74. Domination (partie 1)
Fin d’après-midi, le tissu soyeux de la veste fermée sur mon buste nu, nous arrivions devant la lourde porte de l’immeuble d’Arcan. C’était à la fois agréable de me sentir plus proche de lui, et angoissant de ne pas être capable d’anticiper sa réaction. Le miroir de l’étroite cabine d’ascenseur renvoya mon reflet. J’avais l’impression de voir une autre personne. J’avais le ventre noué.
Cinquième étage, Geisha ouvrit la marche et frappa à la porte. Mon ventre se serra, mon cœur accéléra davantage, et la porte s’ouvrit sur lui, jeans et t-shirt près du corps. Un sourire léger fendit son visage et ses yeux passèrent sur moi sans afficher ni surprise ni déception.
— Pourquoi tu frappes ? Vous êtes chez vous.
Nous entrâmes, il referma la porte et passa sa main sur mon épaule.
— Quel look inattendu, mais inspirant.
Geisha échangea un regard complice de victoire, et moi je chassai sa politesse sèchement :
— Il faut qu’on parle.
— C’est certain. Un café ?
— D’accord.
— Geisha ?
— Pourquoi pas.
Il s’éloigna, me laissant l’impression en ayant accepté qu’il venait de marquer le premier point. Geisha déboutonna ma veste afin qu’elle s’ouvrît sur mon nombril, puis elle s’assit sur le canapé comme si elle était chez elle depuis des années. Je l’y suivis, croisai une jambe et nous attendîmes qu’il revînt vers nous. Je ne savais même pas comment lancer le jeu destiné à le frustrer. Lui, il serait parvenu à amener à la situation en douceur, aurait saisi une occasion, un lapsus. Moi, j’avançais dans le néant.
Il alla se chercher une tasse et s’assit. Je n’avais qu’une envie, sauter sur ses genoux et l’embrasser sauvagement. Comme nous restions silencieuses, il croisa une jambe à son tour, confortable et apaisé.
— Le dialogue fait la force des couples, alors je trouve bien que nous en discutions sans attendre. Tout d’abord, je te présente mes excuses pour ce que tu as entendu. J’ignorais que tu étais là et mon choix de mots avaient pour unique but d’agacer ta mère.
— T’as quand même payé Anh.
— Un petit coup de pouce du destin. Qu’est-ce qui est important, la fin ou les moyens ?
— Pourquoi tu ne me l’as pas dit ?
— Pour ne pas que tu le prennes mal. Tu l’aurais forcément su un jour, mais quand notre histoire aurait été solide.
— À quel moment t’aurais su qu’elle est solide ?
— Nous sommes là pour le découvrir si elle l’est déjà.
Il était doué pour dialoguer. Je trempai les lèvres pour me donner le temps de réfléchir à une réplique, et lui dis :
— Je ne sais même pas quand tu as menti.
— Je n’ai jamais menti sinon par omission.
— Tellement facile.
— Moins qu’il n’y paraît.
— Et le clochard, c’était prévu ?
— Le clochard ? … Ah ! Non. Pas du tout.
— Et ton ex qui est venue déchirer les costumes ? Tu lui as envoyé le message pour qu’elle vienne ?
— J’ai tourné le SMS pour l’inciter à faire une crasse.
— Mais c’est toi qui as eu l’idée. Tout ça pour me faire croire que ma mère voulait se venger ?
— C’était sans aucune mauvaise intention à ton égard.
Je le croyais, mais ça restait coincé en travers de mon cœur. Abasourdie, la gorge nouée résistant à la montée de colère, j’articulai nerveusement.
— Je comprends qu’on puisse détester ma mère. Elle a été menaçante. Mais ça reste ma mère.
— Je n’ai jamais dit que c’était elle.
— Mais t’as laissé tout le monde le croire ! m’exclamai-je.
Mon éclat de colère ne le fit même pas ciller. Il écarta les mains, comme pour dire qu’il était désolé, mais ça ne se lisait pas sur son visage. Qu’il ait pu fomenter une telle idée me mettait hors de moi. La rage m’échappa et j’aboyai :
— Mais comment on peut faire ça ? ! Comment on peut se dire, tiens j’envoie un SMS, ça va provoquer ça, du coup les gens vont penser ça ? !
— C’est assez prédictible.
— Mais t’as pensé à moi ? ! À nous ? ! Je te fais confiance ! Une confiance aveugle depuis le début ! Tu me présentes à tes parents ! À ta sœur ! À tes amis ! Et par derrière, tu fais ça !
— Je suis navré, dit-il calmement. Sincèrement désolé. Que veux-tu que je te dise de plus ? Je suis allé trop loin, je ne voulais pas te blesser dans ma rivalité avec ta mère. J’ai anticipé les représailles de ta mère pour lui couper l’herbe sous le pied. Je n’aurais pas dû te mettre dans la confidence, j’aurais simplement du ne pas le faire. Je tiens à toi, alors s’il y a un moyen de me racheter, dis-le moi.
