Un secret bien gardé
La voiture s'arrête devant un grand et haut portail noir. Après quelques instants, il s'ouvre lentement, et laisse entrevoir une immense bâtisse au loin. Le jardin qui la précède est spectaculaire. Il est rempli de grands arbres, de fleurs et de somptueuses fontaines. Je n'avais jamais vu un jardin aussi magnifique ! Les yeux grands ouverts, je tourne la tête vers Manoé, qui m'adresse un léger sourire, puis je regarde à nouveau par la fenêtre, pleine d'admiration.
Le véhicule traverse lentement la grande allée, pour finir son chemin devant ce qui semble être un garage. Lui aussi, surdimensionné. Le chauffeur m'ouvre la porte, et me tend la main, pour m'aider à sortir. Il fait le tour et ouvre ensuite à Manoé, qui sort à son tour, les yeux posés sur moi. Je me sens toujours angoissée par mon agression, et pas vraiment à ma place devant tout ce luxe qui m'entoure.
Manoé s'approche lentement vers moi, et pose sa main chaude sur mon épaule :
- Allons boire quelque chose de chaud à l'intérieur.
Ne parvenant toujours pas à parler, j’acquiesce légèrement, puis il me prend par le bras, toujours avec douceur. Je ne pensais pas qu'il pouvait être aussi délicat.
Nous arrivons après quelques instants devant le porche de la maison. Il ouvre la porte d'entrée, mais intimidée par la situation, je marque un arrêt. Il me sourit et me tend alors la main, que je saisis, puis nous y entrons. Une employée de maison vient tout de suite à notre rencontre :
- Bonsoir monsieur, avez-vous passé une agréable journée ? Dit-elle, en le débarrassant de sa veste et de sa valise.
- Oui, merci.
Elle en fait de même pour moi, tout en dévisageant Manoé :
- Monsieur, que vous est-il arrivé ? Vous avez du sang sur votre visage...
- Oh, ça... Ce n'est rien de grave, juste une petite égratignure.
Elle va vers lui et inspecte sa blessure. Il la repousse gentiment :
- Ne vous en faites pas. Je m'en occuperai moi-même. Pouvez-vous nous préparer une tasse de thé ? Nous allons au salon.
- Tout de suite, monsieur.
Elle quitte immédiatement le hall avec nos affaires dans les bras.
- Allons-y, me dit-il.
Nous marchons quelques pas, puis nous arrivons dans un salon luxueux, étonnamment éblouissant. Je le suis, sentant mon cœur bondir à toute allure dans ma cage thoracique. Il s'arrête devant un grand canapé en cuir :
- Asseyez-vous, je vous en prie...
Je le regarde un instant, puis m'assieds. Il prend place à mes côtés, et me regarde tendrement:
- Vous n'êtes pas blessée?
Tout en continuant à regarder autour de moi, je décroche avec difficulté mon premier mot :
- Non... ça va...
- J'ai eu très peur pour vous, qui peut savoir ce qu'il se serait passé si j'étais arrivé plus tard...vous devez sûrement être en colère...
Je tourne mon regard vers lui. Il semble énormément culpabiliser car il me regarde avec tristesse. Je lui souris alors :
- Non, au contraire. Je suis contente que vous soyez arrivé à temps. Mais à cause de moi votre visage est abîmé...
- Vous n'avez absolument rien à vous reprocher! J'aurais dû vous envoyer dans un autre endroit...
Il baisse la tête un moment, puis l'employée de maison arrive avec nos tasses. Elle les posent doucement sur la petite table en face de nous :
- Avez-vous besoin d'autre chose, monsieur ?
Il relève alors la tête vers elle :
- Ça ira, merci. Vous pouvez disposer.
- Bien monsieur.
Elle tourne les talons dans la direction opposée. Après quelques instants, voyant toujours Manoé attristé par la situation, je pose ma main timidement sur la sienne, voulant le réconforter. Il pose alors les yeux sur moi :
- Monsieur, je vais bien. Je suis contente d'être avec vous. Merci pour ce que vous avez fait...
Il me fait un petit sourire forcé, puis prend une tasse en face de nous, et me la tend :
- Tenez. Ça vous fera du bien après tout ce qu'il s'est passé. Essayez de vous détendre un peu.
- Merci beaucoup.
Je la prends doucement dans mes mains, souffle sur le thé pour le refroidir, et bois une petite gorgée. C'est vrai que c'est réconfortant. Il saisit la sienne, me sourit, et boit également:
- Vous avez une très belle maison.
- Merci, ravi qu'elle soit à votre goût.
Nous continuons à boire, essayant tant bien que mal de retrouver notre calme.
- Votre joue... elle ne vous fait pas mal ?
