C'est le mai, joli mai, c'est le joli mois de mai
" C'est le mai, joli mai, c'est le joli mois de mai..."
Des enfants chantaient dans les rues.
Un joli mois, le joli mois de mai.
Le mois de Marie et le mois des jardiniers.
Joli mai, joli mois de mai.
Des brins de muguet étaient vendus au coin des rues.
Le muguet, ou lis des vallées, était une si belle fleur, avec ses clochettes blanches et son doux parfum.
On en accrochait dans sa voiture, on en avait quelques brins disposés dans des verres d'eau posés sur les tables des cuisines.
Le mois de mai était si joli, avec son muguet et ses discussions sur les vacances estivales.
Le mois de mai...le mois de l'espérance...
Le mois de mai...le mois des combats...
1er mai.
Mai 68.
" Je ne comprends pas l'engouement pour une fleur, souffla l'inspecteur aux favoris touffus. Même si j'ai vu sa création.
- Comment cela ? Vous avez vu sa création ? Vous n'avez que deux cents ans !"
Rivette souriait.
Sur leur bureau d'inspecteur, à la préfecture de police, trônait un petit vase avec plusieurs brins de muguet.
Rivette souriait, songeant au joli sourire de la vendeuse de rue qui lui avait parlé le matin même.
Le mois de mai, joli mois de printemps.
Rivette était bien seul dans la vie.
Le vieil inspecteur contemplait son collègue et secoua la tête, amusé.
" Vous savez dans quelle rue elle se trouve votre vendeuse ?"
Rivette sursauta et regarda l'imposant policier.
" Pardon ? Vous avez dit quelque chose ?
- Je vais aller aux archives, asséna le fantôme de policier. Il y a longtemps que je n'ai pas hanté les lieux.
- Mais que cherchez-vous aux Archives ?"
Personne ne lui répondit.
Le policier fantômatique avait disparu.
Joli mois de mai.
Ici aussi se trouvait un joli bouquet de muguet.
Et un enfant était mort empoisonné d'avoir bu l'eau du verre.
Sa mère pleurait en racontant comment elle avait découvert son fils de quatre ans, décédé.
Quel malheur pour un si joli mois de mai.
Le sourire de Rivette avait disparu.
Et son collègue ne réapparut pas. Coincé aux archives à fouiller les vieux rapports poussiéreux, à la recherche de quelque chose...de quelqu'un...
L'enfant fut emmené pour une autopsie.
C'était la procédure.
Après tout, il y avait eu empoisonnement.
Accidentel, certes, mais empoisonnement tout de même.
Joli mois de mai.
Des enfants chantaient dans les rues et des brins de muguet étaient vendus.
A chaque coin de rue.
La mère pleurait. Et pleurait. Pleurait.
Le beau-père pleurait aussi.
Une famille brisée.
Quel terrible accident !
Et pourtant le mois de mai était joli...et le muguet sentait bon...
Rivette jeta le bouquet de muguet et ne parla plus de la vendeuse de rue...
Le vieil inspecteur quitta ses archives pour tourner autour de son jeune collègue.
Cela agaça Rivette.
" Quoi ?
- La toxicité du muguet est le fait de trois substances : convallarine, convallamarine, convallatoxine. Les toxiques du muguet sont des "poisons" du coeur.
- Oui !, claqua Rivette. Je sais ! Le muguet est un tonicardiaque et un diurétique. J'ai fait mes classes !"
Le vieil inspecteur eut un sourire approbateur.
" De quoi meurt-on en ingérant de l'eau de muguet ?
- Cela ralentit le rythme cardiaque et provoque une augmentation de la pression artérielle. On meurt d'un arrêt cardiaque.
- Amusant comme la nature fournit de si faciles manières de tuer...et si efficaces... N'est-ce-pas ?
- Que voulez-vous dire ?
- Et si vous interrogiez encore la famille ?
- A quoi bon ? Ils sont en deuil ! Vous ne savez pas ce que c'est ?"
Le vieil inspecteur se renfrogna.
Il se recula et la pièce se refroidit en un instant.
" Si. Je n'ai jamais quitté le deuil."
Rivette en fut furieusement curieux, mais son collègue se tut.
Et la pièce resta glacée, malgré la fenêtre ouverte sur le joli mois de mai et la chaleur printanière.
Rivette demanda à interroger encore une fois la mère et le beau-père.
Il ne comprit pas l'intérêt.
L'enfant était mort accidentellement.
" Qui a amené le muguet ? Qui a préparé le verre ? Qui l'a posé sur la table à la portée d'un enfant de quatre ans ?
- Mais je ne sais pas !, se défendit Rivette en fusillant du regard son collègue.
- Alors demandez !"
C'était le beau-père.
Les voisins furent interrogés. La mère aussi.
Oui, il détestait son beau-fils.
Il le frappait et le maltraitait.
Alors du muguet...
Joli mois de mai, joli bouquet...de fleurs mortelles...
C'est le mai est un titre de Malicorne.
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