Cela sous entendait que la conversation s’arrêtait là pour lui, je l’entendais dans sa voix. Soit je partais et notre histoire prenait fin, soit je lui pardonnais en échange de quelque chose. Geisha passa sa main sur ma cuisse nue pour m’apaiser. Mes narines échappèrent un soupir las. Je tranchai :
— Je n’ai pas envie que cette soirée détruise notre histoire. Mais je suis blessée.
— Je comprends.
Arcan décroisa les jambes, annonçant la fin de la conversation. Je poursuivis :
— Je voudrais que tu fasses deux choses.
— Je t’écoute.
— Ce soir, nous sommes invités à manger chez mon oncle et ma tante. Enfin mon père et ma tante. — Il échangea un regard entendu avec Geisha. — Je voudrais que ça soit parfait, et, ça va me donner l’occasion de me venger de ce qu’a fait maman. Je ne veux pas qu’elle se réjouisse trop longtemps de notre séparation.
Il sourit, plutôt satisfait.
— Et la seconde ?
— Que tu ailles t’excuser auprès d’elle.
Une hésitation se lut sur son regard, un sourire amusé indiqua qu’il avait pris ça pour de l’humour durant une demi seconde. Son visage prit un air sérieux et il opina du menton comme si je lui avais demandé d’aller tuer quelqu’un.
— D’accord.
— Tu lui as pris son tic de langage, rit Geisha.
Il sourit en se levant, et nous l’imitâmes. Il s’approcha d’un pas souple de félin, ses doigts glissèrent sur mes hanches nues et sa bouche m’embrassa délicatement. Voulant marquer un peu d’autorité, je me reculai.
— Je ne t’ai pas encore pardonnée. Si je suis satisfaite de la soirée de ce soir, tu pourras m’embrasser. Et faire ce que tu veux de ce qui va avec.
J’écartais les pans de la veste, le temps de lui montrer ma poitrine. Geisha rit et se glissa dans mon dos.
— Mais moi, je ne suis pas punie ?
— Non.
Ses mains remontèrent mes flancs et pétrirent mes seins. Elle jeta un regard provoquant par-dessus mon épaule à l’attention d’Arcan. Il dit tout simplement :
— Je suis quelqu’un de patient et qui sait admettre ses erreurs, Anh.
Il ramassa les tasses vides. Geisha posa son menton sur mon épaule, une main glissa sur mon ventre.
— Je sens tes frissons qui m’invitent dans ta culotte.
— Après la soirée.
— Tu me mettras la laisse ?
— Si t’es sage.
Elle mordilla ma nuque.
— Ça te va bien, la queue de cheval.
— Merci.
— Ça fait sévère, commenta Arcan depuis l’évier. Et ça n’est pas ton caractère.
— Tu n’aimes pas ? demanda Geisha.
— Ce n’est pas comme ça que je la préfère. D’ordinaire, j’aime les filles soignées. Pourtant Laëtitia a quelque chose d’envoûtant, quand elle est décoiffée, habillée décontracté. Quand on a un physique sculpté dans des standards de magasine, la plupart des gens a tendance à en jouer. Et cette déconnexion me plaît.
Je levai des sourcils surpris. Il essuya ses mains puis revint vers nous, Geisha s’amusa à maintenir ma veste ouverte, mais il ne regarda pas une fois mes seins. Ses yeux plongèrent dans les miens et il déclara :
— Je suis soulagé que tu sois revenue.
— Moi aussi.
— A quelle heure partons-nous ?
— On part dans un quart d’heure.
— Quoi ? demanda-t-il à Geisha.
— Rien, je suis contente, c’est tout.
Il se pencha et l’embrassa sur la bouche en caressant son visage.
— Merci de m’avoir défendu.
— Je suis une bonne avocate, n’est-ce pas ?
— Je devrais te rémunérer pour ça, mais ça engendrerait de la suspicion.
— En nature, ça m’ira très bien. Je te fais un crédit avec un remboursement en plusieurs fois sur vingt-cinq ans.
— Vraiment ? Je ne sais pas si j’aurais la force jusqu’au bout. Surtout que ça me fait deux emprunts avec ce que je dois à Laëtitia.
— On espacera les paiements après soixante ans. Et pas de remboursement anticipé.
Ils reprirent leur baiser au-dessus de mon épaule, envahissant mon oreille de leur bruit humide. Frustrée, devinant pertinemment qu’il en jouait avec moi, je ne résistai pourtant pas. J’embrassai son cou et envoyai mes mains sur son t-shirt moulant. Je m’enivrai de son parfum et les doigts de Geisha quittèrent mes seins pour remonter sur mes omoplates. Au moment où il essaya de m’embrasser, je détournai le menton luttant contre mes propres envies. Je regardai ses yeux blessés et je reculai d’un pas en maintenant les mains de Geisha sur mes hanches. Je venais de lui ôter le contrôle. Il était temps d’imposer notre jeu. La gorge sèche, le visage brûlant, je luttai pour articuler froidement :
— On va aller chez ma tante. Et ensuite, on passera le reste de la nuit tous les trois. On va faire un jeu de rôle. Anh va devenir Muse, tu vas devenir Geisha, et moi je vais devenir toi.
