" 85 morts."

" 85 MORTS."

" 85 MORTS !!!!"

Annoncés, comptés, répétés, criés, hurlés.

Sur tous les tons.

Dans toutes les langues.

" 85 morts et 23 blessés dans un état grave..."

" Un camion a foncé dans la foule, hier soir, dans la rue de XXX. Ce drame a provoqué la mort de 85 personnes, et 23 blessés sont encore dans un état grave, leur pronostic vital est engagé. Le conducteur est mort des suites de ses blessures. Il a été abattu par les forces de l'ordre. On ignore les raisons de son geste. L'homme était un ressortissant venu d'Europe de l'Est. Pour l'instant, rien ne relie ce drame à un attentat terroriste. Les enquêteurs évoquent un acte délibéré, mais toutes les thèses sont étudiées. Ce drame a choqué le monde entier et... "

Choqué le monde entier...

Pour l'instant, la brigade restait silencieuse. Quatre-cinq morts avaient été relevés, dont des collègues en uniforme. Leurs photographies étaient affichées dans la salle de conférence.

Des collègues et des inconnus.

Des fleurs étaient déposées au pied des cadres.

Et le silence résonnait dans le vaste immeuble de la Préfecture de Police.

Un silence de tombeau.

Fatou Traoré était assise dans la salle des Archives.

Elle contemplait une petite chandelle qui brillait doucement dans l'obscurité.

L'inspecteur aux larges favoris était invisible mais sa présence l'entourait. Comme un cercle de chaleur.

" Quand un officier est perdu..., murmurait la voix dans l'ombre, on allume une chandelle et on la laisse brûler... J'ai allumé des cierges dans les églises et j'ai prié.

- Pour les collègues, balbutia Fatou Traoré.

- Pour les collègues, d'avant et d'aujourd'hui."

Une deuxième chandelle fut déposée et la silhouette de Ghost apparut lentement.

" Pour les victimes. Car elles sont la raison de notre travail. J'ai travaillé des années sans repos pour la Justice. Pas toujours à bon escient, je l'avoue. Mais toujours pour la Justice !

- Pour les victimes," répéta la jeune femme.

Une troisième chandelle et cette fois, la main de Ghost trembla dans la lumière.

" Pour la môme et son mômignard. Pour elle et pour sa mémoire.

- Nous l'aurons !

- Nous l'aurons !"

Trois chandelles brillaient dans la pénombre de la salle des Archives. Fatou Traoré et le vieil inspecteur, trop vieux et trop las, se taisaient et attendaient qu'elles s'éteignent.

Pour les collègues.

Pour les victimes.

Pour Sylvie Lyster...