Il passe son doigt sur la plaie, comme pour constater les dégâts, puis me sourit :
- Ça picote un peu mais je pense que je survivrai !
Je souris à ces mots :
- Vous devriez quand même la nettoyer...
Il pose soudainement sa tasse sur la table :
- Oui, en effet...
Il appelle alors l'employée de maison, qui vient au pas de course :
- Oui monsieur ?
- Apportez de quoi soigner ma blessure s'il vous plaît.
- Tout de suite monsieur.
Quelques minutes plus tard, elle revient avec une trousse de premiers soins. Elle la pose sur le sol et prend une compresse.
- Donnez la compresse à mademoiselle Leroy.
Je manque de renverser mon thé. Je le regarde avec étonnement et l'employée en fait de même. Néanmoins, elle se relève et me la donne.
- Vous pouvez disposer.
- Bien... monsieur... dit-elle.
Elle quitte la pièce et nous laisse tout les deux. Je le regarde, ne comprenant pas la situation. Il se met alors à rire :
- Posez votre tasse, il sera plus facile pour vous de me soigner.
- Vous... vous soigner ? Pourquoi moi ? Lui dis-je, paniquée par la situation.
- Parce que... je suppose que je le souhaite ? C'est suffisant... non ?
- Da... d'accord...
Je pose alors ma tasse sur la table, mains tremblantes. Je me baisse pour prendre du désinfectant, en met un peu sur la compresse, me relève, et m'approche un peu plus de lui :
- Vous pouvez vous approcher, je ne vais pas vous mordre !
- O...oui...
Je m'approche encore, jusqu'à avoir parfaitement son visage en face du mien. Je lève doucement ma main vers sa joue, et commence à tapoter doucement sa blessure :
- Aïe !
- Pa... pardon ! Je vous ai fait mal ?
Il rit un instant, puis ne dit plus un mot. Je continue alors à nettoyer sa plaie, tout en prenant soin d'essuyer le sang qui à coulé sur son visage. Quand je descend la main au niveau de son cou, je sens une chaleur me monter au visage. Mon cœur s'emballe et des papillons me parcourent le ventre. Je tourne mon regard vers lui, et croise le sien qui me fixe intensément.
Je me sens complètement absorbée par ses yeux sombres. Je ne bouge plus, ne respire plus. Mon corps est totalement hors de contôle à cet instant. Il avance doucement son visage vers le mien puis me dit en souriant :
- Kimi ? Vous avez terminé ?
Je me reprend aussitôt et termine la désinfection :
- Oui, j'ai fini.
Je pose la compresse sur la table, et reprend mon thé.
- Merci Kimi. Vous avez les mains très douces. Dit-il, avec un sourire.
- Il n'y a pas de quoi... dis-je, timidement, en baissant les yeux au sol.
Il boit une gorgée, puis reprend :
- N'oubliez pas que ce soir, je ne suis pas votre patron. Je suis simplement Manoé qui discute avec vous.
- Oui...
Il pose sa tasse sur la table et reprend :
- Que faisiez-vous avant de travailler dans l'entreprise ?
- En fait, je faisais des petits boulots, par-ci par-là... et puis j'ai décidée de prendre un nouveau départ.
- Vraiment ? Pourquoi ça ?
Nous y sommes. La question à laquelle je ne veux pas répondre... je baisse la tête, mais il remonte doucement mon menton pour capter mon regard :
- Il s'est passé quelque chose de douloureux ? Vous semblez être génée par ma question... dit-il, en fronçant les sourcils.
- En fait... je ne parle que très rarement de mon passé... j'ai vécu des choses qui m'ont profondément marquée.
Il me lâche le menton, et pose sa main sur la mienne. Il plonge alors son regard dans le mien :
- Je comprends... vous pourrez m'en parler quand vous vous sentirez prête à le faire. Ne vous sentez pas obligée de me le dire... sachez juste que vous pouvez me parler, je suis prêt à vous écouter.
- Merci, c'est très gentil.
Après de longues minutes à parler, l'employée de maison fait son apparition :
- Monsieur, pardonnez-moi, mais vous avez reçu un appel.
Manoé se lève et me regarde :
- Excusez-moi, j'en ai juste pour une minute
- Oui, pas de soucis.
Il quitte alors rapidement la pièce. J'en profite pour me lever, et tourner un peu dans ce grand salon. J'effleure du bout des doigts le piano à queue blanc, qui est au centre de la pièce. Je continue d'un pas lent ma visite quand, soudain, mon regard se fige sur un cadre. J'avance un peu plus près et découvre, à ma grande surprise, une photo de famille, avec le visage de l'ancien PDG, son épouse, Manoé et... Eden !
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