Chapitre 36

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Les mois suivants passèrent très rapidement. Occupée à réorganiser l’argent Impérial, les bourses, reconstruire des bâtiments publics et à m’inquiéter sans cesse pour Océane, je ne vis pas le temps passé. Ce matin-là, ce fut Emma qui me réveilla. Elle était assise à mon bureau, un papier à la main.


— Tu cherches quelque chose ? demandais-je en la faisant sursauter.

— Elena, je ne t’ai pas réveillé j’espère.

— Pas du tout, mentis-je. Qu’est-ce qu’il y a ?

— Eh bien, j’ai parcouru la liste des disparus au cas où… et j’ai trouvé un nom que je connais.

— Vraiment ? Qui ça ? m’étonnais-je en sortant du lit.

— Orlane Pine, elle travaille au château, à l’armurerie, mais je croyais que sa famille le savait.

— Il y a sûrement une explication. Tu pourras m’emmener la voir ?

— Si tu veux. Mais d’abord, je t’aide à te prépare et tu manges un peu.

— Merci.


Emma sortit une longue robe beige et un gilet légèrement plus rose. Le temps commençait à sa rafraîchir, même s’il faisait toujours chaud. Dès qu’on eut fini, elle me conduit jusqu’à l’armurerie. Son mari faisait partie de la garde impériale, ce qui lui donnait l’autorisation de s’occuper du matériel militaire. On marcha pendant environ vingt minutes, l’armurerie étant de l’autre côté du château. Quand on arriva, Orlane était présente, à s’occuper des épées. Je fus époustouflée par tout le matériel présent. Cette pièce était immense. Bien plus grande que ma chambre. En même temps, il y avait beaucoup de soldats dans la garde impériale. Les épées étaient accrochées au mur et sur certains présentoirs, il y avait diverses armures.


— Orlane, l’Impératrice aimerait discuter avec toi, l’interpella Emma.

— Majesté, répondit Orlane d’une révérence. Que puis-je pour vous ?

— Tu nous laisses Emma ?

— Bien sûr.

— Cette salle est incroyable, commentais-je peu après le départ d’Emma.

— Vous n’étiez jamais venue, Majesté ? me demanda-t-elle nerveusement.

— Non, ni avant le départ de ma mère, ni après. Dites-moi, tout va bien ? Vous semblez… sur vos gardes.

— Tout va bien, Majesté, répondit-elle avec un manque de confiance évident.

— Auriez-vous peur que je découvre que votre famille vous croit disparu ?

— Et bien…

— Ne vous inquiétez pas, Madame, je suis juste là pour discuter. Où pouvons-nous nous asseoir ?

— Juste ici.


Je la suivis en silence et on s’assit toutes les deux sur l’un des deux bancs de l’armurerie.


— Je le sais parce que j’ai demandé aux habitants d’inscrire sur une liste toutes les personnes disparues, suite à la découverte des cadavres. Ce matin, Emma regardait la liste et elle a reconnu votre nom.


Orlane regardait ses pieds, l’air fautif.


— Avant que vous ne m’expliquiez pourquoi, je tiens à vous dire qui si vous ne souhaitez pas que je prévienne votre famille, je ne le ferais pas.

— Vraiment ? demanda-t-elle en relevant la tête. Vous feriez ça ?

— Bien sûr.

— Ça fait vingt et un ans que je suis partie de chez moi sans un mot. Je n’avais que dix-sept ans. Je vivais avec mon oncle et mes cousines à l’époque. Ma mère est décédée en couche et mon père s’est suicidé peu de temps après. J’ai vécu avec un oncle violent depuis ma naissance. J’étais un peu comme leurs esclaves. Ma tante prenait souvent ma défense, mais elle est morte, elle aussi, quand j’ai eu douze ans. C’est pour ça que je me suis enfui de chez moi, et votre père m’a gentiment accepté. C’est ainsi que je suis devenue une domestique de votre famille, Majesté.

— Je comprends ce que vous avez dû subir pendant ces dix-sept années. Êtes-vous heureuse aujourd’hui ?

— Oui, j’ai un mari en or. Un super soldat. Depuis que je le connais, il ne fait qu’augmenter en grade. Peut-être qu’il deviendra un jour chef de la garde royale. Il n’y est pas loin, vous savez. Malheureusement, je ne peux avoir d’enfants.

— Vous m’en voyez narvé.

— C’est à cause des coups que j’ai reçus durant mon enfance.

— Si cela vous convient, j’irais dès que possible voir votre oncle disant qu’on a retrouvé votre corps et que nous vous avons enterré avec les domestiques de la famille royale. Ça leur montrera que vous avez réussi, même sans lui et vous serez libé de son emprise. Si cela vous va bien sûr.

— Merci, Majesté. Merci Mille fois. Je ne sais comment vous remercier.

— J’ai une amie qui s’est fait frapper par son petit ami. Je l’ai vu blesser qu’une seule fois, mais je suis sûr qu’il a recommencé à plusieurs reprises et…

— Vous tenez à elle.

— C’est ça.

— Et vous voudriez que je la convainque de ne pas rester avec lui, vous voudriez que je lui fasse comprendre qu’il est dangereux de rester avec un homme comme lui, parce que je l’ai vécu.

— Si ça ne vous dérange pas bien sûr. Je ne voudrais pas raviver de mauvais souvenir.

— Je le ferais avec plaisir, Votre Majesté. Vous n’aurez qu’à venir me voir, quand vous voulez.

— Merci Orlane ! Je ne vais pas vous retardez plus longtemps alors.

— Au revoir, Majesté. Termina-t-elle avec une révérence toujours aussi maladroite.


En sortant de l’armurerie, je me rendis à la bibliothèque. Même si Océane ne voulait pas de mon aide, je la lui donnerais quand même. Je lui envoyai un message pour m’assurer qu’elle allait bien avant de fouiller dans les étagères pour trouver un livre. Finalement, je pris celui qui m’attirait le plus à vue d’œil. Le hasard faisait bien les choses, c’était une nouvelle d’amour entre deux jeunes de vingt ans.

Je vis une note écrite sur la première page : ‘’Pour ma chère et tendre Julie, ta mère qui t’aime. Maria <3’’. Je compris rapidement qu’il s’agissait de ma grand-mère maternelle. Je décidais alors d’aller lire les journaux intimes de ma mère, pour essayer d’en apprendre plus sur cette grand-mère inconnue, tout en gardant précieusement ce livre avec moi. Si elle n’avait pas fait partie de nos vies, peut-être qu’elle avait toujours été contre ma mère. Si elle était toujours en vie du moins.

À quoi ressemblait-elle ? Qui était-elle ? Comment allais-je bien pouvoir la rencontrer si elle était toujours en vie ? Voilà une nouvelle série de questions qui m’obsédaient alors que je m’inquiétais pour Océane à cause de son petit-ami. Je ne le connaissais pas encore, mais je le détestais.

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