Aux confins d'avant

2 minutes de lecture

Je ne sais pas qui j'étais, je ne saurai jamais.

Dans un sens je le voudrais, mais il se pourrait que quelque part, dans un placard du passé, se trouve par hasard un ticket vers l'enfer, que j'ai gardé par mégarde, enfermé dans mes bagages, au lieu de tourner la page, c'est le message contractuel de celui qui décide, accepté par défaut, découvert en aléatoire, signé sans conscience, l'inéluctable chemin de mes choix.

Alors pourquoi se souvenir, Makhine ? Dis-moi ce qu'il me reste maintenant que tout va mourir.

- Tu connais la réponse. Sors un peu de ta nostalgie infinie.

Je me souviens pour exister. Pour vivre dans un temps qui m'est prisonnier, et dont les barreaux m'enserrent de l'intérieur, sans pour autant m'ôter ce qui me tient palpitant et chaleureux.

- Je devrais te souhaiter un joyeux bicentenaire, mais je vois que tu n'es pas d'humeur.

Non, je ne suis pas d'humeur.

Le compteur temporel clignote sur deux cents ans de voyage. Les écrans derrière moi affichent la voie lactée, tellement loin et tellement proche à la fois. Je ne suis qu'au début du commencement d'une histoire sans fin. Et je ne suis pas d'humeur.

Je scrute au loin la galaxie rose, minuscule point agrandi au zoom le plus puissant de Makhine. Et je pleure.

Je m'écrase sous le poids d'une éternité à venir, qui s'annonce beaucoup plus longue qu'il fut permis d'envisager. Moins de zéro virgule zéro sept pourcents de la distance parcourue, et l'atomique a lâché. Ce qui veut dire que la distorsion de l'espace-temps ne fonctionne plus.

Je me traîne donc à dix mille vitesses lumière, remontant ainsi le temps vers Grayaïde, l'objectif de ma mission, que je risque fortement d'atteindre dans un état de folie purement et simplement délirant.

Deux cents ans de voyage. Je sais pertinemment que j'ai encore la fébrilité du départ, et si peu d'expérience d'éternité...

Alors je me rappelle.

Je me rappelle moi au milieu de ceux qui mourront avant moi.

Un bateau nommé Flow, sur lequel je l'emmène quelque part. Elle. Qui fut ma sérénité. Ma plénitude, née de notre rencontre, restera toujours, et c'est je crois ce qui m'aidera à tenir ce futur potentiel tellement incontournable.

Un coup de loto, gagnez le droit à l'égalité. Où comment j'ai été choisi pour aller à mon agonie avec détours conséquents. Il aura juste fallu que je me retrouve seul pour être hors de danger.

Si jamais le danger ne venait pas de moi.

Ce que nous allons voir.

Une vie abandonnée pour disparaître.

L'Amortalité me raya de la carte du monde, c'est le revers de la médaille. Pile ou face, je ne sais pas, il faut que je tranche.

En tout cas je crois que Makhine a raison. Je connais la réponse.

J'ai choisi un vaisseau solitaire, c'est ma décision. Comme certains ont tenu à recréer une société d'exploration pour les autres envois vers l'extraterrestre, je leur ai préféré une mission à mon compte.

Comment vais-je assumer l'infini ? Lui seul le sait, et pour l'instant je ne veux pas savoir.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Chlon ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0