Chapitre 22
En compagnie d’Océane, on rentra au château. J’invitais Océane à aller se ressourcer en cuisine, tandis que je retrouvais le comptable de ma mère dans la Grande Salle. C’était aussi lui qui m’avait fait suivre des études d’économie. Il se présenta et on s’installer tous les deux sur la table, où il sortit tous ses documents.
— Si j’avais su que vous étiez sortie, j’aurais pris rendez-vous pour un autre jour.
— Il n’y a pas de soucis. Le travail m’appelle, je suis là.
— Si votre mère voulait que vous fassiez des études d’économie, c’était pour pouvoir gérer la comptabilité de l’Empire seule.
— Je ne comprends pas.
— Dans tous ses dossiers, vous avez tous les documents comptables de l’Empire que je tiens depuis le couronnement de votre mère. Ne vous inquiétez pas, certains sont aussi sur clé USB. Dès que nous aurons fini cet entretien, je ne serais plus le comptable de l’Empire.
— Encore plus de travail. Mais qu’allez-vous devenir ?
— Je vais tout simplement prendre ma retraite. Je serais tous de même joignable, les premiers mois si vous avez besoin. Mais je n’ai aucun d’autre quant à votre capacité à gérer la comptabilité.
— En même temps, vous avez été mon professeur.
Pendant plus de deux heures, on étudia tous les documents qu’il avait apportés. Océane nous avait rejoint et écoutais sans déranger. Sans surprise, la trésorerie de l’Empire était énorme. Je n’aurais aucun mal à financer une grande majorité de projets de construction et de rénovation.
— Avant de finir, je voulais vous parler du trou de dix mille pièces d’or annuelles qu’il y a dans la trésorerie. Quand vous ferez le tour des factures, vous remarquerez qu’il n’y en a aucune pour ses dix mille pièces.
— A quoi est-ce que ça correspond ? Est-ce du détournement de fonds ?
— Non. Mais disons que votre mère souhaitez que ce transfert d’argent reste confidentiel. Malheureusement, elle ne m’a rien dit sur cet argent. Ni à qui il était destiné, ni où il était envoyé, ni comment. Hormis la trace du retrait de cet argent mensuel sur le compte impérial, il n’y a aucun document sur une quelconque transaction. L’argent devait être transmis en liquide.
— Donc de la main à la main. Mais à qui ?
— Je n’en ai aucune idée. Pourtant, elle voulait que vous continuiez ce transfert.
— Comment ? Comment puis-je continuer si je ne sais rien ?
— Je ne peux malheureusement pas vous répondre.
— Je sais où je pourrais trouver une réponse. Merci à vous.
Après avoir fait la transmission de tous les documents, je laissais le comptable rentrer chez lui. J’allais avoir beaucoup de travail et voulais m’y mettre au plus vite. Pourtant, Océane était encore là. Et même si je l’appréciais et que je lui faisais confiance, je ne pouvais pas lui dévoiler toute la comptabilité de l’Empire. Si ma mère avait congédié son comptable, pour que je m’en occupe seul, ce n’était pas pour qu’une personne externe y mette le nez.
— Tu es sûr que tu n’as pas besoin d’aide ? m’interrogea tout de même Océane.
— Certaine. Et au pire, j’en parlerais au Conseil de toute façon.
— Très bien. Ne travaille pas trop, d’accord ?
— Je vais essayer, je te le promets.
Elle se leva de sa chaise, se rapprocha, entoura mes épaules et déposa un baisé sur ma joue, me faisant rougir. Elle me chuchota de faire attention à ma santé avant de rentrer chez elle. Avant que quelqu’un ne s’aperçoive du malaise qui régnait dans mon cœur, je récupérais tous les documents et retournais dans ma chambre. Installée à mon bureau, je mis de la musique sur mon téléphone et branchais les écouteurs qui allait avec, que je n’avais jusque-là jamais utilisé. Je commençais par classer les pochettes et les ranger sur mon bureau puis étudiait les factures concernant uniquement le château. J’avais devant la preuve que ma mère avait totalement abandonné tout le monde. Il n’y avait aucune facture de rénovation de l’aile des domestiques. Les derniers travaux dataient d’il y a dix ans. Les seules rénovations qui avaient eu lieu dans l’ensemble du château c’était ma chambre, la sienne ou la Salle du trône.
Concernant Glenharm, la capitale et ses alentours, c’était bien pire. Les derniers gros travaux de salubrité publique dataient du règne de mon père. Quand il était encore au pouvoir. Je n’avais plus le choix, des rénovations allaient devoir être faites. Pourtant, c’est sur la recherche de l’argent disparue que je passais le plus de temps. J’avais beau éplucher tous les documents en ma possession, lire les plus récents journaux intimes de ma mère, je ne trouvais aucune réponse. Mais j’avais encore une chance de trouver ce que je cherchais. Je n’avais pas lu tous les journaux et j’avais encore plus de documents comptables à étudier.
