Après une journée bien remplie, je prends le bus pour rentrer chez moi. Je suis un peu fatiguée, d'autant plus qu'Eden ne s'est pas rendu au travail. Je commence à me poser des questions sur la fin de sa soirée. Peut être qu'il était fatigué, et qu'il a préféré se reposer... il a pas mal été bouleversé ces jours-ci.

J'arrive dans mon appartement, et vais directement prendre une douche. Je laisse couler l'eau sur mon visage, en essayant de me rassurer. Si demain il ne se rend pas au travail, je l’appellerai. J'ai besoin de savoir qu'il va bien... c'est un homme particulièrement attachant, et je regrette de l'avoir fait tant souffrir... j'aurais aimé pouvoir le rendre heureux...

Après m'être mise en tenue décontractée, je me prépare de quoi manger, en scrutant de temps à autre mon téléphone. J'aimerais qu'il me donne de ses nouvelles...

Je m'assieds, et commence à manger. Il s'est passé tellement de choses en si peu de temps... moi qui étais complètement enfermée dans une bulle, je me retrouve dans une histoire qui me dépasse complètement. Entre l'homme que j'aime, son frère... et Luca, qui est revenu pour me torturer... je ne sais pas quand il compte agir, mais je reste sur mes gardes. C'est une personne vraiment très malsaine, et quand il dit quelque chose, il le fait.

Penser à lui me fait perdre l'appétit, je décide alors de débarrasser le couvert, et de m'allonger quelques minutes sur le canapé, devant la télévision. Je me passe un bon film, et prends un moment de détente bien mérité. Il faut que je pense à autre chose.

Maintenant, Manoé est avec moi, et cette pensée me fait du bien. Avec lui à mes côtés, je me sens presque invincible. L'amour que j'éprouve pour lui est de plus en plus fort. J'aimerais lui parler des menaces que Luca m'a faites, mais je n'ai vraiment pas envie de le mêler à tout ça. Il a assez de choses à gérer... entre l'entreprise qui lui demande du temps, et son hypothétique mariage qu'il doit essayé d'annuler... et son frère, avec qui ça ne va pas... je ne vais pas en plus lui rajouter le cas d'un psychopathe sur les bras. Je m'en sortirai seule, comme j'ai réussi à le faire la première fois. Ça ne sera pas facile, mais je dois me battre, si je veux espérer être heureuse un jour, avec l'homme que j'aime. J'espère vraiment qu'il parviendra à trouver une solution pour que nous soyons ensemble...

Les heures défilent, et je commence à être vraiment fatiguée. Je regarde l'heure, et voyant qu'il est bientôt minuit, j'éteins la télévision, et pars en direction de ma chambre, pour aller dormir. Je règle mon réveil, et m'endors après quelques minutes.

***

Je suis brusquement réveillée par le bruit de la sonnette qui retentit. J'ouvre difficilement les yeux, et je peine à reprendre mes esprits. Mes yeux se referment lentement, quand elle sonne une deuxième fois. J'ouvre les yeux, et attrape mon téléphone. La lumière qui s'en dégage m’éblouit, et je dois m'y prendre à plusieurs reprises avant de lire l'heure.

Après quelques instants, j'arrive enfin à la distinguer. Il est quatre heure dix, et à cette vue, je commence à sentir mon cœur s’accélérer dans ma poitrine.

Qui peut bien sonner à une heure pareille ?

Je me lève avec difficulté, et avance lentement jusqu'à la porte d'entrée. Par précaution, je jette un coup d’œil dans l’œilleton, mais n'y vois pas plus clair. Il fait sombre et je ne distingue pas grand chose...

Je fais une rapide prière, en espérant que ça ne soit pas Luca, et finis par l'ouvrir légèrement. Je regarde dehors, et aperçois le visage de Manoé, tête baissée. J'ouvre immédiatement la porte, il avance alors doucement devant moi, et me prend dans ses bras. Il me serre de plus en plus fort contre lui. Je passe mes mains autour de son cou, et lui caresse les cheveux :

 - Qu'est-ce qui t'amène, si tôt ?

Il ne répond pas, et pose son visage dans le creux de mon cou. Il passe ses mains dans mes longs cheveux, et me caresse tendrement.

 - Manoé ?

J'entends sa respiration s’accélérer.

Est-il... en train de pleurer ?

