Chapitre 33

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Pendant que la Reine Stephania était au téléphone, je finissais de préparer mes derniers documents pour la réunion du Conseil. À neuf heures cinquante, les Conseillés commencèrent à arriver et s’installèrent immédiatement à leur place respective. Quand dix heures sonnèrent, Océane n’était toujours pas arrivée et ça m’inquiétais.


— Nous allons commencer, si vous le voulez bien.

— Il manque un conseiller, Votre Majesté.

— Elle arrivera quand elle arrivera, ne retardons pas le Conseil. Aujourd’hui, je tiens à évoquer la mise en place de relations diplomatiques, telles que des accords commerciaux avec le Reinaume de Carandis. La Reine Stephania de Carandis est d’ailleurs là pour l’occasion.

— Qu’avons-nous à échanger ? ajouta l’un des conseillers de Camille. Cet Empire est en ruine.

— C’est justement pour ça qu’il nous faut établir des relations diplomatiques.


Pendant quelques secondes, six conseillers, ceux qui m’était défavorable, se regardèrent en silence avant que l’un deux ne prenne la parole.


— Nous n’en voulons pas, Votre Majesté.

— Quel est votre avis ? demandais-je à aux six conseillers en ma faveur.

— Nous en voulons, répondit l’un d’entre eux après concertation.

— Sept voix contre six, il y en aura.

— Si vous faites ça, s’énerva leur porte-parole en se levant et en claquant ses mains sur la table, nous organiserons un coup d’État.

— Vous comptez vraiment refuser des accords commerciaux, qui pourrait nous être bénéfique, avec un Reinaume dont la Reine est venu en personne ?


Pendant près d’une heure, on négocia avec Stephania les termes de nos accords commerciaux, économique et culturel. Ses côtes étant gelées, nous lui enverrons des produits maritimes. Quant à elle, elle nous enverrait des médecins, des professeurs, des juges pour travailler au sein de l’Empire le temps qu’une nouvelle génération soit formée. Alors qu’on discutait de la mise en place de compétition continentale dans divers sports, Océane arriva enfin en essayant de se faire remarquer le moins possible. Pourtant, je restais bloquer sur son bras gauche, maintenu par une écharpe. Qu’est-ce qu’il avait bien pu lui arriver ?


— Excusez-moi pour le retard, Votre Majesté, me chuchota-t-elle en s’asseyant à sa place, juste à ma droite.

— Ce n’est rien. Justement, nous aimerions avoir votre avis.


Étant sportif de haut niveau, il me paraissait normal qu’elle intervienne. L’un des conseillers expliqua à Océane de quoi nous parlions pendant que je l’observais. Sa lèvre était fendue et son nez semblait enflé. Malgré une bonne couche de fond de teint, je remarquais son œil au beurre noir. Il ne valait mieux pas pour celui qui lui avait fait ça que je sache qui il était. D’un signe de la main, un domestique approcha et je lui demandais discrètement de faire venir le Dr Langstone dès la fin du Conseil.


— Ça me parait être une bonne idée, commenta alors Océane. S’il vous faut des sportifs pour honorer la première compétition continentale, je serais ravi d’y participer pour le karaté et de faire jouer mes relations.

— Pas avec une épaule déboitée, j’espère, critiqua l’un des conseillers adverse.

— Tout sportif qui se respecte a au moins été blessé une fois, Monsieur, contrecarra-t-elle.


Je savais qu’Océane n’avait pas repris les entraînements de karaté, elle n’avait pas pu se blesser de cette façon. Ne pouvant répliquer, je serais mon stylo dans ma main et détournais le regard de la femme que j’aimais. La voir dans cet état me faisait mal.


— Ce sera un plaisir de vous accueillir, ajouta Stephania pour changer de sujet.


On continua de discuter pendant une heure, jusqu’à ce que les conseillers s’en aillent. Comme je vis qu’Océane ramassait ses affaires très vite, je récupérais sa feuille de notes et m’éloignais, accompagnant les conseillers jusqu’à la sortie. Quand ils furent tous sortis, je fis entrer le Dr Langstone et fermai les portes. Je me retournais, pris appui sur la porte et croisais les bras tout en restant silencieuse.


— Vous m’avez demandé, Majesté ? commença le Dr Langstone.

