Sayonara

3 minutes de lecture

Six hommes importants dînaient dans un grand restaurant de Paris.

Six hommes importants, vêtus de leur plus beau costume et de toute leur autorité.

Quatre patrons de puissantes multinationales japonaises.

Et deux membres de l'ambassade japonaise postés à Paris.

Six hommes dînaient.

Et le poisson n'était pas bon.

Six hommes importants avaient dîné ce soir-là dans un grand restaurant de Paris.

Un grand restaurant japonais, reconnu au niveau mondial.

Six hommes imposants se retrouvaient au dîner pour parler affaires.

Sur les six, un ne survécut pas à ce repas.

Pourquoi pas ?

Le poisson n'était pas bon.

Six hommes importants s'étaient retrouvés dans ce restaurant si coté.

Le cuisinier était natif du Japon et avait appris dans son pays l'art de la cuisine.

Un homme célèbre et reconnu dans la gastronomie nippone.

On le reconnaissait surtout pour l'art ancestral d'accomoder le poisson.

Mais alors ?

Et alors, le poisson n'était pas bon.

L'inspecteur Rivette avait beau être spécialiste des affaires étranges, il ne comprenait pas un seul mot de japonais. Et il bataillait pour se faire comprendre.

L'interprète lui expliquait encore et encore l'importance de ces hommes et de l'étiquette.

On ne parlait pas à ces hommes si importants comme on parlait au premier suspect venu.

Son collègue riait silencieusement tandis que pour la troisième fois Rivette essayait de se faire comprendre de tout le monde.

" Mais de quel poisson parlez-vous ?"

Le poisson n'était pas bon.

Six hommes importants, venus de la lointaine Asie, pour faire des affaires en France.

Quatre représentants de société multinationale et deux membres de l'ambassade.

Des hommes importants, représentants politiques et économiques du Japon.

On ne pouvait pas les traiter comme des suspects ou des témoins lambda.

Des six, un était mort durant le repas.

A cause du poisson, sans nul doute.

Laissant son infortuné collègue discuter et palabrer en vain, l'inspecteur décédé s'approcha du corps couché sur le sol.

Le poisson ?

Evidemment.

Rivette regardait son collègue et fut epoustouflé de le voir manipuler le corps.

Il était mort, bon sang !

" Répétez-moi ça ?! Vous avez mangé un poisson empoisonné ? Un fugu ?"

Six hommes importants étaient venus dîner d'un fugu ou tétraodon.

Un met traditionnel au Japon, symbole de richesse et de puissance.

Pour le préparer, le cuisinier devait posséder un diplôme d'Etat délivré par le ministère de la Santé.

L'art de préparer le fugu résidait dans l'art de réaliser une découpe parfaite du poisson.

Donc ?

Donc le poisson n'était pas bon.

" Vous avez mangé un poisson toxique ?, s'étonnait Rivette.

- Seulement les viscères sont dangereuses, se défendit un des convives, mécontent d'être retenu.

- Qu'avez-vous mangé alors ?

- Le foie."

Rivette n'osa pas relever.

Mais son collègue se mit à rire ouvertement.

On ne l'entendit pas en effet.

Six hommes importants, un cuisinier célèbre et reconnu, un poisson habituel sur le menu.

Alors ?

Ce ne pouvait être que le poisson...

" Ichtyosarcotoxisme : intoxication due à la consommation de chair de poisson, ici de tétrodotoxisme !, souffla l'inspecteur mort dans l'oreille de son collègue, tournant autour de lui comme un chat autour de sa proie.

- Le plaisir de me sortir de grands mots, murmura Rivette, en essayant de se faire discret.

- Oui," admit le grand policier.

Rivette était venu près de son collègue. Il en avait soupé de ces discussions dans le vide.

Il laissait l'interprète expliquer les rouages d'une enquête policière à tous ces hommes si importants.

Il s'accroupit et examina le corps.

" Asphyxie, constata simplement le jeune inspecteur.

- Oui," s'amusa le vieux policier.

Rivette connaissait maintenant l'humeur de son collègue.

" Bon. Qu'y a-t-il que je n'ai pas vu ?

- L'intoxication met 3 à 4 heures à survenir après l'ingestion de la toxine.

- Oui, je comprends."

Rivette regardait ces cinq hommes importants qui discutaient fermement au téléphone, chacun avec leur avocat. Ils voulaient faire jouer l'immunité diplomatique ou leurs amitiés haut placées pour disparaître de la scène de crime.

Que voulez-vous ?

Le poisson n'était pas bon.

" Rivette ! Faites un effort !, lança le policier aux favoris touffus.

- 3 ou 4 heures. Et bien ?"

Le fantôme poussa un soupir agacé et se leva. Il désigna la table, encore couverte de sa vaisselle précieuse et du plat de poisson à peine entamé.

" Faut-il que je vous en fasse manger ?

- 3 ou 4 heures... Merde ! Il n'a pas été empoisonné ici !

- Bien, Rivette. Un jour, vous serez commissaire."

Mais Rivette n'écoutait plus.

Il s'écria qu'il fallait garder les cinq hommes si importants à la disposition de la police, il parla de suspicion d'assassinat et d'empoisonnement au fugu.

On se récria.

On menaça.

Mais après deux heures d'interrogatoire intense, l'un de ces si importants personnages, vêtu d'un costume de prix et venu payer une fortune un plat de poisson avoua.

La victime couchait avec sa femme.

Tout simplement.

Le poisson n'était pas bon.

Oui.

Mais lequel ?

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