Il y avait les mots

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On entends souvent parler des amours d’été. Éphémères et passionnés, ils envahissent les discussions au retour des vacances sur la côte. Les coups de foudres hivernaux sont bien moins répandus : les gens restent chez eux, et ne sortent qu’emmitouflés dans des manteaux trop grands et des écharpes colorées. On pense d’abord à se réchauffer devant une ancienne cheminée plutôt que dans les bras d’un amant rencontré devant le vendeur de chapons. Pourtant, il arrive parfois que les étoiles du ciel hivernal voient s’opérer d’inattendus évènements.

En ce 24 décembre 2017, Michaël était, comme très souvent, assis sur un banc public dans le parc du village. Et pas n’importe quel banc, le plus mal placé qui soit. Contrairement aux autres qui étaient parfaitement disposés autour de la structure de jeux pour enfants, celui-ci demeurait reclus dans la zone du parc non-entretenue, loin du kiosque à journaux et des stands de marrons et vin chaud.

Mais Michaël aimait cela.

Il aimait observer la nature se développer comme elle le souhaitait.

Il aimait voir les buissons irréguliers et les sapins désordonnés, habités par de tous petits oiseaux qui fuyaient l’agitation des Hommes.

Il aimait la manière dont cette marre était toujours recouverte : de lentilles d’eau en été et au printemps, de feuilles mortes en automne et de glace en hiver.

Et puis, il y avait les mots.

Les mots laissés par le monde, par la vie. Gravés dans le bois par des inconnus désireux de laisser une trace de leur passage ici. Selon Michaël, c'était ce qui faisait tout le charme de ce banc abîmé par le temps. Il se plaisait à lire les citations parfois futiles de ses confrères qui, plus tôt, s’étaient eux aussi installés sur les planches râpeuses du siège. Habituellement, le jeune homme appréciait le silence : les bruitages lointains des enfants joueurs devant leurs parents babilleurs importunaient grandement sa plénitude.

Pourtant, aujourd’hui, Michaël aurait aimé se sentir un peu moins seul, il aurait aimé entendre les gens discuter des cadeaux qu’ils ont choisis pour leurs proches, râler sur l’habituel repas de famille qui réunit les neveux turbulents et la belle-sœur agaçante. Mais rien. Il n’eut que du vide. Il était presque seize heure et tout le monde était chez soi, préparant la bûche et le sapin.

Mais tandis qu’il contemplait la fine couche de givre recouvrant les branches les plus frêles des arbres, Michaël entendit un petit craquement dans la neige. Il tourna la tête vers l’entrée du parc mais le brouillard hivernal rendait l’horizon flou et le nuage de vapeur créé par son souffle n’arrangeait rien. Il réajusta son écharpe puis enfouit ses mains plus profondément dans les poches de son long manteau brun. C'est alors qu’une voix se mêla au léger sifflement du vent.

- Excusez-moi, savez-vous où se trouve la boulangerie ?

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