4.1 Espoir

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Jour du discours d'intronisation d'Inès, Chez Solène

Cet aprèm, Solène regarde la télévision. Une nouvelle Alpha vient d'être intronisée. Lundi, elle a destitué l'Alpha en place d'une manière brutale. Alpha Cassandra est devenue Zêta Cassandra du jour au lendemain, par sa propre fille. Quand j'ai entendu la Vice Suprême le dire à Solène, j'étais en joie. Alpha Cassandra est un monstre, encore pire que la mère de Solène. La savoir détrônée est assez plaisant, même si ça doit vouloir dire que sa remplaçante est encore pire. Pauvres reproducteurs de là-bas.

J'ai manqué de m'étouffer d'amusement en voyant la colère de Sophie. Elle avait Alpha Cassandra en exemple, elle rêvait de lui prendre sa place. Voir une fillette, plus jeune que sa fille, humilier son modèle l'a rendue dingue. J'ai pris quelques coups, mais j'aurais bien dansé de plaisir devant sa contrariété. Aujourd'hui, ce vendredi, la jeune nouvelle va faire son discours à son État. Solène suit l'événement à la télévision. Sa mère est dans la salle de conférence.

J'ai hâte de voir la tête de la nouvelle. Je redoute quand même qu'elle devienne un nouveau modèle de monstre. Je m'assois à coté de Solène pour regarder. Je ne devrais pas avoir le droit. Mais que je le vois d'ici ou de l'entrée, ça ne changera pas grand-chose. Solène me laisse faire bien trop absorbée par les images. Voilà la nana qui s'avance. Elle est toute jeune. Elle est ni belle ni laide. Un corps sportif comme celui de Solène, mais avec des cheveux bruns et des yeux noirs expressifs. Elle a l'air très déterminée. Un air dur et implacable. Pas bon signe. J'écoute distraitement les commentaires des journalistes.

FA98 ? BORDEL. C'est le plus haut potentiel connu ça. Plus que toutes les autres Alphas. Elle va devenir Suprême alors. MERDE ! Comment ça ? Formée pour devenir Zêta ? C'est quoi ce bordel ? Je ne pige rien aux commentaires. Solène voit mon air perplexe et m'explique. Le test de naissance de la jeune fille a été faussé. Elle a été élevée comme une future Zêta.

Lors des évaluations finales, l'erreur a été découverte. Les médecins se sont rendus compte qu'elle était la fille de Cassandra et que son potentiel était de 98. La plus haute valeur depuis la fabrication du test génétique. Aux examens d'aptitudes, elle a fait exploser tous les scores. Elle était la meilleure de sa promo, mais aussi la meilleure des cinquante dernières promotions.

Lors de l'éviction d'Alpha Cassandra, la jeune fille, Alpha Inès, a présenté des signes de colère envers Cassandra. Les Alphas sont très inquiètes. Les Alphas ne se font pas rétrograder en Zêta. Elles deviennent des Deltas à la ménopause. C'est une première. La jeune fille semble en colère contre les Alphas. Comme elle est amenée à devenir Suprême, les Alphas tremblent toutes.

La jeune fille commence son discours. Anxieuse, Solène me prend la main sans réfléchir. Je lui serre sans protester. Une sorte de trêve durant le discours. Je sens toutes les réactions de Solène durant le long monologue, la peur, la joie, l'espoir. Solène m'a plusieurs fois serré la main très fort sans s'en rendre compte. Malgré ma colère, j'ai apprécié ce faible contact. La main de Solène est si douce et petite.

J'écoute attentivement les paroles de la nouvelle Alpha. Ce discours réveille le souvenir des jours heureux. Waouh ! Je ne sais pas si c'est sincère, mais la nana vient de me scotcher. Elle vient de pointer du doigt tous les défauts de ce système et veut les corriger dans son État. Elle sait faire vibrer la corde sensible. Solène pleure doucement et sourit. Je l'ai entendu retenir son souffle à certains passages. Je l'ai senti me serrer la main à d'autres. J'ai les tripes remuées. Cette fille est géniale. Sincère ou non, elle vient de conquérir le cœur de toutes les Zêtas et tous les reproducteurs qui regardent. La nana vivait ses paroles et nous les a fait vivre, miroiter un monde meilleur.

