Epilogue

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La pause du jour s’était faite au soleil, face à un océan des plus tranquilles. Debout sur le ponton, Nolan appréciait les premières douceurs du printemps car avec elles venaient les envies de nouveautés. Le froid libérait l’esprit jusqu’à son retour, en hiver.

Appel hebdomadaire oblige, il termina son repos par les questions chaque fois plus nombreuses de sa mère mais, étrangement, il était heureux d’y répondre.

— J’ai pas été des plus productif, ces derniers temps… c’était à cause des derniers jours, tu vois.

Elle voyait bien. Le travail de son fils lui faisait passer des heures interminables devant un écran, une source inépuisable de maux en tout genre selon elle.

— D’ailleurs, j’ai bien réfléchi et je pense que je passerai les prochaines vacances à Glasgow. Ne fais pas l’étonnée… mais oui… je sais que tu es la première à trouver ça génial, Maman ! Et puis, j’irais voir Grand-Mère. Elle sera contente que je la visite dans sa maison de retraite.

Il entama son retour à la maison, faisant méchamment grincer quelques planches sur son passage. Avec les montées de chaleur, peut-être allait-il s’atteler aux réparations du ponton. En fait, il était même certain de le faire.

— Je pense venir avec un ami, aussi… Je me doute bien que ça ne t’embête pas, je voulais te prévenir ! Tu verras, on aura l’occasion d’en rediscuter… oui oui…

Il gravit la pente le sourire aux lèvres. Si seulement sa mère savait…

— Je peux déjà te dire qu’il vaut mieux ne pas se fier aux apparences avec lui.

Arrivé devant l’entrée, Nolan frotta ses chaussures sur le paillasson tout en affirmant que le boulot n’avait pas grand-chose à faire des attentions portées par sa parente, propos qu’il se hâta de combler par une manifestation excessive d’amour envers elle.

Il raccrocha lorsque son regard se déporta à l’endroit où était garé son pick-up. Il aurait voulu voir le camion maquillé en plein jour, mais celui-ci avait disparu. Nolan entra en haussant les épaules.

Une fois débarrassé de son manteau, il fila vers la cuisine s’assurer que la soupe de poissons qui mijotait sur le feu n’avait pas proclamé de rébellion contre lui. Tout en remuant le contenu fumant de la marmite, il demanda d’un air distrait :

— Etait-il judicieux de se débarrasser d’un sujet vieux de cinq milles ans ?

— L'expérience a évolué.

Le jeune homme manqua de faire tomber le couvercle du plat tant ce brin de voix l’avait surpris.

— Désolé, s’excusa-t-il à l’intention de Grésil, assis à table. Je n’arrive pas à m’y faire.

Il fallait préciser que, bien que le garçon sache se servir de la parole, il n’était pas très favorable à son utilisation malgré les implorations de Nolan. Ce dernier avait d’ailleurs retenu que l’adolescent ne dialoguait pas davantage pour des raisons de pertinence. Nolan s’était alors rappelé que selon son homologue défunt A, les parents de Grésil n’avaient pas porté leur projet sur le développement de ses capacités intellectuelles.

Heureusement, Grésil ne s’en trouvait pas idiot pour autant, seulement en retraite emplie de méfiance mentale vis-à-vis de trop nombreux sujets de réflexion.

— Alors il ne reviendra vraiment pas ? insista Nolan.

Grésil affirma brièvement d’un mouvement de tête puis dressa son index et son majeur, avant de se désigner lui-même ainsi que Nolan.

— Oui je sais, que deux, alors… marmonna l’autre.

Devant les yeux suspicieux du garçon, il se sentit contraint d’ajouter :

— Deux et demi, parfois.

Il se trouvait que Grésil manifestait son agacement lorsque l’on omettait qu’Oliver ait pu exister.

Le repas se déroula dans le calme, comme à l’habitude des deux jeunes hommes. Nolan, toujours seul à manger, évoqua ses futures vacances ainsi que sa volonté de présenter le garçon à sa mère, ou encore de lui faire découvrir la ville de son enfance. Grésil approuva toutes les propositions de Nolan sans chercher à entrer dans les détails. Le futur programme s’annonçait chargé.

Lorsque l’assiette fut vide, Grésil quitta la table pour disparaître dans le couloir. La porte d’entrée claqua. C’était son moment. Nolan savait qu’il en profitait pour rendre compte à ses propres parents mais aussi – chose récente – adresser quelques pensées à l’ami qui ne reviendra jamais. Il s’agissait d’une condition terrible qui lui avait sauvé la vie, néanmoins.

Nolan soupira. Comme tout à chacun, il avait appris que l’existence se montrait trop souvent injuste et cruelle, mais qu’il fallait composer ainsi.

Il débarassa la table la tête pleine d’autant de remous qu’en comportait le rivage. Ce fut un instant d’inattention qui lui fit échapper la marmite encore chaude. L’objet en fonte lui ravagea un pied et Nolan tomba sur le séant, des larmes instantanées qui dévalaient ses joues. Il ravala rudement ses pleurs de douleur, les mains enserrant la cheville qui portait le membre ouvert et sanguinolent.

Il attendit ainsi. Tout comme la voix de Grésil, Nolan peinait à s’y faire. Quand il ne resta du problème qu’une chaussette maculée de sang et d’éclaboussures de soupe, soit quelques secondes plus tard, le jeune homme desserra les doigts tout en étirant ses articulations remises à neuf.

Tandis qu’il se releva lentement contre le plan de travail, Nolan se demanda si le processus avait été amélioré entre-temps. Il lui semblait qu’Oliver guérissait un peu moins vite.

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