Qui a peur, qui a peur, qui a peur du loup ?

C’est pas moi, c’est pas moi

C’est peut-être vous.

Je l’ai vu courir dans les bois

La gueule ouverte, des crocs comme ça.

Je l’ai vu courir dans les bois

Cherchant sa proie

Il sort des bois à la nuit tombée.

Juste la lune peut le voir passer.

Des milliers d’étoiles brillent dans la nuit,

Ses yeux scintillent aussi.

Vous ne le croiserez jamais la journée

Il reste tapi au fond d’un abri.

Vous ne le croiserez jamais la journée,

Mais gare à vous la nuit.

La nuit.

Une petite fille vêtue de rouge était morte dans les bois.

Une jolie petite fille toute vêtue de rouge et des rubans dans les cheveux.

Jolie petite fille...

Elle a rencontré le loup.

Le lieutenant Sylvie Lyster contemplait le corps et serrait les dents.

" Il nous faut ce salopard, Ghost !

- Oui, " fit laconiquement l'inspecteur.

Le lieutenant regarda son collègue et demanda :

" Quelle arme peut faire de telles blessures ?

- Des griffes de loup !"

La jeune femme secoua sa longue chevelure argentée et murmura :

" T'es con !"

L'inspecteur rit silencieusement.

Qui a peur, qui a peur, qui a peur du loup ?

C’est pas moi, c’est pas moi

C’est peut-être vous.

Je l’ai vu courir dans les bois

La gueule ouverte, des crocs comme ça.

Je l’ai vu courir dans les bois

Cherchant sa proie.

Sa proie.

Un petit garçon tout de vert vêtu était mort dans les bois.

Un petit garçon tout de vert vêtu et portant un adorable bonnet rouge.

Espiègle petit garçon...

Il a rencontré le loup.

Le lieutenant Sylvie Lyster contemplait le nouveau corps et serrait les poings.

" Que se passe-t-il, Ghost ?"

Le policier tira sur ses favoris, il examinait les blessures et fronçait les sourcils.

Un petit garçon était étendu sur la table d'autopsie, la gorge déchiquetée et des marques étranges sur le corps. Trois larges plaies étaient visibles sur le torse maigre et blanc de l'enfant.

" Un loup chasse dans les bois.

- Ghost !

- Un assassin spécialisé dans les enfants est en chasse, Lyster. Il faut absolument le trouver !

- Je vais avertir le capitaine et on va mettre des policiers pour surveiller les forêts.

- Un loup..."

Le lieutenant sourit et ses yeux brillèrent d'un éclat dur.

" On va le piéger ce loup !"

L'inspecteur acquiesça silencieusement.

Il sort des bois à la nuit tombée.

Juste la lune peut le voir passer.

Des milliers d’étoiles brillent dans la nuit,

Ses yeux scintillent aussi.

Vous ne le croiserez jamais la journée

Il reste tapi au fond d’un abri.

Vous ne le croiserez jamais la journée,

Mais gare à vous la nuit.

La nuit.

Une jeune femme toute de bleue vêtue était morte dans les bois.

Une jeune femme toute jolie et jeune, dans sa belle robe bleue.

Jeune femme amoureuse.

Elle a rencontré le loup.

Branle-bas de combat !

On fit fermer les bois, on plaça des affiches, on instaura des patrouilles.

Chasse au loup !

Chasse à l'homme !

La population fut prévenue !

Plus de jogging, plus de promenade, plus de jeux.

Les bois étaient infestés de loups.

Enfin d'un seul !

Mais il suffisait à empester les bois.

Le lieutenant Sylvie Lyster faisait des rondes en compagnie d'Adrien Maillard et les deux policiers contemplaient les bois, si beaux habituellement, devenus sombres avec la mort.

" De mon temps, on parlait encore de la Bête du Gévaudan..., murmura la voix du fantôme.

- Des rumeurs et des mythes !, asséna durement le lieutenant.

- Non ! J'ai personnellement rencontré des témoins qui l'ont vue !"

A cela, la jeune femme ne sut pas quoi dire.

" La bête tuait les enfants et les jeunes femmes... Un loup géant ? Elle tua et dévora entre 88 et 124 personnes...

- Ici, les victimes ne sont pas dévorées..."

Adrien regarda la femme qu'il aimait et la serra tendrement dans ses bras.

" De quoi parles-tu ma chérie ? Tu ne devrais pas venir dans les bois ! Cette affaire nous rend tous fous."

Mais la voix de l'inspecteur retentit encore une fois dans l'air glacé de la forêt :

" Quelle arme peut créer de si terribles blessures...à part des griffes de bête ?"

