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J’inspire…
J’expire…
L’odeur de l’humidité imprègne la pièce. Mes yeux sont fermés, mais dans mon esprit, je revisite chaque détail de l’endroit. Tout est à sa place. Ce lieu me rappelle des souvenirs terrifiants.
J’inspire encore…
J’expire encore…
Il y a ces choses qui refusent de s’effacer, comme ces voix dans ma tête qui murmurent ce que je devrais faire, ou ne pas faire. Je ne sais pas laquelle écouter. Mais, lors de mes études, j’ai appris que chacun de nous possède un "ça" enfoui, cette part primordiale, celle qui nous relie à nos instincts les plus bruts.
J’ouvre les yeux, et ma vue s’ajuste à la faible lumière du plafond, une seule ampoule dont le filament brille d’une lueur fragile. Les murs suintent le froid, les pierres se mélangent à la terre, et le sol poussiéreux et humide évoque la cave où, enfant, je n’osais pas aller chercher le ballon. Mais ici, il n’y a pas de ballon. Juste un bâillon. Serré autour de sa bouche. Cette bouche épuisée, qui n’a plus la force de crier après tant de hurlements étouffés. Pauvre mec. J’ai presque de la peine pour lui.
Il est à genoux dans un pantalon que je ne pourrais pas me payer, taché de sable rougeâtre, une chemise souillée de suie, ses poignets liés au-dessus de sa tête. Ça me rappelle mon enfance, quand j’avais appris à faire mes lacets d’une seule main, parce qu’un de mes bras était immobilisé. Plus tard, cette habileté m’a permis d’attacher quelques conquêtes avec mes cravates. J’ai toujours adoré les contrôler sans qu’elles puissent me toucher. Ce contact me donne des frissons. Le bâillon, c’était mon petit truc.
Mais lui, ce n’est pas une conquête. Ce type m’a volé quelque chose. Vous direz peut-être que je suis taré, et je répondrai sans hésiter : "Évidemment, complètement cinglé." D’en douter serait une erreur.
Mais une anomalie c'est glissée dans ma vie. Ce type. Oh bordel… une sale gueule, l’air dix ans de plus que son âge. Un jour, il m’a dit de "venir prendre ma gifle." Et il s’est cru supérieur ?
Il sent que je m’approche. Je le renifle, tel un prédateur face à sa proie. L’odeur du sang m’hypnotise. Sur moi, cette odeur métallique me rend fou ; mais là, ses poignets dégoulinent d’hémoglobine. C’est fascinant de voir un homme brisé, lui qui m’a fatigué toutes ces années.
— Maintenant, tu vas bien te faire foutre, enfoiré… tu vas payer pour tout. Les coups de mon enfance, les amours perdues, mes échecs, la haine de ma mère. Il fallait que quelqu’un paie, et ce sera toi.
Je sors de ma poche un couteau. Je veux qu’il gémisse, qu’il crie, qu’il espère même, qu’il espère qu’on viendra le sauver… Mais non. Personne ne viendra. C’est presque jouissif de le voir me supplier du regard, réalisant qu’il n’a plus d’échappatoire.
— Je t’avais prévenu… ne me cherche pas. Mais tu n’as pas écouté. Tu t’es cru plus fort ? Tu m’as sous-estimé.
J’enfonce la lame dans sa poitrine, doucement, ni trop haut, ni trop bas. Elle glisse comme dans du beurre. Un os effleuré ici, un frisson là. Mais elle se laisse guider. Ses hurlements étouffés me demandent d’arrêter, mais je ne peux pas. Dans ma tête, je veux qu’il crie plus fort, encore plus fort.
Vous l’entendez ? Vous l'entendez hurler derrière son bâillon ? Comme c'est fabuleux. Ce gémissement sourd, qui en devient presque assourdissant. Il pleure, il souffre, et ça me touche. Tiens, c'est un peu plus dur maintenant. J’ajoute un peu de force, sentant le couteau pénétrer plus profondément. J'entend qu'il s'étouffe. Je vois qu'il essaye de ne pas s'étouffer en essayant de cracher le sang qui coule le long de ses lèvres, donnant une couleur carmin à sa muselière en tissus. Le parfum métallique est accentué. J'appuie encore un peu, sa chemise est toute ensanglantée. Ses yeux se remplissent de larmes.
Je verse aussi une larme.
Une larme de joie.
— Regarde-moi. Regarde-moi dans les yeux… continue… lui dis-je comme pour le rassurer.
Je le vois, implorant, le son de ses hurlements se dissipe. Je le vois s’en aller…
C’est moins drôle maintenant.
Et maintenant… je fais quoi ?
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