Prenant conscience de cette proximité, je me recule soudainement. Eden me regarde, sans rien dire. Je passe mes mains sur mon visage, et dis :

 - Eden, je suis assez fatiguée en ce moment... je suis désolée, je n'ai pas fait attention à mon téléphone...

 - Je ne voulais pas t'embêter... je savais que ça aurait pu être dur pour toi après avoir discuté avec Manoé... je voulais juste m'assurer qu'il ne te soit rien arrivé.

 - Merci, c'est gentil de ta part...

Il me sourit, puis reprend :

 - Manoé ne sait pas la chance qu'il a... je suis désolé que ça se passe comme ça...

Je soupire :

 - Ne t'en fais pas. Je vais me reprendre, c'est juste une question de temps... je réfléchis toujours à ta proposition, je te donnerai ma réponse demain, d'accord ?

 - Prends ton temps... tu as le temps pour penser à ça. Essaye d'abord de penser à toi, et d'aller mieux. Ok ?

 - Oui...

 - Aller... je ne vais pas te déranger plus longtemps, si tu as besoin de parler, contacte-moi, d'accord ?

 - Oui, entendu. Merci, Eden.

A ces mots, il se retourne, et s'en va. Je ferme la porte, et souffle. Cette visite m'a fait du bien, même si je sais que le prendre dans mes bras ne fera qu'accentuer ses sentiments pour moi...

Je m'assieds sur le canapé, et fais le vide dans ma tête. Je voudrais que la situation s'améliore, mais je ne sais plus du tout comment faire. Je ne veux pas me montrer insistante avec Manoé, je pense qu'il doit aussi avoir ses raisons pour adopter un tel comportement...

Peut-être que, finalement, la proposition d'Eden tombe bien, et que ça me permettrait de penser à autre chose, de voir de nouvelles personnes, et de discuter avec de grands journalistes... je commence sérieusement à y penser. Il faut encore que j'y réfléchisse un peu, mais si Manoé est toujours aussi distant, je ne vois pas comment la situation pourrait s’aggraver...

***

C'est avec le cœur lourd que je me rends au travail, ce matin. Je sais très bien que l'atmosphère sera pesante, et que Manoé ne fera pas attention à moi... je voudrais tant le prendre dans mes bras... sentir de nouveau son parfum...

J'arrive dans le hall d'accueil, parle un moment avec Zoé, puis me rends directement dans mon bureau. Je n'ai pas très envie de bavarder, et préfère m'isoler. Je pose mes affaires sur mon bureau, et m'assieds.

Soudain, la porte s'ouvre, et mes yeux se posent alors sur Manoé. Mon cœur s'accélère. Nos regards se croisent longuement. Je finis par baisser les yeux, et il brise le silence :

 - Je vais partir en voyage d'affaire quelques temps. Si tu as besoin de quelque-chose, va voir monsieur Garcia.

Il se retourne, et pose sa main sur la poignée de la porte.

Je me lève soudainement, et viens rapidement à lui. Je lui attrape le bras, pour l'empêcher de partir. Je dois comprendre pourquoi il est comme ça... qu'il soit aussi froid avec moi du jour au lendemain est incompréhensible...

Il ne bouge plus. Je lui serre le bras, espérant qu'il finisse par se retourner. Il pose une main sur la mienne. La chaleur de sa main me donne des frissons dans tout le corps et les battements de mon cœur s’accentuent. Mais, il enlève ma main, et sort de mon bureau, sans même m'adresser un seul regard.

Je le regarde avancer. Cet homme, qui m'a fait redécouvrir toutes sortes de sensations, ne veut plus de moi... et comme si ça ne suffisait pas, il part en voyage d'affaire.

Notre relation est au point mort.

Je voudrais pouvoir passer à autre chose, le laisser, mais le sentiment que j'éprouve me fait trop mal... est-ce ce sentiment qu'Eden ressent ?

Je retourne m’asseoir derrière mon bureau. Je suis si déprimée, que j'ai énormément de mal à me mettre au travail. Pourtant, il va bien falloir...

Après quelques heures, je décide de me rendre en salle de pause, pour prendre un café. Quelque chose de chaud me fera du bien.

Je m'y rends donc, et vois Eden assis, avec une tasse à la main:

 - Hey, Kimi ! Ça va ?

Il se lève, me fait un sourire, et avance vers moi. Je lui adresse également un sourire:

 - Salut Eden, ça pourrait aller mieux... et toi ?

 - Ça va...

Je baisse mon regard vers le sol un moment, et prends soudainement une décision :

 - Je vais t'accompagner.

Eden ouvre les yeux en grand, et affiche un air surpris :

 - Tu... tu es sûr ?

 - Oui. J'ai besoin d'air... et de toute façon avec Manoé... ça ne pourra pas être pire...

Il me regarde, avec un grand sourire.

Honnêtement, je ne sais pas ce qui m'a pris d'accepter cette invitation. Je pense qu'au fond de moi, j'ai juste envie de réveiller Manoé...