Flash-back

4 minutes de lecture

La brigade a vu le film.

La presse a vu le film.

Le film a même été diffusé sur le Net.

Il a fait le buzz, comme on dit.

Un sacré buzz !

Et le tueur voyait son surnom écrit partout, sur tous les supports, dans toutes les langues :

LE CAMERAMAN !

Les images étaient nettes et merveilleusement bien tournées.

Mais comment et par qui ?

Aucun drône dans ce parking meurtrier.

Quelques caméras de surveillance placées aux entrées.

Mais aucun drône n'avait été remarqué et de toute façon, comment aurait-il pu entrer ?

Les policiers devaient le reconnaître.

Le tueur avait été présent. Sur les lieux.

Parmi les victimes, les blessés, les uniformes. Il avait tout filmé !

Fatou Traoré se voyait, sur l'écran de visionnage, en pleine salle de conférence.

Elle avançait de quelques pas, puis elle reculait, comme sous une attaque.

Elle était repoussée par Ghost et ses tempêtes.

Mais on ne voyait pas Ghost. Personne ne voyait Ghost.

Les fantômes n'ont pas d'images.

Fatou plaqua sa main sur sa bouche, elle se voyait pleurer.

Une belle scène filmée par le Cameraman !

Plus tard, Fatou Traoré avait perdu son rire et sa motivation. Elle était assise, blessée, sur son canapé.

Devant elle, sur la table basse, posée comme une déesse égyptienne, Midnight était assise.

Devant elle, dans son salon, déambulait l'inspecteur aux favoris touffus.

Et tout l'appartement tremblait de sa colère.

Les vitres, les meubles, la vaisselle, les portes.

Ghost faisait frissonner tout l'immeuble dans son entier.

" Ce salopard a tout filmé ! Les morts, les blessés, les voitures en flammes. Il a même filmé les préparatifs !

- Oui. Il a soigneusement tout organisé, répondit la jeune femme. Les portes bloquées par des poubelles, les voitures piégées, l'essence. Incroyable !

- Un tueur très bien organisé ! Je vais... Si je le trouve..."

La pièce refroidit et devint glaciale. Une tombe.

Fatou trembla et resserra ses bras autour d'elle.

" Non, Ghost. Pense à Sylvie !"

La tempête s'apaisa d'un coup et Ghost tourna son visage vers Fatou.

" Je ne pense qu'à elle. Elle est morte à cause de lui. Il l'a tuée et elle attendait un mioche.

- Que pensera-t-elle si tu le tues ?

- Merde. Elle... elle..."

Ghost frotta ses favoris et Fatou aperçut avec stupeur des larmes briller dans les yeux clairs.

Lentement, la jeune femme se leva et vint prendre dans ses bras l'inspecteur fantôme.

Il se recula aussitôt à son contact et s'écria :

" Je suis glacé !

- Et j'ai déjà froid ! On s'en fout, Ghost. Viens !

- La gamine. Tu n'es pas raisonnable."

Fatou rit, un rire fragile, mais elle obtint gain de cause.

Ghost ouvrit ses bras et la jeune femme s'y colla. Froid, horrible, douloureux.

Et les deux êtres confondirent leur détresse un bref instant.

La porte d'entrée qui s'ouvrait les sépara.

Annabelle, la copine de Fatou, apparut et lança :

" Encore une valse ? Décidément, je vais devenir jalouse !"

Puis elle vit le visage de la jeune femme noire, bouleversé et en larmes. Annabelle se jeta sur elle et lui caressa les mains.

" Mais que se passe-t-il ?

- Le tueur a encore frappé, Annabelle. Un parking souterrain et il était parmi les gens présents sur les lieux.

- Comment tu le sais, mon ange ?

- Il a tout filmé et je suis dessus.

- Merde !"

Annabelle prit Fatou dans ses bras à son tour et la berça doucement.

" Et la police ?

- On a rien. On cherche parmi les blessés, les membres du personnel et les secouristes.

- Un flic ?, demanda Annabelle.

- Peut-être, fit Fatou.

- Si c'est un cogne, je lui casse les dents et je lui pète les rotules."

Fatou sourit et rit un peu, Annabelle jette un regard surpris autour d'elle.

" Ghost est là ?

- Il est avec moi sur cette affaire, Anna.

- Je ne lui propose pas de vin, alors."

Ghost leva la tête et d'un geste de la main, il ouvrit les buffets du salon. Une bouteille apparut et deux verres fins.

Annabelle ne se démonta pas, elle secoua la tête et objecta :

" Non, pas de vin rouge à cette heure, mais un blanc !"

Fatou Traoré embrassa sa petite amie et fut contente de l'avoir près d'elle.

" Un policier ? Je vois plutôt un secouriste.

- Ou alors un agent d'entretien ? Il est coincé dans la foule et personne ne le remarque."

Jamais Annabelle ne verrait le visage étonné de Ghost.

Mais elle vit celui de Fatou Traoré.

" Quoi ? J'ai dit une connerie ?

- Qui peut avoir accès aux sites des crimes sans que personne ne se pose de questions ?, murmura Fatou.

- Qui peut manipuler les produits et abandonner des objets anodins dans des réserves ?, ajouta Ghost.

- Qui peut venir à n'importe quelle heure ?

- Putain ! La gamine ! Il faut revenir à la mort de Jondrette !

- Jondrette a été assassiné par le Glock 18, dans les bureaux de la société de voyage. Après les heures normales de..."

Fatou se tut.

Elle regardait son collègue décédé.

" Après les heures normales de travail. Tout comme M. Simonnet.

- C'est trop simple.

- J'ai deux cents ans, la gamine. Et il y a une chose que j'ai apprise, c'est que dans la vraie vie les crimes sont souvent simples. Il y a eu quelques mystères, je l'admets, mais pas tant que ça.

- Un tueur qui se fait passer pour un agent d'entretien.

- Et qui filme ses saloperies. Le cameraman, je t'en foutrais !"

Annabelle laissa parler sa petite amie dans le vide.

Elle avait l'habitude de ses lubies, elle ne voyait pas les esprits mais Fatou le pouvait. Il fallait vivre avec ça. Et l'accepter.

D'ailleurs, la jeune femme lança tout à coup :

" Ta mère a appelé, Fatou. Mamina Didi veut te voir."

Fatou baissa la tête et posa ses mains devant ses yeux.

" Non ! Que me veut-elle ? Je n'ai rien à lui dire !"

Annabelle leva un doigt et désigna l'air ambiant, terriblement vide à ses yeux, mais empli d'une présence fantomatique.

" Peut-être as-tu oublié de lui parler de lui ?"

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