Manoé sort de sa voiture, et avance dans ma direction. Je le regarde difficilement, ayant la tête qui tourne. Il s'arrête devant moi, et me regarde un bon moment. Je me mets alors à rire, ne pouvant plus contrôler mon état :

 - Manoé ! Qu... qu'est ce que tu... tu fais là ?

Je pointe mon doigt dans sa direction, tout en souriant. Lui, par contre, ne sourit pas du tout, et semble assez agacé de me voir ivre dehors :

 - Kimi, tu es saoule ?

 - Oh... oui ! J'suis complètement déchirée...

Je me remets à rire un moment puis reprends tant bien que mal mon sérieux :

 - Qu'est ce que... tu fais là... monsieur le PDG ?

Il me regarde avec un air inquiet :

 - Tu ne devrais pas rester comme ça dehors... je te ramène chez toi.

Il prend mon bras, mais je le repousse violemment:

 - J'ai pas envie, j'ai envie de... de passer une soirée entre filles... sans soucis... et surtout, sans... toi.

Il reste face à moi, immobile. Il semble ne pas comprendre ma réaction :

 - Kimi... je ne vais pas te laisser seule comme ça... je ne comprends pas ce qu'il se passe... qu'est ce que tu as contre moi à la fin ?!

J'avance vers lui, et continue de le repousser.

Soudain, je suis tirée en arrière, et des mains me tiennent par la taille. Je ne comprends rien à ce qu'il se passe, et ce mouvement soudain m'a donné envie de vomir. Je ne bouge plus, et essaye de reprendre mon souffle.

Je regarde Manoé. Son visage à complètement changé. Ses lèvres tremblent, et son regard me glace le sang. Les mains autour de moi me lâchent soudainement, et j’aperçois Eden, passer rapidement devant moi, pour arriver en face de Manoé.

Il attrape violemment Manoé par le col de sa veste. Leurs regards sont foudroyants.

Zoé arrive, trébuche, et se rattrape contre un lampadaire. Elle vient en titubant dans ma direction :

 - Oh, Kimi ! Tu m'as abandonnée ! T'es trop mécha...

Elle s'arrête nette, en voyant Eden et Manoé. Elle me prend le bras, et me regarde avec étonnement :

 - Kimi... c'est... c'est... faut que j'arrête de boire... je vois... tu me croiras jamais... je vois Eden aggriper le grand patron...

Elle pouffe de rire un bon moment, en me tapant gentiment le bras. Je n'arrive pas à placer une phrase, tellement elle est incontrôlable.

Je me retourne alors dans leur direction :

 - Manoé, je ne sais pas ce que tu fais avec Kimi, mais je peux pas la voir malheureuse, tu comprends ?

Manoé fixe son frère, sans répondre. Ils se regardent un instant, puis Manoé le pousse violemment pour qu'il le lâche :

 - Eden... tu sais, j'ai été gentil avec toi, parce que je sais que ça a été difficile pour toi... mais ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas, d'accord ?

Eden se rapproche à nouveau de lui :

 - J'en ai rien à foutre de ta compassion. Quand on m'a laissé seul comme un chien, t'as fait quoi pour m'aider, "grand-frère" ? Rien... t'as vécu ta petite vie tranquille !

Manoé, semble de plus en plus énervé. Il se retourne, fait quelques pas, puis revient vers lui :

 - Tu penses que t'as été le seul à souffrir de cette situation, Eden ?! Tu penses que j'ai eu une vie de rêve ?! Après ton départ, maman m'a complètement délaissé et pour notre père...

Eden le prend soudainement par le col et lui coupe la parole :

 - Parle pas de cette ordure... c'est ton père, pas le mien... j'ai tout fait pour me faire accepter par lui, il en a jamais rien eu à foutre...

Manoé serre les poings :

 - Tu crois qu'il en avait aussi quelque chose à faire de moi ?! J'ai juste été son pantin, j'ai jamais pu rien faire d'autre, à part faire ce qu'il avait décidé pour moi. Tous les jours j'ai pensé à toi, Eden. Tu me manquais ! Et aujourd'hui tu me manques encore...

 - Arrête tes putains de conneries !

Eden frappe brutalement son frère sur le visage.

Zoé serre mon bras de toutes ses forces. Nous sommes sous le choc, et nous ne pouvons pas bouger.

Il relève lentement son visage, et Eden lui redonne un second coup.

Manoé se rattrape contre la voiture, et son chauffeur descend immédiatement pour le tenir. Il reprend un moment sa respiration, et avance vers Eden :

 - Tu... tu voudrais que je te frappe ? Tu voudrais que je te fasse mal ? Tu serais content comme ça?! Tu penses pas qu'on a pas assez souffert, Eden ? Jusqu'à quand tu vas me détester ?

Eden passe une main sur son poing, qui semble lui faire mal, puis, il sourit à son frère :

 - Éloigne-toi de Kimi, et je pourrais peut-être faire un effort... je ne te laisserai pas lui faire de mal, tu comprends ? Occupe-toi de ton entreprise de merde, et laisse-la vivre tranquillement.

Zoé accourt dans la direction d'Eden. Elle lui prend le bras, mais il la repousse, étant dans une colère incontrôlable.

Manoé tourne son regard vers moi :

 - Faire du mal à Kimi ? Pourquoi je ferais ça ?

J'ai enfin le courage de parler :

 - Tu... tu vas te... marier...

Il me fixe avec un regard intense, puis regarde Eden dans les yeux :

 - Tu sais... toi tu souffres parce que tu as manqué d'affection, mais aujourd'hui tu peux aller avec qui tu veux, tu pourras te marier avec une femme que tu aimeras, et avoir une famille que tu auras choisie, et tu pourras te reconstruire... moi... j'ai souffert et je souffre encore de ne pas pouvoir aimer celle que je veux... je souffre de ne pas avoir été aimé par nos parents, par toi ! Et je pense que je souffrirais toute ma vie, parce que je ne pourrai jamais choisir les personnes dont j'aimerais m'entourer et que j'aime réellement... tu sais quoi? Kimi... je vais la laisser, tu as raison... ça te convient comme ça ?!

Il me regarde une dernière fois un moment, puis remonte dans sa voiture, avant de reprendre la route.

Je m’effondre à terre. Je ne contrôle plus mes émotions, et me mets à pleurer sans pouvoir m'arrêter.

Zoé me prend dans ses bras, et me serre fort contre elle :

 - Eden... tu... tu devrais partir... je vais m'occuper d'elle...

 - Je suis... désolé... prends bien soin d'elle Zoé...

Eden nous regarde, baisse les yeux, puis part en direction de sa voiture.