Un moment de répit

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Deux jours ont passés depuis la disparition soudaine d'Eden. J'ai eu quelques messages de Zoé, qui est aussi dans un douloureux chagrin. Elle m'a dit que son homme prenait soin d'elle, et qu'il ne fallait pas que je me fasse du soucis, que je devais prendre soin de moi, et surtout, de Manoé.

Nous sommes donc partis, pour pouvoir retrouver un peu d'oxygène. Nous y passerons peu de temps, mais nous retrouver tout les deux, nous fera le plus grand bien. Manoé a beaucoup de mal à accepter la disparition de son frère. Qu'il quitte ce monde, sans qu'il ait pu renouer avec lui, le fait terriblement souffrir, et je pense que se sera une blessure qu'il ne pourra jamais refermer.

Le voyage a été long. Manoé a tenu à ne pas se faire escorter par son chauffeur habituel. Il ne voulait voir personne, il n'y avait que ma présence qu'il supportait. Nous avons roulé longtemps, sans vraiment avoir de but précis quant à notre destination. Il enchaînait les kilomètres, le regard vide, en me tenant la main, de temps à autre. A chaque ville que nous traversions, j'avais l'impression de laisser peu à peu mon chagrin, comme si un poids quittait doucement mes épaules.

Évidemment, je savais très bien que quand je retournerais au travail, le vide qu'Eden a laissé, serait vraiment très intense. Manoé a tenu à faire une grande cérémonie, pour honorer son petit frère comme il se doit. Elle se tiendra dans quelques jours. Cet enterrement sera vraiment pénible à supporter.

Nous avons terminé notre chemin sur la côte. A notre arrivée, il se gare, coupe le moteur, et sort directement de la voiture. Il se frotte les yeux, regarde autour de lui, avant de s’asseoir sur le capot, et de fermer les yeux un moment. Je le regarde un instant. Il semble vraiment au plus mal...

Je sors à mon tour, marche lentement vers lui, et m'assieds à ses côtés. Il me prend la main, et pose sa tête sur mon épaule. Je lui caresse tendrement la joue, et l'embrasse sur le front. Nous restons un moment, l'un contre l'autre, admirant la beauté de la plage, face à nous. Le vent balaye nos cheveux, et l'oxygène que nous respirons est très réconfortant. Les bruits des vagues nous apaisent.

Une larme se met à couler doucement sur sa joue. J'aimerais pouvoir l'aider à remonter la pente, et peu importe si moi je ne vais pas bien. J'ai juste besoin qu'il soit heureux, le reste m'importe peu...

Après quelques temps, il relève son visage, passe une main sur sa joue, et me donne un tendre baiser. Il se lève et me tend la main, que je prends immédiatement, pour me lever à mon tour. Il me regarde, et me dit :

 - Allons marcher un peu, au bord de la mer...je contacterai les hôtels ensuite, d'accord ?

J'acquiesce, et nous marchons lentement en direction de la plage, main dans la main.

Voir les vagues déferler nous calme. Nous ne disons rien, nous observons seulement la mer s'agiter au gré du vent. Je regarde Manoé, qui lutte continuellement pour ne pas laisser échapper ses larmes. Je m'arrête, et le prends alors dans mes bras :

 - Laisse toi aller, Manoé. Tu as le droit de pleurer...

Il me tient fermement contre lui, et à mes mots, il ne se retient plus. Il laisse ses émotions s'exprimer. Des larmes coulent sur mes joues, à moi aussi.

Eden nous manquera, à jamais. Il a laissé un immense vide derrière lui...

***

Après avoir passé un bon moment sur la plage, à libérer notre profond chagrin, nous arrivons dans une grande chambre d'hôtel. Nous posons nos sacs, il sort directement son ordinateur, et s’assoie sur le lit. Il l'allume, et commence à taper sur le clavier. Je m'assieds à ses côtés, et lui caresse délicatement le dos. Il s'arrête, se frotte les yeux, reprend sa respiration, et continue à écrire.

Voyant qu'il est absorbé par ce qu'il fait, je décide de le laisser et d'aller prendre une douche. Je passe un bon moment sous l'eau, à pleurer silencieusement. Je me sens vraiment responsable de la mort d'Eden... je ne sais toujours pas exactement ce qui lui est arrivé, mais le simple fait de l'avoir laissé à cette soirée m’anéantit.

Une fois m'être séchée et changée, je me rassieds à côté de Manoé, qui continue d'écrire. Il marque une pause, et me regarde :

 - J'écris mon discours pour la cérémonie... il y a tellement de choses que j'aurais aimé lui dire... tellement...

Je pose une main sur son bras, et approche doucement de lui pour lui donner un baiser sur ses lèvres. Je peux sentir une de ses larmes mouiller ma joue. Il passe ses mains sous mes cheveux, et accentue mon baiser. Après quelques minutes, il écarte son visage du mien, me caresse la joue, et il se remet à écrire. Je m'allonge alors à ses côtés, passe une main sous son bras, et le regarde pendant un long moment.

Épuisée par toutes ces émotions fortes, je finis par m'endormir.

***

Quand j'ouvre les yeux, j'aperçois Manoé, endormi, avec son ordinateur sur les jambes. Je regarde l'écran, et y vois de vieilles photos de lui et Eden quand ils étaient enfants. Je me relève lentement, enlève doucement son ordinateur, le pose sur la table de chevet, et reviens à ses côtés. Il a l'air si paisible... je le couvre, et lui caresse la joue du bout des doigts.

Il ouvre alors les yeux, et tourne la tête vers moi. Nous nous regardons, et il s'allonge pour me prendre dans ses bras. Je respire son odeur, et ferme les yeux. Il passe lentement sa main sous mon haut, pour me caresser le dos. Je passe mes mains dans ses cheveux, et le caresse tendrement, moi aussi. Nous nous reposons encore un peu, tout les deux.

Dans quelques heures, nous devrons rentrer et affronter cette dure réalité. Nous le ferons, ensemble.

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