— Ne me dis pas que tu as travaillé toute la nuit ? m’interrogea Emma en entrant dans la chambre.
— Bien sûr que non. J’ai commencé il y a seulement quelques heures.
— Quelques heures ? Tu exagères Elena. Ça fait plus de vingt-quatre heures que tu as n’as pas dormis et pratiquement autant de temps que tu n’as pas manger.
— J’ai beaucoup de travail, Emma.
— Tu dois aussi faire attention à toi.
— Emma ! m’énervais-je
— Regarde dehors Elena ! Il est déjà huit heures et la dernière fois que tu as dormi ce n’était que pour trois heures et tu t’es réveillé à six heures de matin. À ce rythme-là, tu ne vas pas tenir longtemps !
— Laisse-moi au moins fini de…
— Non ! Tu viens avec moi manger et ensuite tu vas te coucher.
— Laisse-moi travailler, Emma. C’est un ordre !
— Merde Elena ! Je ne te laisse pas le choix.
Elle attrapa mon poignet et me tira jusqu’aux cuisines. Elle me fit ensuite asseoir sur l’une des chaises et me tendit une assiette. Elle s’appuya contre le mur et ne me lâcha plus du regard.
— Tu resteras là jusqu’à ce que tu aies suffisamment mangé.
— C’est bon, j’ai compris.
Dès que j’eus suffisamment mangé pour Emma, même si je n’avais pas très faim, je m’éclipsais rapidement pour retourner travailler. Pendant encore deux heures, j’étudiais toujours plus de documents, mais ce n’était toujours pas suffisant. Je n’avais toujours pas de réponses. Je dus tout arrêter quand je vis une goutte de sang tomber sur ma feuille. En amenant mes doigts à mon visage, je compris que je saignais du nez. J’attrapai alors rapidement un mouchoir. Peu de temps après, on frappa à ma porte, mais personne n’ouvrit.
— Laisse-moi travailler, Emma !
— Je peux entrer ? demanda une voix timide à la place
Je me tournais vers la porte légèrement entrouverte.
— Océane ? Oui, bien sûr, entre, dis-je en me levant.
— Qu’est-ce qu’il t’arrive ? demanda-t-elle en désignant le mouchoir que je tenais contre mon nez.
— Oh ça. Rien du tout.
— Emma m’a dit que tu te surmenais et je vois qu’elle avait raison.
— Je ne me surmène pas, je…
— Explique-moi pourquoi tu saignes du nez alors. C’est quand la dernière fois que tu t’es reposée ?
— Qu’est-ce que tu fais là ?
— Tu n’es pas venu à la réunion du Conseil, qui du coup a été annulée. Je m’inquiétais pour toi.
— Et mince ! Excuse-moi, je n’ai pas vu l’heure passée.
— Je vois bien que tu es fatiguée. Pourquoi tu ne me laisserais pas t’aider ?
— Je ne peux pas. Tu peux comprendre que la comptabilité de l’Empire est confidentielle.
— Bien sûr. Mais il y a un autre problème, n’est-ce pas ?
J’avais envie de faire confiance à Océane. Mais elle n’était ni mon assistante, ni Impératrice avec moi. Je ne pouvais pas lui en parler. À moins qu’elle n’ait accès qu’aux journaux de ma mère.
— Bon d’accord. Chaque année, il y a dix mille pièces d’or qui disparaissaient du compte impérial.
— Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Je n’en ai aucune idée. Ma mère versait cet argent, en somme mensuel, en liquide et elle voulait que je continue. Malheureusement, je n’ai aucune info là-dessus et il n’y a aucun document pour m’éclairer.
— Et qu’est-ce qu’il se passe si tu ne fais pas se transfert ?
— Je ne sais pas.
— Au pire, pourquoi tu te tracasses la tête ? Si quelqu’un vient réclamer cet argent, tu auras juste à lui demander des réponses. Et si personne ne vient, c’est que ce n’était pas important.
— Au pire oui. Mais…
— Arrêter, d’accord ? Tu dois te reposer. Je vais veiller sur toi.
Elle repoussa la couverture de mon lit, attendit que je m’allonge pour la remettre sur moi. Elle s’allongea à côté de moi et je lui tournais le dos pour qu’elle ne me voie pas rougir, mais surtout pour essayer de ralentir les battements de mon cœur. Peu de temps après avoir posé la tête sur l’oreiller, je m’endormis, complètement épuisée.
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