Hors-champ
Le stade de football fut le signal du déferlement de la presse contre la police.
Quelque part, la police l'acceptait et savait que c'était mérité.
Après le centre commercial, il aurait fallu mettre fin à cette affaire.
Mais voilà.
Il aurait fallu et cela ne fût pas fait.
Pas possible.
Aucune piste ou si peu.
Adrien Maillard était assis sur un lit, étroit et dur, dans une chambre à l'hôpital de jour.
Il souriait en regardant Fatou Traoré.
" Ils m'ont dit que si je faisais attention à moi. Je pouvais espérer sortir d'ici dans un mois. Reprendre une vie normale."
Fatou souriait aussi et saisit doucement la main du jeune homme, elle eut la bonté de ne pas grimacer en voyant les traces des blessures qu'Adrien s'était auto-infligées.
" Bien sûr ! On a besoin de toi à la criminelle."
Mauvaise idée de parler de ça. Adrien ferma les yeux et essaya de conserver son calme.
" Ce...ce salopard n'a pas encore été...arrêté... On ne me laisse pas voir les informations, mais j'ai entendu les surveillants... Un stade de foot ?
- Oui, Adrien."
Fatou serra les doigts d'Adrien et essaya de l'apaiser.
" On avance, on avance. On sait déjà quel explosif il utilise, on cherche le revendeur, on cherche aussi les complices. Il n'est pas entré librement dans le stade ni dans le centre commercial. Il a forcément eu des complices.
- Il les a peut-être tués ?
- Peut-être."
Adrien secoua la tête, désespéré.
" Et pour Sylvie ? On n'a rien alors ?
- Rien mais on cherche le Glock, toujours.
- Il a servi à tuer Jondrette. Mais...mais je l'avais dit à Sylvie, je l'avais dit, j'aurais pas dû lui dire. Je...
- Chut, le môme !, claqua la voix de l'inspecteur. Tu n'y es pour rien, jobard."
Adrien ne voyait pas Ghost, il ne l'entendait pas, mais il perçut la caresse glacée sur ses doigts et il sursauta.
" Il...Ghost est là ?
- Oui, Adrien. Il est venu te voir. Il est désolé de...
- QU'IL FOUTE LE CAMP ! QU'IL PARTE ! PUTAIN !"
Adrien se releva et se cala contre le mur, effrayé et enragé.
" Il est là, lui. Il... Pourquoi lui et pas Sylvie ? On aurait pu...on aurait pu..."
Ghost marcha précipitamment vers Adrien Maillard, négligeant Fatou qui se levait pour s'interposer. Il saisit le jeune homme par les épaules et l'épingla sur le mur.
Deux étaux brûlants de glace le retenaient et Adrien hoqueta de douleur.
" Elle est morte et elle a continué le voyage, c'est le mieux pour elle ! LE MIEUX JOBARD ! Tu aurais vécu et elle ? Elle aurait souffert chaque minute de cette existence maudite !
- LÂCHE-MOI PUTAIN ! LÂCHE-MOI !
- FATOU !, claqua le fantôme. Viens lui dire !"
Fatou, inquiète, s'approcha des deux hommes, le vivant et le mort. Elle posa ses mains sur les deux et essaya de les calmer.
" Sylvie a bien fait de continuer, Adrien, murmura Fatou. Ce n'est pas une vie que celle de Ghost.
- Elle aurait été près de moi, elle aurait eu notre enfant, elle aurait été là... Merde !"
Adrien Maillard, ancien lieutenant de police, se mit à pleurer, violemment.
" Non, souffla Ghost, elle n'aurait pas été là. Ca n'aurait pas été elle, mais un être incomplet. Je ne suis plus moi depuis deux cents ans et je ne me souviens même plus de qui j'étais.
- Adrien, dit Fatou. Ghost a raison. Rester est anormal et ne rend pas les gens heureux.
- Et moi ?, souffla Adrien, désespéré. Que me reste-t-il à moi ?
- LA VIE, JOBARD et tu as intérêt à te bouger le cul."
Ghost se recula et toisa Fatou.
" Dis-lui exactement ce que je viens de dire, la gamine, ou il va se prendre une giroflée glacée."
Fatou rit, surprenant Adrien et elle lui répéta exactement les mots de Ghost.
Adrien rit à son tour, en pleurant toujours.
" Il en a de bonnes, le vieux cogne. Et comment je fais moi ?
- Comme tout le monde, le môme. En encaissant. Parlons un peu de ce Jondrette..."
Fatou joua les interprètes. Ghost interrogea et Adrien répondait.
Qui savait que Sylvie prenait la voiture ce soir-là ?
A qui Adrien avait parlé avant de parler au lieutenant Lyster ?
Car celui-ci connaissait forcément le tueur...voire l'était...
Ce n'était pas normal que Sylvie Lyster soit sur la route ce soir-là, on l'attendait.
Mais alors ?
Qui l'avait attendu ?
Apaisé et plus sûr de lui, Adrien Maillard salua ses collègues. Vivant comme mort.
Mais juste devant la porte de sa chambre, il demanda, gêné :
" Ghost, il y a quelque chose qui me rend fou."
Le lieutenant de police ne voyait pas l'inspecteur décédé. Il parlait dans le vide. Ghost s'approcha du jeune homme déraillé et se plaça juste devant lui.
" Si...si c'était une fille ou...un garçon... Cela me rend fou. J'aimerais savoir... Pour...pour pouvoir avancer, tu vois ? Tu le sais, toi ? Sylvie t'a peut-être parlé avant...avant de..."
Adrien sécha ses larmes d'un revers de main brutal.
Ghost frotta ses favoris touffus et lança :
" Une mômette, le gonze. A la revoyure chez les cognes !"
Fatou transmit cette réponse et le visage d'Adrien se transforma.
Il sourit.
" Une fille ? Alors, elle s'appelle Louise."
Et de répéter :
" Louise, Louise, Louise Maillard... Sylvie et Louise Maillard..."
Dans la cour de l'hôpital, Fatou Traoré fronça les sourcils en regardant le vieux policier décédé.
" Sylvie ne t'a rien dit, elle ne pouvait rien dire, elle était inconsciente. Tu as menti !
- Si cela peut faire du bien au môme, j'aurais menti sur tout. Je me ferais engueuler par la môme le jour où je la reverrais.
- Ghost, Ghost, Ghost...
- Il est content de savoir. Le reste on s'en branle ! AU POSTE DE POLICE !"
Fatou Traoré rit et elle lança sa playlist de voiture. Le violon endiablé de Lindsey Stirling se fit entendre.
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