Le Voisin baroque

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Corentin, comme à son habitude, s’était aposté à la petite fenêtre de sa chambre, la seule qui donnât directement sur le jardin du voisin. Et d’icelle, il espionnait ledit voisin, nouveau venu dans la commune de ses grands-parents où il passait lui-même ses deux mois de vacances.

À vrai dire, il n’y avait pas grand-chose à voir : l’homme était seul, et passait ses journées à dessiner sur une table d’architecte.

Mais au bout de trois jours, Corentin commença à douter de son professionnalisme : en effet, et grâce au mouvement tournant de la table, suivant le mouvement du soleil, il ne trouva point que cet homme travaillait comme un véritable architecte, en vérité.

Mais bon ! Il faut dire ici que Corentin était un joli petit garçon de dix-neuf ans, brun à l’œil bleu, qui terminait sa première année d’allemand à la fac, et qui avait d’abord tendu l’oreille quand Papy et Mamie avait cité leur nouveau voisin, un nommé Neumann.

— S’il est allemand, il n’a pas d’accent, alors ! avait répondu Papy à la question de Corentin. Tiens c’est vrai qu’il faudrait lui demander… Moi qui étais un assidu des voyages de classe en Allemagne, dans notre ville jumelle !

— Qui était ?

— Wurtzbourg, en Bavière. J’y ai passé de bons moments, tiens !

Corentin fila dans sa chambre pour consulter Internet. À soixante-cinq ans tout juste, Papy n’avait rien de sénescent, au contraire ! Et son œil brillant venait de dire à Corentin qu’il s’y était bien amusé, à Wurtzbourg !

Où il eut une bizarre surprise : Wurtzbourg possède un gigantesque palais baroque, inscrit au Patrimoine de l’Humanité, et dont l’architecte ne fut autre que Balthasar… Neumann (1687-1753). Une des stars du baroque européen.

Mais il n’y avait sans doute aucun lien avec le beau voisin… Tiens ! Parlons-en, d’iceluy !

Grand et blond, il était particulièrement bien foutu : cela, Corentin le voyait de son poste d’espionnage, car le mec travaillait toujours en boxer. Parfois, Corentin le surprenait à s’enduire de crème solaire. Et il admirait sa superbe plastique. S’il avait entre vingt-cinq et trente ans, c’était bien le maximum. Et Corentin, qui avait laissé sa première petite copine officielle pour les vacances — mais on s’écrivait tous les jours, photos à l’appui —, alla mater son voisin. En vain : il était sans doute trop tôt. Redescendant, un peu défrisé, il se vit confier une mission : celle des courses au marché du village.

Moment plaisant, d’autant qu’il vit là un grand camion faisant office de bazar, jamais vu auparavant, et où il musa un bon moment.

Soudain, il entendit parler allemand, derrière lui ; il se retourna pour voir le voisin en conversation avec une famille de touristes, à qui il donnait des conseils.

Mais aussi, le voisin tourna soudain la tête, croisa son regard… et lui sourit, tout en continuant de pérorer dans la langue de… Balthasar Neumann.

Or il arriva que le voisin indiqua une fausse direction, pour quelque but touristique… et Corentin osa :

— S’il vous plaît… fit-il d’une toute petite voix, en allemand, comme la conversation qui s’en suivit.

— Oui ?

— Euh… Ce n’est pas la bonne route, pour aller…

Et Corentin expliqua posément, en s’efforçant de prononcer le plus parfaitement du monde, comment se rendre où le voulait cette famille, sur un site en amont du pays, et non plus bas. Le père, jovial comme tout, était ravi et insista pour inviter ces messieurs à l’apéro, au café du village. On causa gentiment ; cette famille était de Cologne, dont le voisin, nommé Friedhelm, loua la beauté de la cathédrale et des basiliques.

— Il y en a douze, je crois ? osa Corentin.

— Ouaouh ! C’est vrai, Corentin ! fit le père, épaté.

Corentin rougit sous les compliments de tous. La conversation reprit ; Corentin était à la fois à son aise dans cette société chaleureuse, où il était content de bien se débrouiller pour parler, et intimidé par la proximité du superbe Friedhelm… qui pourtant était la simplicité même.

On finit par échanger ses coordonnées… mais Corentin ne dit rien de sa proximité géographique avec le beau Friedhelm… Car il le trouvait beau, vraiment, vu de près !

On se sépara donc, après qu’on se fut promis de s’écrire au plus tôt. Et Corentin termina les commissions.

— On pourrait l’inviter à l’apéro, le nouveau voisin ? proposa le grand-père. D’abord on ne sait rien de lui : on a eu beau interroger tout le monde, personne ne sait s’il a acheté, ou s’il loue aux deux vieux gâteux qui…

— Papy ! coupa la grand-mère. Vu qu’il a un nom allemand, on va envoyer notre étudiant chéri pour l’inviter, des fois qu’y cause pas français !

