Souvenir 100

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19 tir 1168

Le mélodieux “di-de-lio” des loriots accompagnait l'air frais du bon vieux domaine et leurs trônes ; les arbres immenses de l'impressionnante forêt aux alentours ne gardaient qu'un seul et unique monument : un manoir, une belle et grande maison.

Tandis qu'un soleil brillait à l'horizon, ma montre à gousset m'affichait la banale neuvième heure. Hypnotisé par son tic-tac ainsi que les ravages de ce long voyage, je reprenais mon souffle. Pour être plus clair, un homme se retenait d'approcher sa propre demeure. De plus, celui-ci était en son plein droit car tout avait changé puisqu'à l'écoute, des voix d'enfants et des rires se succédaient de part et d'autre de la bâtisse.

Évidemment qu'à ce moment précis la sueur se mit à dégouliner de partout à l'intérieur de ma tunique et que mes gants me gênaient. Autant qu'à faire, je me libérai de ma veste en queue de pie suivie de mes gants et me retroussai les manches. Puis, je pliai imparfaitement le tout sur le haut de ma malle. Par la suite, j'enlevai mon chapeau dans le but de le secouer pour élaguer la crasse et la poussière et enfin de le remettre un peu plus à l'endroit.

J'aurai bien voulu resté encore plus longtemps dans l'admiration de ce blanc immaculé mais j'étais habitué au froid et à la suie, alors ces reflets et cette couleur m'étaient peu familiers. De même, les petites herbes qui bruissaient sous les pas de mes godasses et le sol humide qui collait à mon pantalon sobre.

Durant ce rapprochement vers les marches menant à l'entrée déjà ouverte, une voix convergeait dans ma direction. Ce qui révéla à quelque mètres, deux femmes mettant fin à une conversation légère. L'une portait une robe en lin noire avec manchette rouge plutôt ample ainsi qu'un tablier et une coiffe blanche. Elle n'affichait aucune émotions que ce soit à ma vue ou aux paroles de son interlocutrice. Cette paysanne ne se contentait que de baisser la tête et de rentrer après avoir marmonné quelques mots.

Cependant, l'autre dame restait en haut des marches et semblait chercher un point à l'horizon. Vêtue d'une longue robe corset trois pièces d'un brun-rouge ainsi qu'un pantalon noire un peu trop moulant, elle gardait une mine enjouée et il ne fallut que quelques secondes pour qu'elle ne me remarque devant elle.

Je reserrai fermement la manche de ma malle tandis que sa chevelure brune claire s'envolait vers moi. Elle s'arrêta comme pour me jauger et je ne pouvais que voir sa bouille alterner des expressions ostentatoires. Par réflexe, mes bras se levèrent sans doute d'elles-même ou par pur paresse de ne pas faire traîner ces retrouvailles.

Elle s'y engouffra rapidement me partageant son agréable et douce fragrance de jasmin.

—Ousha !

Pendant que sa tête composée d'une couronne de fleurs d'été et ses mains dures m'empoignaient l'avant et l'arrière du tronc, je me demandais depuis quand elle était autant féminine. Et, j'avais tort de le penser car elle comprit instantanément ma réflexion à travers mon regard aigu. Aussi, malgré que sa tignasse tombait sur tout le côté droit de son visage, elle me dévisageait à son tour de son œil gauche vert émeraude.

—Ousha, cesse donc de me détailler. Tu veux bien !

Une brise fugace amena une feuille de pin à se poser près de sa joue ce qui m'alerta et aventura ma main près de sa pommette joufflue. Un sourire étira les miens alors qu'un gros pincement me réchauffait les côtes.

—Tylie arrête… Aïe ! Ahaha, Par Dieu, tu me blesses ! criai-Je, le rire alarmé.

—Combien d'années qu'on ne s'est point vu ? Pas une lettre ! Pas même une idée de ce que tu deviens et tu débarques en me traitant ainsi. Que dis-je ? En m'humiliant !

—Mais je n'ai rien fait. Ouille hahaha !

Il était vrai que Synthil avait énormément changé depuis notre dernière rencontre. Ma camarade avait eu le temps de prendre soin d'elle et d'avancer dans sa vie. Ce qui ne demeurait pas mon cas. Pourtant, ce fort réconfort qu'elle m'offrait dans cette étreinte me rassurait.

—Bienvenue, chez toi Ousha.

—Me revoilà !

Elle m'attrapa en faufilant son bras au-dessus du mien et me tira en avant munie de cette expression sauvage “Arrête de rester planter là et avance”. Malgré tout, elle le grommelait vraiment, histoire d'insister. Car il semblerait que je l'énervais déjà de part ma lenteur à réagir.

—Attends ! Attends ! Attends ! geins-je

Je devais m'en douter qu'elle n'avait pas perdu de sa force et que le choix de me défiler tombait dans les abysses à mesure que la chaleur de la maison m'atteignait. Je me résignais lorsque ma consœur prit la parole.

—Alors, qu'est ce que tu en dis ? me questionna-t-elle avant de me distribuer une série de coups de coude.

Tout cela pour attirer mon attention. Mes côtes, mes vilaines courbatures, mes entrailles. Tu oublies ! Ils en souffraient de ces heurts répétés et je gardais la douleur pour moi à cause de sa ténacité à me rendre candide face à sa vigueur. Je ne connaissais le nombre de fois qu'elle manqua de m'achever avec son cran de me croire indestructible. De quoi me parlait t-elle déjà ?

