La vieille femme souriait dans son sommeil.

Son sommeil ?

Ou pas...

La servante n'osait pas trancher.

Elle préféra appeler le médecin avant de toucher quoi que ce soit.

La vieille femme souriait dans son sommeil.

C'était bien le dernier.

Le médecin l'avait confirmé.

On fut tous soulagés de voir ce fait tranché.

La vieille femme souriait dans son sommeil.

Pourquoi donc ?

Ils ne le surent que bien plus tard.

Lorsque les héritiers arrivèrent, tout de noir vêtu et les larmes prêtes à couler...avant de s'emparer de sa fortune...

La vieille femme souriait dans son sommeil.

Maintenant elle n'était plus la seule à dormir de son dernier sommeil.

Toute sa famille était avec elle.

Neveux, nièces, petits-enfants, enfants, frères, soeurs... Tous !

La vieille femme souriait dans son sommeil.

Dieu que ce fut long d'attendre !

Et fatigant à faire.

" Mais inspecteur ?, demanda le sergent à son supérieur. Que s'est-il passé ?

- Douze morts en comptant la vieille femme. Un beau tableau de chasse.

- De chasse ? Comment cela ?"

Rivette regardait l'inspecteur en chef.

Comme toujours, le policier arborait un regard blasé et imperturbable.

" Le champagne, annonça-t-il.

- Le champagne ?

- Arsenic. Regardez le dépot au fond des bouteilles.

- Le dép..."

Fébrilement, le sergent examina les bouteilles de champagne de prix, encore posées sur la table. Une jolie table avec une jolie nappe sur laquelle se trouvait un repas de fête.

Et tout autour, morts, se tenaient les membres de la famille de la victime.

Empoisonnés.

" Vous voulez dire que le champagne a été empoisonné ?

- Parfois, Rivette, vous êtes un peu lent.

- Mais qui a fait cela ? Qui est l'assassin ?

- L'assassin ? La vieille bien entendu."

Rivette se tut, abasourdi.

L'inspecteur ajouta en se frottant les favoris.

" Même qu'elle a dû y passer des heures à percer le bouchon de métal. Un petit tournevis ou un foret. De la belle ouvrage !"

Rivette ajouta d'une voix incertaine :

" Mais pourquoi a-t-elle voulu tuer sa famille ?"

L'inspecteur regarda le sergent et indiqua simplement la salle à manger, décorée d'une jolie scène de banquet, les invités assis devant un repas de fête et l'absence d'éléments rappelant les funérailles.

" A votre avis, sergent ?"