Qui a peur, qui a peur, qui a peur du loup ?

C’est pas moi, c’est pas moi

C’est peut-être vous.

C'est peut-être vous ?

Le corps d'un policier fut découvert, égorgé et marqué des trois coups de griffe.

Un policier armé et assermenté, dans son uniforme bleu.

Armé et assermenté policier.

Il a rencontré le loup.

La forêt était devenue un territoire inconnu.

Dangereux.

L'inspecteur fantôme y passa des jours et des nuits.

Il chassait le loup.

Le lieutenant Sylvie Lyster restait à sa lisière et attendait.

Le signal.

Trois jours de chasse.

Trois jours.

Un loup courait dans les bois.

Comment attrapait-on les loups ?

Par un appât !

Qui fut l'appât ?

Adrien n'en sut jamais rien...

Il sort des bois à la nuit tombée.

Juste la lune peut le voir passer.

Des milliers d’étoiles brillent dans la nuit,

Ses yeux scintillent aussi.

Vous ne le croiserez jamais la journée

Il reste tapi au fond d’un abri.

Vous ne le croiserez jamais la journée,

Mais gare à vous la nuit.

Ce fut la nuit qu'on l'arrêta.

Un homme fou.

Un homme-loup.

Un digne héritier de Joseph Vacher.

Une bête du Gévaudan faite homme.

Pourquoi ?

Parce que certains ont soif de sang et sortent des bois pour la satisfaire.

Une griffe de jardin est un outil de travail du sol composé d'un long manche et d'une pièce d'acier forgé avec un emmanchement à douille. Elle ressemble à une fourche. Elle dispose de trois à quatre dents pointues, circulaires ou plates, recourbées à 90° et faisant penser aux griffes d'un chat. On l'appelle également un croc.

Bien manipulée, elle provoquait de terribles blessures.

Le lieutenant Sylvie Lyster, assise derrière sa voiture banalisée, une couverture sur les épaules, se réchauffait en buvant un café et contemplait avec curiosité l'outil de jardin devenu une arme terrible.

Devant elle, semblable à une tempête, se dressait son collègue décédé, les yeux brûlants d'inquiétude et de colère.

" Je vais bien, Ghost, souffla-t-elle.

- Tu es une stupide femelle ! Je voulais un homme pour servir d'appât. Ce tueur était un fou stupide...mais dangereux... On l'aurait eu tôt ou tard.

- Il valait mieux tôt et il valait mieux que ce soit moi !

- NON !"

Le vent, glacé, fit voler les casquettes des policiers et Sylvie rit en sentant ses cheveux flotter dans le tourbillon.

" Je vais bien, Ghost ! Je suis une femelle intelligente !

- Et si tu n'avais pas réussi à te défendre ?

- Je sais me battre, Ghost !"

Il acquiesça et la bourrasque s'apaisa.

Il avait vu sa collègue se promener sous l'ombre des arbres. Il en avait été atterré, il s'attendait à un homme, il s'attendait à quelqu'un de fort et de puissant.

Et il avait vu une femme, faible et fragile se donner comme appât.

Il vit ensuite une silhouette sombre et sut que ce soir enfin, la surveillance allait donner.

Mais il y avait Sylvie Lyster...

Le temps que le fantôme bondisse sur le tueur, il se passa de longues minutes.

Le temps d'une agression.

Le temps d'un combat.

Et lorsque l'inspecteur arriva enfin, le tueur était à terre et geignait.

Sylvie Lyster se massait les phalanges.

" Tu ne connais pas un remède de grand-mère pour les doigts ? Je crois que je me suis fait mal en frappant la mâchoire de ce type et..."

La jeune femme se tut, elle venait de ressentir une caresse glacée sur sa joue.

Et face à elle, il y avait les yeux angoissés de son collègue décédé.

" Je vais bien, Ghost. Je savais ce que je faisais.

- Encore heureux," grogna le vieil inspecteur.

Ce soir-là, Adrien Maillard serra contre lui sa petite amie et la demanda en mariage.

Ce soir-là, l'inspecteur de police découvrit sur le bureau de la salle des archives un boitier DVD avec une aventure de Sherlock Holmes.

La griffe sanglante de 1944, un film en noir et blanc avec Basil Rathbone dans le rôle de Sherlock Holmes.

Il y avait une note qui accompagnait le film :

" Ghost, je DEVAIS y aller. QUELQUE CHOSE me l'a dit."

Quelque chose ?

Mais quoi ?

Qui a peur du loup ? est un titre de Rémi.