— C’est pour elle, répondis-je en désignant Océane de la tête.

— Avez-vous vu un médecin, Mademoiselle ?

— Non. Je n’ai pas eu le temps.

— Comment vous êtes-vous blessée ?

— Ça n’a pas d’importance.

— Il faut remettre votre épaule en place. J’irais ensuite vous chercher ce qu’il faut pour votre visage dans mon bureau.

— Occupez-vous seulement de mon épaule, docteur.

— Ne l’écoutez pas, intervins-je enfin.

— Je n’ai pas besoin de ton aide, Elena.


Je claquais mes poings contre la porte en me redressant, ce qui fit sursauter tout le monde.


— Soit tu me dis ce qu’il t’est arrivé, soit tu le laisses te soigner !

— C’est bon, fait ce que vous avez à faire, Docteur.


Elle resta stoïque, me défiant du regard, tandis que le Dr Langstone enlevait l’écharpe pour remettre son épaule en place. Quand il replia son bras pour le remettre dans l’écharpe, elle ne bougea toujours pas.


— Restez ici, je vais vous chercher ce qu’il faut.

— Je sais que tu n’as pas repris le karaté, commençais après le départ du docteur. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— Ne t’occupe pas de ça Elena.

— Parce que tu crois vraiment que je vais rester là à ne rien faire alors que tu arrives avec une heure de retard au Conseil, avec une épaule déboitée et un œil au beurre noir ? m’énervais-je. N’as-tu pas compris à quel point je déteste qu’on te fasse du mal ?

— Je sais, reprit-elle en posant sa main droite sur ma joue, pour me calmer. Je ne veux juste pas te mettre en danger.

— Pourquoi ?

— Promets-moi que quoi qu’il arrive, même si tu découvres qui il est, ne t’approche jamais de mon petit-ami.

— C’est lui qui t’a fait ça ? Je peux t’aider, Océane.

— Je ne veux pas de ton aide Elena. S’il apprend que je t’aime, que tu sois Impératrice ou non n’y changera rien, il s’en prendra à toi.

— Mais…

— Non. Je suis l’unique triple championne de karaté de l’Empire et je ne peux rien contre lui. Fais-moi confiance.

— D’accord, répondis-je vaincu, en baissant la tête.

— Merci.


Elle s’éloigna quand le Dr Langstone arriva et je fis de même en allant regarder à travers la fenêtre pendant qu’il lui donnait ses instructions.


— N’oubliez pas, un comprimé à chaque repas pendant une semaine.

— Merci Docteur.

— Si ça continue, je vais demander à être le médecin impérial, rigola-t-il.

— J’y ai pensé. Reprenez la place qui était la vôtre avant ma mère.

— Avec plaisir, Majesté.

— Je viendrais vous parler de ça un peu plus tard.

— Je vous attendrais.


Ayant fini sa consultation, il se retira, ne laissant dans la pièce que Stephania, Océane et moi.


— Je vais devoir rentrer maintenant, reprit Océane.

— Ton frère est chez toi ?

— Maintenant oui, mais pas cet après-midi, il a des cours.

— Reviens dès qu’il doit partir.

— Je ne peux pas. Je vais être occupé toute l’après-midi.

— Appelle-moi s’il y a quoi que ce soit.

— Promis.


Elle m’embrassa sur le front avant de partir. Stephania s’approcha de moi et passa un bras autour de mes épaules.


— Je sais que c’est dur de ne rien pouvoir faire.

— Quand est-ce que vous devez rentrer chez vous ? demandais-je pour changer de discussion.

— Demain matin, j’ai des affaires urgentes qui m’attendent.

— Je comprends. Avant que vous ne rentriez, est-ce que vous voudriez réessayer de nager ? Ça me ferait plaisir que vous y arriviez au moins une fois. Pour vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi ses deux derniers jours.

— Je peux essayer si c’est ce que vous voulez.

— Merci. Je vous montrerai là où j’ai appris à nager.

— Dans ce cas, je vais aller me préparer.


Je profitais pour aller discuter avec le Dr Langstone dans son bureau. À côté de lui se trouvaient plusieurs dossiers.


— La sœur d’Emma fait des études de médecine et c’est un mécène qui paie ses études. J’aimerais que vous la formiez, pour qu’elle puisse vous remplacer un jour.

— Ça devrait pouvoir se faire.

