Abandon
Il faisait noir. Le tic-tac du réveil était le seul bruit qui déchirait le silence. Allongée sur son lit, elle suffoquait. Son cœur battait trop rapidement. Elle tremblait de tout son corps. Elle ne pouvait pas crier, ses mots restaient bloqués dans sa gorge nouée. Son souffle était saccadé, irrégulier. Sa crise durait depuis une dizaine de minutes, sans aucune amélioration. Elle connaissait, elle savait ce qui pourrait stopper sa crise, mais elle ne voulait pas. Elle ne pouvait pas replonger dans ce cercle infernal. Cependant, sa crise durait depuis trop longtemps, trop longtemps pour qu’elle puisse envisager une autre solution. Elle se leva, elle avait toujours du mal à respirer, mais elle avait abandonné son combat intérieur. Elle allait se livrer au mal, puisque c’était ainsi que sa crise se calmerait. Elle marcha, lentement, vers son bureau où se cachait l’arme du crime. Elle ouvrit le tiroir, sortit le rasoir et retourna, toujours aussi lentement, s’asseoir sur son lit. Elle serrait tant son arme dans sa main droite que les jointures de ses phalanges étaient devenues blanches. Elle approcha, en tremblotant, les lames de son bras gauche. Elle inspira profondément, et posa délicatement le rasoir sur sa peau marquée de cicatrices. Elle appuya et chaque lame rentra dans sa chair. Elle se mordit la lèvre, et fit glisser ces lames vers la droite, traçant deux lignes rougeâtres sur son avant-bras. Instantanément, elle put respirer de nouveau. Elle cessa de trembler, et sa gorge se libéra. La crise était terminée. Mais les lames tracèrent une seconde fois leur chemin sur la peau rougie. Le sang perla au coin des entailles. Elle lâcha le rasoir qui tomba à terre dans un bruit de métal. Elle ferma les yeux. La douleur lancinait son avant-bras gauche.
Des larmes firent leur apparition sous ses paupières. Elle se haïssait. Oui, c’était le mot. Au lieu d’aller parler à ses parents de sa crise, elle avait préféré s’entailler le bras. Quel genre de personne était-elle pour s’adonner à ce genre de pratique ? Elle préférait ne pas y penser. Elle se laissa tomber allongée sur son lit. Le sang coula, traçant une lignée rouge et tachant les draps. Elle s’en voulait, terriblement. Elle voulait que tout s’arrête, que ses crises n’existent plus, que ce maudit rasoir ne soit plus qu’un ustensile pour retirer les poils, qu’elle n’ait plus jamais envie de se faire du mal. Elle espérait se réveiller un jour, sans toute cette douleur avec laquelle elle était obligée de vivre. Elle savait qu’il y avait un moyen, mais il était mortel et sans retour. Elle avait déjà tenté, essayé, deux fois. Mais elle était trop lâche pour poursuivre cette lourde besogne. Elle en était juste incapable. Elle était faible. Juste extrêmement faible
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