CHAPITRE 2

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Finalement, marcher la libère de ce poids sur la poitrine. Cette lourdeur écrasante qu’on appelle chagrin. C’est la fierté qui la fait avancer désormais.

Dans ses pensées, elle finit enfin par entendre le son strident du klaxon qui l’appelle.

Amandine est de l’autre côté de l’avenue, à cheval sur le trottoir, warning en route à attendre que Manon se décide à la rejoindre.

Elle ouvre la fenêtre :

_ « Manon, grouille darling, j’suis mal garée et les flics sont pas loin ! Je ferme la fenêtre, y’a la clim dans la caisse. »

Manon esquisse un sourire, et traverse sans faire attention, se faisant insulter au passage par une automobiliste pressée.

Elle ouvre le coffre et y jette rageusement sa valise et sa veste avant de venir prendre place à côté d’Amandine.

Il fait frais dans la voiture, ça fait du bien.

_ « Quelle conne celle-là ! Vas-y roule ma belle, j’ai hâte de quitter cet endroit. Il fait trop chaud, je préfère mon bord de mer. »

Amandine déboite, fait rapidement demi-tour, et baisse le volume de la musique.

_ « Ça va ? »

_ « Franchement ? Non en fait. »

_ « Pardon, je suis nulle de te demander ça... Tu veux que je te laisse tranquille ? Je monte le son, ou tu veux en parler ? »

_ « Non, excuse, c’est pas ta faute tout ça. Au contraire, tu m’avais mise en garde. »

Manon pose sa tête sur l’épaule de son amie.

_ « Y’a plus rien à dire de toute façon. C’est vraiment terminé ce coup-ci. »

Le silence s’installe dans l’habitacle. Amandine se tortille, mal à l’aise.

_ « Qu’est-ce qu’il t’arrive Dine ? »

_ « Moi ? Rien, non. C’est juste... Ta tête, tu vois, ça me gêne un peu pour conduire. »

Manon, se redresse et tourne la tête vers la vitre.

_ « Mais c’est pas grave, viens, j’te jure, je vais faire avec. »

_ « Pas de soucis, t’inquiète. »

_ « Sûre ? »

_ « Sûre »

Manon se penche pour légèrement monter le son. Elle reconnaît rapidement la musique, tout comme Amandine, et elles se mettent à rire toutes les deux.

_ « I will survive ! La blague ! T’y crois à ça ? »

Manon pleure, de rire, de peine. Peu importe.

Les rires s’estompent à l’unisson, comme la chanson, et finalement Amandine coupe la radio.

_ « Écoute, je me fais remplacer ce week-end et on part ensemble. Tu as besoin d’une virée entre copine ! Ça te dit ? »

_ « Tu pourrais faire ça ? Je croyais que c’était pas le moment de prendre des congés au boulot ? »

_ « Tant pis, je vais dire à mon chef que c’est un cas de force majeure ! Les fraises attendront, les salades aussi ! »

Manon a seulement envie de rentrer chez elle et pleurer, se mettre en tee-shirt devant un film avec un pot de glace vanille noix de macadamia. Mais Amandine veut tellement bien faire ! Et elle est prête à sacrifier son travail, c’est peu dire, madame la passionnée de la permaculture !

Amandine est âgée de trois ans de moins qu’elle, mais elle est tellement plus sérieuse et investie ! C’est une vraie bête de somme. Être maraîchère, c’est ce qu’elle a toujours voulu faire. Manon, elle, n’a jamais eu de plan de carrière. Elle a touché un peu à tout, mais aujourd’hui elle est finalement l’heureuse propriétaire d’un café-librairie en plein cœur de Veules-les-Roses, juste à côté de l’Église, le point centrale du village.

Avec la pandémie de coronavirus, elle n’a quasiment pas ouvert de l’année. Elle s’est plongée dans la lecture, elle a fait du sport, s’est découvert un talent pour la pâtisserie. Mais le travail lui manque. Elle va ouvrir de nouveau la semaine prochaine après ce qui aurait dû être un week-end de folie, d’amour et de sexe !

Un tee-shirt, un film interminable et une glace. C’est tout ce qu’elle veut à cet instant.

_ « Alors, ça te dit ou pas ? Il faut pas que tu restes toute seule. Laisse pas ce type te bousiller ta fin de semaine. J’appelle mon chef, on prépare nos affaires en rentrant, on se prend un apéro chez toi, et on décolle demain matin, ça nous laisse samedi et dimanche. T’en dis quoi ? »

« J’ai pas du tout envie de faire quoi que ce soit, je veux déprimer toute seule et m’empiffrer. »

Mais Manon ne peut pas résister à la mine enjouée de son amie :

_ « T’as raison, je vais pas le laisser gagner. Je te suis ! »

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