Camaël Chapitre 4
- Si Mademoiselle veut bien se donner la peine, dis-je en ouvrant la portière de la Coccinelle.
- Vous êtes bien aimable.
Je courrais pour prendre place de l'autre côté du véhicule.
- Où voulez-vous aller, très chère Terry.
- Et bien mon bon Camaël, je vous laisse le soin de me surprendre. J'ai toute confiance en vous.
- Seriez-vous prête à partir loin ?
- Et bien, oui tout à fait, mais peut-être me faudrait-il une tenue un peu plus confortable.
- Vous avez de la chance, j'ai fait du shopping cette après-midi et j'ai justement un jean et un tee-shirt que j'ai laissé dans le coffre. Il y a même une ceinture, car j'imagine que mes affaires vont être un peu trop grandes.
- Quel heureux hasard...
Avec moi pas de hasard, juste une histoire que je venais d'inventer, pour justifier l'apparition d'affaires de rechange dans le coffre.
- Et pour le reste, nous devrions trouver tout ce qu'il faut dans une station-service, ajoutai-je.
- C'est exactement ce qu'il me faut. Un peu de douces folies, beaucoup d'insouciance et un charmant jeune homme pour partager tout ça.
- Et bien, c'est pareil pour moi. Je me sens... Humain, pensai-je.
- Tu te sens quoi ?
- Heureux... Oui, c'est ça... Heureux.
- Toi aussi, ça faisait longtemps ? demanda-t-elle.
- D'habitude, c'est plutôt neutre. Ni joie ni peine.
- C'est triste, dit-elle interloquée.
- C'est comme ça, dans mon métier.
- Dans ton métier ? me fit-elle remarquer.
- Enfin, je voulais dire dans ma vie personnelle et professionnelle. Si tu veux, j'ai une petite couverture sur la banquette arrière. Tu pourrais dormir, pendant que je conduis. La route te semblera moins longue, dis-je pour changer de sujet.
Terry prit le petit plaid, qu'elle remonta sur ses épaules et discuta un peu avec moi de tout et de rien. La nuit était magnifique et pleine d'étoiles, l'air sentait l'été et les blés fraîchement coupés. Le silence prit doucement place dans la voiture. Les yeux de Terry commençaient à être lourd. Je mis un peu de musique, des airs qui, je le savais, accompagneraient en douceur les rêves de Terry. Elle me regarda, me sourit et ferma les yeux.
Après cinq heures de route, je m'arrêtais dans une station-service. Terry alla faire quelques achats de première nécessité pendant que je commandais deux cafés et des croissants.
- J'ai vraiment de la chance, il y a tout ce qu'il faut ici. J'ai trouvé de quoi me laver et même un tee-shirt de rechange qui pourra faire office de chemise de nuit.
- Et moi, j'étais en train de chercher deux chambres d'hôtel.
- Ah, dit-elle presque déçue.
- Qui a-t-il ?
- Et bien nous aurions pu prendre une seule chambre, avec deux lits. Je n'ai pas envie d'être seule.
- Ça ne me pose pas de soucis.
La chambre était réservée et serait disponible dès onze heures. Normalement, nous devrions arriver de bonne heure au bord d'un lac de montagne. Je savais que c'était exactement ce qui lui fallait, le coin était magnifique et la météo annonçait soleil pour tout le week-end. Je savais qu'officiellement, je n'avais pas le droit de la réparer, mais j'avais tellement envie de lui faire plaisir, pour la voir sourire, encore.
Le ronron du moteur avait fait une nouvelle fois son œuvre. Terry, c'était endormie. Elle était marrante à regarder, avec sa bouche entrouverte et la tête penchée en arrière. Mais de la voir aussi détendue me faisait un bien fou. La couverture tomba sur ses genoux et laissa apparaître sa robe. Sous le tissu fin transparaissait l'aréole de sa poitrine. En tant qu'ange, je n'éprouvais pas de désir. Pas d'excitation à la vue de sa respiration qui faisait gonfler sa poitrine. Pas d'émois en regardant sa bouche entrouverte. Pas d'émotion quand de petits gémissements sortaient de sa bouche. Tout ceci m'était interdit.
Pour qu'elle n'ait pas froid, je remontais la couverture sur ses épaules. Ma main effleura sa poitrine et un frisson étrange me traversa le corps.
Interdit
Les phares des voitures, éclairaient ses lèvres délicates. De petits spasmes faisaient bouger son visage. Un sourcil qui frémit, une commissure des lèvres qui sourit, des narines qui s'écartent.
Cette envie irrépressible de la toucher, pour la réconforter. Pour me réconforter.
Et soudain cette question. Étais-je là pour son bonheur, ou le mien ?
Une voiture que je n'avais pas vue me doubla et me fit faire un écart. Mon cœur se mit à battre. Ses émotions nouvelles et cette montée d'adrénaline qui s'en suivi. Terry ouvrit les yeux.
- Que s'est-il passé ? me demanda-t-elle.
- Rien j'ai juste été surpris par une voiture qui vient de me doubler.
- C'est tout ? Tu as l'air étrange.
- Je crois que je ne me suis jamais senti aussi... vivant.
- Alors, c'est une bonne chose, une très bonne chose, confirma-t-elle.
- Oui.
- Il reste encore beaucoup de route ?
- Non, regarde le soleil commence à poindre le bout de son nez. Je pense que nous arriverons pour voir l'aube sur le lac.
Terry regarda dehors et distingua les montagnes.
- J'avais imaginé classiquement la mer, mais la montagne, c'est encore mieux, dit-elle.
- Je pense que ça va te plaire. J'en suis sûr même.
Nous finîmes la fin du voyage à écouter de la musique et discuter. Imaginant le programme de ce week-end improviser, avec promenade, restaurant, sieste au soleil et petit babillage avant de nous endormir. N'ayant pas le besoin de dormir, je pourrai la regarder dans son sommeil, je pourrais glisser quelques doux rêves dans cet esprit charmant, je pourrai la protéger.
Quand je garai enfin la voiture, le ciel bleu et les nuages légèrement rosés, se reflétaient dans le lac. L'eau était si calme que la montagne était aussi nette, dans son reflet que dans la réalité. Il faisait frais, Terry était emmitouflé dans sa couverture, mais grelottait un peu. Je m'approchais d'elle et lui proposait la chaleur de mes bras ouverts. Elle s'y engouffra et se blottit contre moi, pour regarder ce spectacle sauvage.
- Petit déjeuner à l'auberge ? Demandai-je.
- Avec plaisir, je meurs de faim.
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