Après le déjeuner, c’est un Corentin bien excité qui chopa en douce les jumelles du grand-père pour aller mater le voisin.

Où il eut une heureuse… très heureuse surprise : Friedhelm était nu dans son jardin. Et il faisait là quelques exercices d’assouplissement qui… produisirent l’effet inverse chez son jeune m ateur. Mais bon ! il fallait tenir les jumelles de marine (comme vous l’aviez deviné, Papy était de Caen… ville jumelle de Wurtzbourg), et pas moyen de se tripoter devant ce sublime spectacle !

Et puis… Oh ! Et puis… Friedhelm se mit à se palucher doucement, vautré sur un fauteuil de jardin… Oh ! Qu’il était beau ! jugea un Corentin porté à l’incandescence. Et si Friedhelm finit par se calmer, Corentin alla jusqu’au bout, lui ! Et bien, encore…

Sa chambre disposant d’un petit lavabo, il s’y rafraîchit la quéquette avant de retourner mater. Friedhelm installait sa table à dessin, nu toujours. Avec les jumelles de Papy, Corentin put voir ce qui s’y passait. Et à sa surprise, Friedhelm dessinait de l’architecture… baroque.

Vers quatre heures, il fut hélé du bas. Où on le pria d’aller prier, justement, le voisin pour l’apéro du soir.

Ou il se rendit… quasi tremblant.

— Ho ! fit Friedhelm, vêtu d’une djellaba turquoise, mais qu’est-ce que tu fais là ?

Ceci en un français parfait.

— Je… Je viens vous inviter… fit un Corentin tout rouge, pour… pour… l’apéro, ce soir.

— Hein ? Mais… Entre !

Sur le vaste mais antique sofa du salon, Friedhelm reprit, tout sourire :

— Dis-moi tout ! Et d’abord : comment tu m’as retrouvé ? T’as que mon adresse mail, non ?

— Ce sont mes grands-parents qui t’invitent… et qui sont tes voisins.

— Ah ! Ah ! Ah ! éclata Friedhelm d’un superbe rire clair et assez communicatif pour qu’il détendît Corentin. Mais pourquoi tu m’as rien dit, ce matin ?

— Je savais pas que c’était vous, le voisin.

— Ah ! Ah ! Ah ! T’es trop, toi ! Oh, Corentin ! Vraiment tu me fais plaisir ! Je suis si content de te revoir… Je dois te féliciter pour ton accent, et ton allemand en général… et pour ta culture : comment que tu leur en as mis plein la vue, au Colonais !

Corentin dut sourire, et Friedhelm poursuivit :

— C’est un drôle de hasard : j’ai justement deux bouteilles de kölsch, t’en voudrais ?

— Euh… C’est quoi ?

— La bière de Cologne, délicieuse !

Et Corentin de trinquer dans un verre prévu pour ça : à Cologne, ils sont fins, cylindriques… et petits. Mais la bière de Cologne passe vite, tant elle est agréable, et un peu parti, Corentin répondit :

— Oui, Balthasar ! à Friedhelm qui lui proposait une autre bière.

— Hep ! Je m’appelle Friedhelm, moi !

— Oh ! Pardon, c’est… l’architecte, et…

— Corentin ! C’est… étonnant, ce que tu me dis là ! Je suis un lointain descendant de Balthasar et…

Alors Friedhelm se saisit de Corentin avec une douce vivacité, et le ceignit de ses bras musclés… et Corentin, infiniment troublé par cette étreinte se demanda si… Oh, si !... Si sa personnalité… profonde… sa personnalité était… commuable en…

Car il était doux, ce mec, doux ! Il se laissa caresser doucement un joli temps avant que Friedhelm le relâchât ; rendez-vous était pris pour sept heures.

Il n’en revenait pas, Corentin, qui s’était jeté sur son lit, la bite encore raide de son étreinte avec le bel Allemand — Friedhelm vivait à Francfort. Et il se tripota avec frénésie, pour parvenir à de jolis sommets en bien peu de temps !

L’apéro fut des plus distingués, et Papy rassembla tout l’allemand qui lui revenait pour épater le voisin… Mais Mamie n’était pas en reste, qui avait aussi ses notions, et la conversation fut des plus enjouées.

Au terme de laquelle Friedhelm demanda :

— M’autorisez-vous, Madame, à vous enlever Corentin, ce soir ? Il me reste un peu de charcuterie allemande… mais pas assez pour faire un banquet ! Alors…

— C’est Corentin qui décide ! fit Mamie, en joie.

Une demi-heure plus tard, Corentin suivait le blond Allemand, qui lui déballa sa charcuterie… au sens premier du terme ! Et qui dit aussi :

— Chez nous en Allemagne, on ne fait pas de manières avec la nudité… Est-ce que je peux du moins me mettre en boxer, là ?

