses contemplations pour pallier à son attente. Ce dernier présenta au prince un bracelet rigide fait d'or et serti d'une pierre précieuse d'un vert peu commun et d'une forme qui l'était tout autant, cette pierre inconnue de la taille de l'ongle du pouce était emprisonnée par des motifs arabesques rejoignant l'ovale rigide du bracelet doré.
- C'est une diopside verte, une pierre très rare et difficile à tailler ainsi. Je vous cède ce bijou pour quinze Astéri. Annaëlle s'était éloignée un peu plus, caressant des colliers qu'elle jugeait bien trop lourd pour être portés.
- Je vous en donne dix. Le marchand ayant anticipé une négociation qu'il ne pouvait refusé accepta sans rechigner l'offre du prince héritier. Mébael glissa le bracelet dans sa bourse et rejoignit son épouse qui à présent effleurait du bout des doigts des étoffes soyeuses et colorées.
- Nous pouvons partir, j'ai trouvé ce que j'étais venu vous laisser choisir. Ses prunelles chargées de satisfaction contemplaient les gestes délicats de sa femme.
- Vous êtes bien sûr de vous, ce marchand vous a bien aidé reconnaissez le. Elle lui sourit, une pointe d'effronterie dans le regard. Qu'attendez vous pour me laisser en juger ? Annaëlle attendit sa réponse mais il la fustigea par le détournement de ses questionnements.
- Nous n'avons pas encore prit le repas de midi, vous devez mourrir de faim. La faim pouvait attendre et elle aurait voulu lui répondre qu'elle mourrait d'impatience, de curiosité. Elle se ravisa et la neutralité de son expression déstabilisa Mébael qui prit le chemin du retour sans même tenter de comprendre ce changement si soudain. Annaëlle prenait plaisir à réprimer volontairement ses émotions qu'elle pouvait se vanter de contrôler, du moins pour le moment. Tendis que son mari se perdait dans ses certitudes, continuellement assaillit par des vents contraires. Mais la princesse n'avait pas encore conscience qu'elle ne pourrait jouer à souffler le chaud et le froid sans finir par s'y perdre elle-même. Ils regagnèrent la citadelle sans un mot, d'un pas rythmé par les quelques regards furtifs qu'ils s'accordaient l'un à l'autre.
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