—Pourquoi le blanc ?

—D'où tu vois du blanc ? La réalité est très loin de tes vagues a priori.

—Quelle est cette couleur alors ?

—Je n'ai encore rien décidé. Pour le moment, c'est telle la blancheur d'une vierge.

—...Eh ben, je te conseille vivement de faire vite.

J'allais pas répondre à sa blague sinon je rentrais à fond dans son jeu et cela s'étendait sur une journée. Dans un mauvais jour.

—Pourquoi ? Rien ne presse.

—Tu as raison, laisse donc la rouille et le sang décider de ce qu'il en adviendra. Un sordide bariolage j'apriorise, suggérai-je au moment d'un effort pour gravir douze marches à l'aide de quelques soubresauts.

La pauvre, elle se méfiait de moi lorsque je lui longeais la main afin de l'aider à me rejoindre vers le palier d'arrivée. Fort heureusement, la maîtresse de maison dans toute sa splendeur releva l'extrémité de sa robe-chemise et accepta mon aide vertueuse.

—Écoute-moi bien ! Hors de question que les façades de notre maison virent au rouge, m'avertit-elle.

Elle passa vite devant moi en balançant les bras et les jambes. Elle se courba et m'indiqua l'entrée d'un geste de main après m'avoir complètement offert une vue géniale du rez-de-chaussée. Pareil à la porte en chêne massif où une énorme clé se logeait dans une serrure assez peu ordinaire.

—Bienvenue !

La dernière fois, tout paraissait prosaïque. Mais, je ne ressentis qu'un entrain pittoresque, une fraîcheur chaleureuse. Le hall d'entrée vert grisâtre assez spacieux qui s'étendait devant moi, m'émerveillait. Je demeurais tel un enfant devant toutes les nouveautés qu'avaient apporté Synthil. Jamais je n'aurais mis une pièce sur sa capacité à rénover une maison.

Il y avait un registre à côté de moi, et près de ma guide un panier à fleurs. Toujours sur ce même côté, je tombai nez à nez avec une vitre. Celle-ci m'amena à ôter mon chapeau melon, ce qui révéla au final mon crâne presque rasé.

—Oh ! Ça te va bien. Avec la barbe et tout. Hmmm.

—Ferme là !

Elle m'adressa un rire dans un premier temps, puis, amorça notre progression vers le fond du hall. Soudain, un enfant traversa d'une salle à une autre qui donnait à notre gauche. De cette dernière me parvenait des échos d'angelots. Et que dire, elle était immense et parfaite pour ces petits protégés.

La main sur le rebord du montant de la porte, j'admirais le bonheur de les regarder bruyants ou calmes pour certains, s'affairer à leurs bonnes vieilles routines matinales. Quelques étagères truffées de livres, des fauteuils en cuir, des coussins et un trône. Un trône ? Je ne possédais pas de chaise aussi personnalisée même à mon âge. Ce petit en avait de la chance.

Alors que mon acolyte s'accroupissait pour parler avec le petit bonhomme de tout à l'heure. J'aimerai bien avoir un aperçu de comment elle s'y prit pour les gérer. Or, mon attention fut promptement reportée sur une frimousse familière. De plus, je tenais un regard et une oreille semi-attentive à la conversation au loin.

—Bonjour monsieur !

—Bonjour mon grand !

Je me baissais pour le saluer et déphaser amicalement ses cheveux. Je saisis rapidement par son sourire et ses cheveux que c'était Gabriel. Sacrebleu ! Comme il avait grandi.

—Gabriel ! Mon garçon ! hurlai-je de joie.

—Oui, c'est moi ! prononça t-il de sa voix si agréable.

Dès que je le reconnus mon bambin tournoyait et riait aussitôt dans les airs. Après ce petit voyage, je le remis dans mes bras où nous observions de concert sa mère.

—Ça va Thomas ? demanda Tylie, un peu inquiète.

—Oui, mais où est grande sœur ?

—C'est vrai ça, je n'ai pas croisé Av…, murmura-t-elle. Je crois qu'elle ne devrait pas tarder. Ne t'inquiètes pas.

Plaît-il ? Pourquoi regardait-elle dans ma direction de manière si évidente !

—Merci ! répondit le garçon.

La voilà redressée et me souriant au second coup d'œil.

—Cesse donc de border Gabriel, il n'est plus un bébé.

—Ah ! J'avais même pas remarqué.

—Sois sage mon bébé ! prescrit-elle à son fils en frottant son nez contre le sien.

Deux poids, deux mesures, cette grande dame là. Je lâchais mon protégé doucement à terre le cajolant à mon tour.

—À tout à l'heure mon bonhomme.

Les deux garçons disparurent se mêlant aux autres enfants et ce fut à notre tour, bien qu'avec un certain pincement de cœur que nous quittâmes la salle. Quelques mètres à peine dans le chemin principal, je pris le soin d'enlacer ma complice assez stupéfaite par ma prise d'initiative.

—Merci.

—Je t'en prie Ousha. C'est plutôt à moi de te remercier de m'avoir offert cette seconde vie. Suis moi. J'ai tant à te faire découvrir et à te raconter.

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