— Mais oui… Tout ce que tu veux…

— Toi ?

— Tout… ce que tu veux, susurra Corentin, rougissant.

— À poil tout le monde, alors… ça te choque pas ?

— Non… mentit Corentin, plus rouge que jamais.

Friedhelm vira tout et Corentin vit de près le joli et long serpent rose du garçon. Mais il eut du mal à se déloquer, ému qu’il était, et Friedhelm proposa, mettant la main à la l’ouvrage :

— Je t’aide, tiens !

Corentin se retrouva nu, et quasi tétanisé.

— T’es joli, toi ! Tu dois plaire, en ville ! Au fait ! Faut que tu me parles de tes amours, si t’en as !

Mais… à sa pire honte, Corentin se sentit commencer à bander. Friedhelm fit celui qui ne voyait rien, et parla d’autre chose : la charcuterie allemande, qu’il sortit du frigo. Ainsi que d’autres bières que celles de Cologne.

Il organisa un petit pique-nique en son salon, et Corentin, qui était au mieux de sa forme, vit que l’Allemand aussi commençait à croître bellement… À son étonnement, ce blond-là avait le poil noir, et fourni. Comme lui, d’ailleurs. Et ce furent deux mecs hautement érigés qui trinquèrent comme si de rien n’était, posés cuisse contre cuisse sur le canapé.

— Content de t’avoir rencontré, Corentin ! Heureux de te savoir germanophile… et phone, et… heureux de te voir aussi beau, termina Friedhelm en baissant les yeux sur la roide splendeur de Corentin… qui était joliment pourvu.

— Merci, mais… Oh, je sais pas quoi te dire, moi…

— Trinquons… et souris ! Et continue de bander, surtout ! T’es adorable, comme ça !

On trinqua et picora en souriant, lors. Mais évidemment… un silence un peu gêné s’instaura, que Friedhelm brisa enfin :

— Ta queue est magnifique, mais… t’es gay, toi ?

— Non !... Enfin… si, si, je crois !

— Tu me dis, quand tu sauras ?

— Si, si, je sais ! s’écria Corentin, éperdu.

On posa les chopes et Friedhelm vint prendre Corentin en ses bras, le plus doucement du monde, qui demanda à mi-voix, tout près de la bouche de Corentin :

— Tu veux ?

Corentin ferma les yeux, et pour la première fois sentit sur ses lèvres celles d’un garçon. Qu’elles furent douces, ces lèvres-là ! Comme aussi la langue qui rencontra la sienne… Alors on laissa le buffet pour se découvrir le plus délicatement de la terre, oh oui !

Sur le grand lit de Friedhelm, Corentin s’abandonna aux caresses infiniment douces de Friedhelm. Qui sembla vouloir en découvrir chaque millimètre carré, comme s’il eût été le premier explorateur à aborder au Canada ! Mais il y alla de la langue, lui, au bonheur inespéré d’un Corentin qui gémissait comme jamais…

On fit l’amour avec impétuosité, comme avec tendresse, et… et Corentin connut le plaisir bien inattendu de pénétrer de le bel Allemand, où il se déchaîna si fort !

Les choses en restèrent là… jusqu’au lendemain : dès lors, Corentin alla passer ses après-midi chez Friedhelm, qui dînait chez les grands-parents un soir sur deux…

On connut là une sorte de fusion, qui porta le jeune Corentin à des sommets inconnus de ses fantasmes…

Où Corentin sut que Friedhelm n’était pas architecte, mais dessinateur, et qu’il adorait faire et refaire les œuvres de son grand ancêtre…

Alors, Corentin lui donna des idées, et se mit lui-même au dessin… à l’admiration de ses grands-parents, qui l’encouragèrent vivement.

Vers le milieu d’août, Friedhelm demanda :

— Est-ce que… puisque tu sais et apprends l’allemand… tu viendrais vivre avec moi à Francfort ?

— Mais… Friedhelm… je ne suis… pas…

— Qu’est-ce que tu m’entonnes, là ? Tu ne m’aimes déjà plus ?

— Oh, oh ! Je ne veux pas te décevoir, surtout !

— C’est en m’abandonnant que tu me décevras, oui !

— Nooon !

Corentin tomba en pleurs en les bras d’un Friedhelm qui murmura, tout en lui caressant doucement le dos :

— Tu as commencé à me rendre heureux… et je voudrais te le rendre, ce bonheur… incroyable.

Il restait à convaincre les parents de Corentin… et autant vous dire que Papy et Mamie y allèrent de leur couplet !

Là, Corentin vient de s’installer à Francfort, et… il est sur un nuage qui dépasse hautement ceux de la pollution !

16. IX. 2020

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