Je m'appelle Chen Wong, j'ai cinquante-et-un ans. Comme mon nom l'indique, j'ai des origines chinoises avec toute la panoplie qui s'en suit : yeux bridés, petite taille et pas beaucoup de considération de la part de mes concitoyens. Mes cheveux sont d'un noir profond et mes yeux aussi marrons qu'une fosse septique.

Je sais même plus à quelle date je suis né, je crois pas l'avoir su un jour d'ailleurs, parce qu'on m'a jamais fêté mon anniversaire, c'est pas notre culture. Je crois que je suis né un lundi.

J'ai aucun pouvoir en dehors de celui de descendre une bouteille de rhum en moins d'une heure et celui de me foutre dans les pires situations. J'en veux pour preuve mon enquête dans une maison de retraite qui a fini en carnage. Remarquez, de cette histoire farfelue en est sortie une relation incroyable avec la belle Trudy. J'avais flashé sur elle et nos aventures nous ont collé dans les bras l'un de l'autre. Depuis, je vis en couple avec elle, mon infirmière de choc, croisement entre Mère Teresa et une guerrière picte. C'est l'amour de ma vie, un cul d'enfer et un cerveau qui carbure à cent à l'heure.

Le vert est ma couleur préférée, vert comme les billets de cinq-mille pesos colombiens et vert, comme les feuilles de marijuana que je fume en cachette.

Depuis quelques temps, j'habite dans la pampa en Colombie, un coin reculé, une sorte de communauté hippie. C'est particulier, un commerce de fromage de chèvre et d'herbe. Loin de la ville et de la fureur des touristes. L'endroit est pittoresque. Je le considère comme mon petit paradis.

Mon meilleur pote c'est Henry, un vieux jobard qu'on appelle Riton. Il est un peu con, mais terriblement attachant. C'est le genre à te mettre dans la mouise jusqu'au cou, par contre, jamais il te laisser tomber. Il a toujours une théorie à la noix à te sortir, du complotisme d'ampleur. Pour contrebalancer ça, c'est un sacré bon vivant.

Ma famille ? Il y a bien mes parents. C'est le genre hyper travailleurs. Ils ont toujours voulu que je sois mon propre patron. Quand j'étais flic, ça les aurait défrisés s'ils avaient pas eu les cheveux raides. Ils m'ont jamais vraiment soutenu. Non, ma vraie famille, c'est ma bande de potes : Riton, Bob, Lulu, Simone, Victor, Mireille et Rémy. Avec cette équipe de tarés, je m'ennuie jamais, il y en a toujours un pour me surprendre.

Parlons de mes ennemis, parce que oui, j'en ai. Déjà, il y a Pompon, un forain que j'ai bien entubé. Je crois que s'il me retrouve, je vais finir coupé en dés dans l'auge d'un porc. On lui a vraiment joué un sale tour avec Riton. Il l'a bien cherché aussi. Interpol, eux, ils me recherchent activement. Homicide et évasion. Je les évite. Je vous avoue que je préfère la compagnie des chèvres et des mamas colombiennes à celle de mes éventuels colocataires de cellule. En plus, à ce qui paraît, j'ai pris perpète.

Voilà, c'est ma vie, en gros. Enfin, me prenez pas trop pour une buse non plus, en réalité, j'assure pas mal. Si par hasard, vous passez en Colombie, venez nous faire un petit coucou, on sera heureux de vous recevoir avec Trudy. Bon, il y a de fortes chances pour que Lulu vous accueille à coups de fusil, mais si vous lui balancez deux ou trois merdes de propagande marxiste, il vous servira sa meilleure gnôle, celle qu'il distille avec ses patates…