Il inclina la tête pour indiquer qu’il avait toute mon attention. Ses yeux se plissèrent légèrement, indiquant son attrait pour le jeu. Agacée de perdre la main, je me penchai sur le sac, empoignai la cravache et désignai sa braguette.
— Baisse ton pantalon.
Il sourit et défit sa ceinture :
— Je comprends mieux la tenue. Tu es pleine de surprise.
— Moi aussi, je suis joueuse.
Sur un regard complice auquel je souris malgré-moi, il ouvrit son jeans. Je posai la pointe de la cravache sur l’épaule de Geisha et lui ordonnai :
— Prépare-le.
Geisha opina du menton, puis ouvrit la boîte contenant l’anneau pénien. Arcan resta droit et attentif, un sourire insolent au coin des lèvres. Geisha me le cacha, le temps de placer l’anneau, alors je tournai autour d’eux. Le sexe d’Arcan se dressa de moitié, et quand Geisha se recula, je passai la cravache sur la hampe dont les veines se gonflaient. Il n’était pas assez bandé à mon goût, alors, j’ordonnai à Geisha.
— À genou.
Dans un sourire amusé, elle m’obéit. Je saisis délicatement le sexe d’Arcan et le présentai à sa bouche. Je changeai la cravache de main, empoignai sa chevelure pour avancer son visage. Elle goba le gland, alors je souris :
— C’est de bonne guerre, non ?
Après quelques centimètres, elle résista et repartit en arrière. Je me moquai :
— T’as encore de la marge.
— J’ai une petite bouche.
— Je veux que ton nez touche sa peau.
— J’ai un plus petit nez que toi.
— Faut essayer.
Arcan, excité par le jeu se durcit, se courba, tandis que Geisha s’avançait docilement. Elle recula en toussant. Je me sentie navrée de l’avoir forcée, et j’eus envie d’arrêter tout de suite. Je me moquai simplement :
— Petite joueuse. Debout.
Elle se releva et je l’embrassai à pleine bouche. Je voulais qu’une chose : exciter Arcan. J’ignorais malheureusement quoi faire dans le laps de temps qui nous restait. Geisha ouvrit ma veste, promena des baisers sur ma poitrine. Du bout des doigts, je caressai les veines d’Arcan, réveillait le pourtour du gland et palpai ses bourses rondes d’excitation. Quelques soubresauts de plaisir et une perle de liquide séminal au creux du méat m’indiquèrent l’effet escompté. L’heure défilait, et comme il semblait ne pas débander, je lui dis :
— Je te pardonne à moitié. Nous allons dîner chez ma tante. Si tu es sage, peut-être que je t’aiderai à évacuer la tension. En attendant, tu gardes l’anneau.
Sa mâchoire se serra alors que je m’éloignai. Je laissai une petite tape sur son gland en souriant de victoire. Les conseils de la vendeuse avaient été judicieux. Il était excessivement frustré. Je boutonnai ma veste, il referma son pantalon sans un mot. Nous quittâmes l’appartement et entrâmes dans l’ascenseur. Je plaquai ma paume sur la déformation de sa braguette et le massai le temps de la descente. Il m’observa avec un regard à la fois interrogateur et menaçant. Lorsque la porte s’ouvrit, je confiai :
— J’aime bien inverser les rôles.
— Ça a de bons côtés.
Je passai mes bras autour de son cou, me plongeai dans ses yeux pétillants de complicité. C’était pardonné, il ne pouvait pas en être autrement. Je l’aimais trop. Je l’embrassai furtivement et lui proposai :
— Tu nous suis ?
Il opina du menton. Geisha et moi nous attrapâmes par la main et nous gagnâmes sa smart. Aussitôt enfermées, elle me dit :
— T’es pas mal, dans ton rôle.
— Merci.
— Ah ! Il est derrière !
Elle s’engouffra dans la circulation. Arrivée au premier feu rouge.
— Tu vas faire quoi pour la suite ?
— Je n’en sais rien. J’ai une idée, mais c’est plus pour toi. Pour lui… Je n’ai pas tant envie de ça de jouer à la dominatrice. Je n’ai pas toutes ses idées. Réellement, j’ai envie qu’il me bande les yeux et qu’il me prenne sauvagement. Si je suis en train de réfléchir tout le temps à la suite, je ne suis pas dans le trip. J’ai envie de poser mon cerveau et de prendre mon pied.
— Ben baise avec lui. Moi je peux tenir compagnie à ta tante et ta cousine.
— Non. Il attendra. Quand-même !
Elle éclata de rire.
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