Sortez-moi de là !
Quatre murs... Une porte, deux fenêtres...
Déjà plus d'une semaine que je squate cette pièce. J'ai vidé mes sacs et mon armoire pensant qu'à mon retour, j'aurais la force nécessaire pour un retour en arrière. La flemme, je rangerai plus tard ou quand mon esprit et mon corps en auront marre de se prendre les pieds dans ce désordre.
Ils sont beaux les dessins sur mon mur ! Et dire que c'est moi qui les aie fait... Que des portraits, celui à droite me fixe, il est étrange. Pourquoi il n'est pas comme les autres ? Son regard est méprisant. En portrait, mes jumeaux préférés me fusillent bien eux aussi de leurs yeux mais lui... lui je hais ses yeux. Il se croit fort, il se croit grand, il se donne du pouvoir ainsi accroché au-dessus du pleurnichard. Il m'énerve à me regarder comme çà... Il ne reste pas droit et il est bien le seul à pendouiller au-dessus du vide... Je retire ce que je viens de dire monsieur croquemort aussi se fout bien de la pâte à fixe...
J'ai rédigé un rapport et je me suis pris un zéro. Ma belle veine... Au fond de moi, j'ai mal. Je me sens comme le pleurnichard... À l'instant on se ressemble tellement ! Je me demande ce qui m'était passé par la tête le... c'était quand? Ah oui, le 26 juin de cette année. Quand il est né, j'avais des céphalées. Et pour le remercier, je l'ai fait pleurer sur le papier.
Et celui-là ? Je sais toujours pas pourquoi il est si loin lui. Un visage d'ange, un nez de phoque et de chapeau... est-ce ce qui fait sa différence ? Les autres sont en noir et blanc et lui tout en couleur, ce doit être ça sa différence.
Quatre murs... Une porte, deux fenêtres...
Je me souviens encore du monologue d'hier... je me souviens de chaque syllabe lancée à mon portrait dans le miroir. Le nombre de pas et l'assurance avec laquelle j'ai traversé mon couloir. Non pas pour me vanter mais je suis fière de moi quand en solo j'arrive à m'exprimer d'une telle voix... En public c'est autre chose, je cherche toujours mes mots. Et c'est ce qu'ils aiment, me voir me perdre dans mon latin. Ça les fait rire et ils prennent un malheureux plaisir à me critiquer dans mon dos.
Tu les fixes et tu te demandes ce qu'ils penseraient s'ils savaient que mon ouïe fonctionne encore très bien. Que les messes basses en mon nom, je les entends fort bien... Quelque part je suis heureuse ! Heureuse de ne plus avoir à supporter leur présence près de la mienne, heureuse de savoir que j'aurais enfin ce que je désire dans tous les sens du terme... Heureuse qu'elle rentre enfin de son voyage car ce sera la seule façon pour elle de me redonner ma place dans son coeur.
Est-ce une raison non je ne crois pas... Il fait sombre dans la chambre mais le type bizarre me fixe encore, je le sens. Je sens son regard plein de mépris posé sur moi. Pourquoi ne me laisse-t-il pas? Ce n'est pas de ma faute si elle m'a oubliée et qu'elle souhaite me retrouver ! On ne va pas regarder ailleurs au bout de trois mois sans s'être vu ! Dans la mesure où même les appels vidéo avec moi ne représentaient plus rien pour cette personne, est-ce de ma faute ? Est-ce de ma faute si elle n'avait plus de temps à m'accorder parce que trop occupée ? Bref, il me fixe et me juge comme d'habitude.
La pile de linge n'a pas bougé. La flemme est plus forte je crois. Présente au moment où je veux faire le ménage mais absente lorsqu'il faut que je mange... j'aurais tendance à l'insulter mais je me garde de vous communiquer ces mots bizarres. Parce qu'au fond je m'insulte moi-même.
Quatre murs... Une porte, deux fenêtres...
Cela fait une semaine que je suis enfermée ici ! Veuillez bien me faire sortir, j'étouffe ici.
Sortez-moi de là, par pitié !
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