Je m'éloigne doucement de lui, pour regarder son visage. Il baisse instantanément son visage, passe ses mains sur ses yeux, et décroche enfin un mot :

 - Je... je voulais juste... te prendre dans mes bras... je suis désolé de t'avoir réveillée.

Je lui prends la main :

 - Ce n'est rien... il s'est passé quelque chose ?

Il soupire, relève son visage, et me caresse la joue :

 - Je ne serai pas là aujourd'hui... je t’appellerai dès que je pourrais, d'accord ?

 - D'accord... si tu as besoin de quoi que se soit, tu sais que je suis là... je suis là pour toi, Manoé.

Il me regarde, avec une expression qui me transperce le cœur. Il a l'air vraiment triste. Le voir comme ça, me fait vraiment mal.

Il me donne un tendre baiser, puis se retourne, pour partir. Je le regarde s'éloigner, tête baissée. Je mets un moment à fermer la porte. Je ne comprends pas ce qu'il se passe... et après l'avoir vu comme ça, je doute de pouvoir me rendormir facilement. Je passe une main sur mon visage, complètement perdue par cette visite...

Je retourne dans mon lit, et essaye tant bien que mal de me rendormir. Je tourne dans tous les sens, regarde mon téléphone à plusieurs reprises, étant vraiment inquiète pour lui. Je fini par lui envoyer un message : « J'espère que ce n'est rien de grave... je pense fort à toi, je serai toujours là pour toi, quoi qu'il arrive... »

Après avoir envoyé mon message, et n'ayant pas eu de réponse après de longues minutes, je finis par me laisser emporter par le sommeil.

***

Mon réveil sonne, et après de longues minutes à émerger, je me lève. Je suis fatiguée, et ma nuit a été agitée. Je n'ai pas arrêté de faire des cauchemars, tous plus horribles les uns que les autres.

Après avoir pris une douche et m'être habillée, je prends la direction du travail. Je repense à Manoé, et espère réellement qu'il va mieux.

Arrivée à l'accueil, je constate que Zoé n'est pas à son poste. Je regarde autour de moi, et aperçois les deux autres hôtesses, avec l'assistant de Manoé, en train de parler entre-eux, avec un air abattu. Étonnée de ne pas la voir, et devant ces visages attristés, je décide d'avancer vers eux pour leur parler:

 - Bonjour, Zoé n'est pas là aujourd'hui ?

Ils se tournent vers moi, et un long silence s'installe. Lilia et Estelle baissent la tête, et devant ce mutisme soudain, mon cœur s'accélère. Je regarde le secrétaire avec insistance, et il finit par me répondre :

 - Bonjour, aujourd'hui, je pense que nous serons peu à venir au travail... vous n'avez pas lu les journaux ?

 - Non... qu'est-ce qu'il se passe ?

Il baisse son visage, soupire, puis me regarde de nouveau :

 - Nous avons appris le décès d'un membre de l'équipe... Zoé a fait un malaise en apprenant la nouvelle, ce matin. Monsieur Garcia l'a ramenée chez elle...

Je le regarde, sans dire un mot. Mon cœur s'arrête, et mon corps se met à trembler. Après quelques minutes, je lui dis difficilement :

 - De... de qui... de qui il... s'agit ?

Il prend une longue inspiration, puis reprend:

 - Eden Santoni...

Des étoiles apparaissent instantanément dans mon champs de vision. Les tremblements de mon corps s'accentuent, et des larmes apparaissent peu à peu sur mon visage. Un sifflement retentit dans mes oreilles, et je ne distingue, ni n'entends plus rien. Une main se pose sur mon bras, et je m'effondre au sol, perdant conscience du monde qui m'entoure.

Après quelques minutes, je reviens peu à peu à moi, et perçois difficilement des voix autour de moi. Je ne vois toujours que des lumières blanches, et ma tête est prise dans un tourbillon. Je n'arrive pas à me lever, ne contrôlant plus les tremblements de mon corps. Je sens une main me soutenir la tête, et des mains me maintenir au sol. J'ouvre lentement mes lèvres, et je laisse ma voix s'échapper, pour laisser éclater mon chagrin.

Eden, ça ne peut pas être toi...

Ça ne peut tout simplement pas être toi !

Se sont des putains de conneries !

Mon Dieu, je n'y crois pas...

Ce n'est pas Eden...

C'est impossible,

Inimaginable,

Improbable,

Je cris.

Je hurle.

Eden...

Eden...

...