La vieille Noémie

2 minutes de lecture

Agenouillé, au chevet du lit,

Un prêtre marmonne les derniers sacrements.

La vieille soupire, la vieille exhale, la vieille se meurt d’avoir trop vécu.

Il faut dire que cent vingt ans est tout de même un bel âge.

La tribu rassemblée autour de la mourante se morfond, s’épanche et parfois se lamente en feignant une larme, Il était temps…

Derrière la porte, un chat miaule, un chat gratte et tambourine ;

Le prêtre s’incline, recueille d’une oreille charitable ses dernières volontés, son dernier soupir puis se signe et fait signe.

La vieille expire, la vieille se vide de son existence et de sa substance.

Une femme, indisposée par l’odeur, grimace et porte un mouchoir à son visage.

Quelqu’un ouvre une fenêtre, le brouhaha de la ville vient heurter le silence.

Dans cette chambre crasseuse, au 141, rue du Nord, les conversations reprennent sitôt les larmes effacées ;

La famille, soulagée, débarrassée et embarrassée de tout ce qui est et de tout ce qui fut, respire.

Dans la pénombre, les souliers vernis du fils brillent et craquent sur le plancher maculé, usé par les allées et venues des pantoufles à carreaux ;

Il se dandine, se trémousse, les mains dans les poches, impatient, il consulte sa montre et regarde autour de lui.

Dehors la neige, poussée par le vent du Nord, vient se coller à la fenêtre, en signe d’un dernier adieu.

Seul le chat miaule, miaule qu’il s’en fout, miaule qu’ils feraient mieux de lui ouvrir la porte.

Le prêtre se redresse puis, de son goupillon factice, arrose copieusement ce beau monde et accueille avec déférence son petit cachet ;

Le fils ouvre la porte au prêtre, le chat se faufile entre les jambes et trotte vers son écuelle.

La famille, satisfaite, se retire, tête haute, lentement vers le buffet, tout en bavassant.

On lorgne les tableaux, on évalue les meubles anciens, on estime, on suppute, on compte...

Puis le cliquetis des fourchettes et des verres vient combler les silences ;

Le fils jette un dernier regard sur ce que fut sa mère, donne un coup de pied au chat et referme la porte, laissant derrière lui, une chambre vide, vide de toute âme, mais emplie de souvenirs ;

Souvenirs d’une vie passée, souvenirs d’une vie trépassée.

Or le temps efface les souvenirs, comme des pas sur le sable mouillé...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire cassiar ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0