— Merci.

— J’aimerais vous parler de ce qu’il s’est passé hier pendant l’orage.

— Il n’y a rien à dire.

— Vraiment ?

— Emma vous a parlé ?

— Non. Mais votre dossier médical, oui, dit-il en désignant le dossier posé sur son bureau, vous êtes sujette à des crises de claustrophobie. C’est ça ?

— Plus depuis la mort de ma mère. Je ne ferme plus les portes à clé.

— Justement, hier, les portes sont restées fermées pendant près de trois heures.

— Je n’étais pas seule et j’ai décidé de mettre de la musique pour détourner mon attention. Et puis, nous étions dans la plus grande pièce du château. Avez-vous des nouvelles concernant ma mère ?

— Pas encore. En parlant d’elle, comment avez-vous réagi à sa mort ?

— Parce que vous êtes psy en plus ? rigolais-je.

— Absolument pas.

— Je ne suis même pas sûr qu’elle soit morte.

— Je ne comprends pas.

— Elle a disparu au beau milieu de la nuit, après m’avoir dit qu’elle m’aimait. Il n’y a rien de plus à dire.

— Qu’est-ce que ça vous as fait, qu’elle parte après ça ?

— Ça met égale.

— Je vois que vous ne me direz rien. N’hésitez pas à venir me parler si vous avez besoin. Avec le secret médical, rien ne sortira de cette pièce.

— Merci. Je ferais de la pièce où est actuellement Juliette, l’infirmerie. Votre cabinet si vous voulez.


Une fois qu’on eut fini de discuter, je retournais dans ma chambre pour mettre mon maillot de bain, prendre une serviette et un élastique. Stephania m’attendait dans la cour. Je la conduisis jusqu’au lac où j’avais appris à nager, au côté d’un grand chêne. Je posais ma serviette, enlevais ma robe et attachais mes cheveux en une queue de cheval. J’entrais ensuite dans l’eau jusqu’aux genoux et attendis que Stephania me rejoigne.


— Essayer de vous allonger sur le dos, de tendre vos jambes devant moi et vos bras sur le côté. Si vous paniquez, il vous suffira de vous asseoir.


J’attendis plusieurs minutes qu’elles se sentent rassurées pour le faire.


— Vous voyiez, vous flottez. On va aller plus profond, mais si vous paniquez, revenez dans cette position.


J’avançais jusqu’à ce que l’eau m’arrive à la taille et expliquais les mouvements de brasse. D’abord ceux des bras et ensuite ceux des jambes. Pliant mes jambes pour être totalement dans l’eau, je fis quelques mètres pour qu’elle voie ce que cela faisait. Je revins ensuite vers elle.


— Je ne vais pas y arriver.

— Mais si. Et puis si vous ne buvez pas la tasse au moins une fois, c’est que vous avez de la chance.

— Vous avez déjà bu la tasse ?

— Houla, plus d’une fois. C’est ma mère qui m’a appris à nager et à plusieurs reprises elle m’a laissé me débattre sans m’aider. J’ai failli me noyer à plusieurs reprise.

— Et vous n’avez jamais eu peur ?

— Non. J’avais plus peur de ce que ma mère allait me faire si je ne réussissais pas. Et puis, c’étaient les seuls moments que je pouvais passer avec elle. C’étaient les seuls moments où je pouvais m’énervaient, parce que je n’y arrivais pas, sans qu’elle s’énerve à son tour.

— Vous allez me rattraper si…

— Évidemment !


Elle prit une grande respiration, plia ses jambes pour que l’eau soit à la hauteur de ses épaules et commença à nager. Pendant plusieurs secondes, ses gestes étaient hésitants, mais elle finit par y arriver sans que je n’aie besoin d’intervenir.


— Vous voyiez, ce n’est pas si compliqué.

— Vous aviez raison. Il suffit de vaincre sa peur pour tout réussir.


En la regardant, je compris qu’elle savait déjà nager. Elle avait juste peur de l’eau. Une fois complètement immergée et se souvenant des gestes, elle paraissait beaucoup plus sereine, apaisée et à l’aise. Elle me suivit même là où nous n’avions pas pied. Ne voulant intervenir dans sa vie personnelle et privée, je ne lui fis aucune remarque. On nagea une bonne heure avant de rentrer au château.

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