Chapitre 4 - Partie 3

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Quand les gouttes s’étalent contre les vitres, la ville devient floue à ma vision. C’est comme cela qu’elle devient celle qu’elle doit être, une beauté lumineuse, dont les néons et les couleurs inspirés du cosmos offrent une harmonie subtile. Chaque fois qu’il pleut, c’est vers ce bar que je me dirige, comme un réflexe.

L’arrivée de Tony la fit sortir de ses pensées. Paille à la bouche, bière dans la main, elle cessa son observation des hauteurs de NV par l’une des fenêtres du MeraBay. Elle avait déjà déposé sa carte MV sur la table. Il lui suffit de s’asseoir et de la récupérer pour avoir les analyses nécessaires.

— J’ai écouté ton message Lav-..278, Peraldo alors ? Pas O’Sullivan ?

— Non, ce n’est pas exactement ça.

Lavande termina sa gorgée puis posa avec un certain regret sa bière, elle aimait les finir d’un trait, conserver la fraîcheur dans sa main…

— Tu as pensé à mettre un peu de glace sur ton arc…

La stip’ le coupa d’un signe de main, il se ravisa. Se rendant compte du geste quasi agressif qu’elle lui avait fait, elle s’épuisa à expliquer.

— Non, non, c’est que dalle. J’ai juste pris un coup quand d’autres de ses chiens ont rappliqué. Tu prends quoi ? demanda-t-elle en ramenant la serveuse à leur table.

Tony prit la même chose que sa partenaire, il n’avait pas la patience de demander les boissons disponibles ni de devoir choisir, ce qui l'intéressait là c’était tout autre chose. Lavande l’avait bien compris, alors avant de s’expliquer elle décida de faire jouer les enchères.

— J’étais partie pour chopper O’Sullivan, mais là c’est bien plus gros.

— On te payera plus, pas de soucis pour ça.

— Combien ?

— Disons que je verrai une fois les informations en main.

— J’ai besoin de garantie.

Tony plissa les yeux, comme vexé par la demande de celle qu’il considérait plus qu’une simple stipendiaire.

— Merde Lavande, c’est moi, Tony, je ne vais pas te rouler.

— Pas mon nom. N’utilise pas mon nom. Et ouais, je te fais confiance, c’est bon.

La jeune femme appuya son doigt contre la carte MV, elle le fixa, prête à révéler l’affaire du siècle.

— C’était Peraldo, c’est lui qui est derrière les transactions. O’Sullivan n’est qu’un pion, c’est Peraldo qui le fait monter.

— Qu’est-ce que tu me chantes ? Comment tu sais ça ?

— C’est lui qui m’a tout dit… elle tapota la MV, fière de sa réponse.

— Tu ne l’as pas ..?

— Oh si.

— Putain Lav…

— Pas mon nom.

— 278 ! On ne torture pas, encore moins un foutu politicien qui concourt pour la mairie.

— Mais non je n’ai pas eu besoin, il était avec plein de gonzesses, j’ai juste menacé de prévenir sa femme.

Le policier fronça ses sourcils, confus.

— Il aurait risqué sa carrière pour sauver son ménage ? Non ça colle pas ton histoire là.

— Il est persuadé qu'on ne pourra pas le faire tomber, même avec les preuves que j’ai sur ma MV. C’est lui qui finance O’Sullivan, comme je te disais, pour qu’il passe au second tour face à lui, comme dans les sondages. Une fois au second tour, il aurait fait exploser les scandales de drogues du sans-contact et paf… il devient maire. Classique mais efficace.

— On pourra rien y faire.

— Pardon ?

La serveuse amena la bière de Tony. Celui-ci n’avait pas l’air très attiré par celle-ci, il la repoussa légèrement sur la table.

— T’es ma stip’, donc ta parole vaut la mienne. Et je vais être discrédité.

Pas sûr de comprendre, Lavande ouvrit sa bouche pour le questionner, mais Tony lui fit comprendre qu’il allait tout lui expliquer.

— J’ai retrouvé la trace de Bowen.

— Oh bah merde. Tu vas aller le choper et l’emmener devant la justice ? C’est quoi le problème alors ?

— Non Lavande. Je vais le descendre.

Un froid, il jeta un sacré vent sur la discussion. Je l’ai d’abord regardé, voir s’il était sérieux… bien sûr qu’il l’était. Au fond, je comprenais, je ne pouvais pas le condamner de ce côté-là.

— Tu es sûr que c’est… le bon choix ?

— Cela va faire dix ans, putain, tu sais ce que c’est dix ans ? Une foutue décennie que je n’ai plus vu son visage, qu’elle est devenue un simple tas de cendre !

Il avait les larmes au bord des paupières.

— Tu vas pas plus gâcher ta vie pour ce type Tony, écoute-moi…

Elle n’était plus la stip’ mais la jeune femme qu’il connaissait, celle qui l’avait aidé à remonter la pente. Elle lui attrapa la main posée sur la table, posa ses iris dans les siens.

— Cela ne te fera pas du bien. Moins que de le rendre à la justice du moins. Cela ne te ramènera pas ta fille.

Il parut l’écouter, un instant. S’ensuivit un grand silence, pendant lequel il parut pleurer sans larmes. Dehors la tempête faisait rage, on ne voyait plus que de faibles couleurs, comme des taches sur la vitre, la nuit était tombée.

— Tu me fais tellement penser à elle… Elle aurait ton âge.

C’était comme un couteau qui se plongeait dans ses plaies déjà ouvertes. Son père était mort peu de temps après que Tony ait perdu son enfant. C’était une grande amie à elle, alors, quand ils étaient tous deux au fond du gouffre, ils se sont aidés, ils se sont maintenus. C’est une relation rare qui en naquit.

— Mon père a à peu près ton âge aussi.

Cette remarque eut le mérite de dégager un sourire de son visage meurtri par les années passées à lutter pour ce qui n’existait plus à NV ; la justice, l'humanité…

— Tu as des nouvelles d’Espoir ?

Lavande se ravisa immédiatement, elle retira sa main de celle de Tony. Elle croisa les bras sur son siège, le visage en proie à une colère qu’elle peinait à cacher.

— Oui.

— Tu lui as répondu ?

— Non.

Tony enleva son chapeau, un haut-de-forme digne des vieux westerns, noir mat, elle avait toujours aimé celui-ci, sauf quand il le retirait : signe qu’il allait lui faire la morale.

— C’est ton petit frère. C’est toute ta vie. Tu ne peux pas lui en vouloir d’être parti, il va sortir de ce merdier et il viendra t’en sortir après. Vous aurez la vie que vous méritez tous les deux. Tu ne peux pas continuer à vivre de ce genre de boulot…

— Je crois qu’il est temps que j’y aille Tony. Tiens-moi au courant pour… Peraldo.

Elle enfila son trench, et, sans attendre plus, déposa une puce sur la table pour le paiement avant de s’en aller. Le flic ne l’empêcha pas de s’en aller. Il savait de toute manière qu’il ne pourrait rien y faire.

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