— Elle me plaît celle-là. Vivement qu'elle devienne Suprême.

Solène hoche la tête et approuve ma phrase.

— Ça ne va pas plaire à mère. Elle est furieuse. Regarde.

Solène a raison. Sophie fulmine de rage contenue. La salle est debout à applaudir. Je vois la Vice Suprême applaudir aussi, mais serrer les dents. Je ris malgré moi. Solène me gronde devant ma joie. Le cœur n'y est pas. Elle est joyeuse du discours de la jeune fille et de voir sa mère contenir sa rage.

— Arrête. On ne devrait pas. Ce n'est pas bien. On va avoir des problèmes. Elle va être imbuvable à son retour. Heureusement qu'elle ne revient que dans deux mois.

— Profitons avant qu'elle rentre alors.

J'embrasse Solène à pleine bouche de joie. Elle accepte mon baiser et met ses bras autour de mon cou pour me le rendre.

— Doucement, t'emballes pas. Je n'irai pas plus loin.

— Je sais. Je veux juste une pause dans les hostilités. Je ne veux pas de sexe. Juste tes bras. Jusqu'à demain matin. Rien que quelques heures. S'il te plaît. Juste ce soir. Rien que ce soir. Laisse-moi rêver.

Solène reprend les paroles du discours. Sa voix est suppliante. Elle a posé sa tête contre mon épaule. Je sais que ce discours l'a faite vibrer. J'ai bien senti à ses réactions qu'elle était d'accord avec cette drôle d'Alpha nouvellement installée. Une trêve de quelques heures ne me tuera pas. Je passe mes bras autour de sa taille et la soulève. Je la porte jusqu'au lit.

— Ok. Jusque demain matin.

On s'allonge l'un à côté de l'autre. On s'embrasse sagement, pendant plus d'une heure. Je finis par caresser son flanc. Nos jambes se mêlent pendant qu'on s'embrasse. Ma main lui passe doucement dans le dos et sur les fesses. Elle glisse ses bras sous les miens, me caresse le dos. Je commence à descendre dans son cou, sur son épaule. Je fais glisser la bretelle de son débardeur et continue de l'embrasser. Je lui retire son débardeur et enlève mon tee shirt.

Mon pantalon commence à gonfler. J'ai envie d'elle malgré les deux ans de colère. Je sens qu'elle en a envie aussi. Pas pour la procréation, un besoin animal, un besoin de l'autre, pour oublier l'horreur. Je l'entends à sa respiration. Je la bascule et m'installe au-dessus d'elle. Je lui retire sa jupe et l'envoie à l'autre bout de la pièce. Je me déshabille en quatrième vitesse.

Mes lèvres descendent vers sa poitrine. Je lui arrache son soutien-gorge. En remontant sa main vers ma nuque, elle fait choquer son bracelet contre celui de mon biceps. Ce bruit m'arrête net, me rappelant ma condition. Je me remets sur le côté. Je serre Solène contre moi en culotte et l'immobilise. Je viens de perdre mon envie en deux secondes.

Comme prévue, sa mère est furieuse. Dès le lendemain, elle appelle Solène et se plaint pendant deux heures. Elle débarque le soir sans prévenir et me bat comme plâtre dès son entrée sans raison. Solène ne me défend pas. La trêve est finie.

Nous reprenons notre quotidien de refus de fécondation, punitions, colère et rejet. Solène suit les réformes de la jeune Alpha avec enthousiasme. Je la vois s'extasier sur les choses mises en place pour le bien-être des femmes, pour celui des hommes. Elle dissimule cela toutefois, elle admire Alpha Inès.

Je la vois applaudir toute seule dans son bureau ou à la télévision lorsque le nombre d'entraves diminue. Quand un bracelet de gestion permet de supprimer le collier de contrôle. Solène rêve de ce monde. En attendant, elle subit celui de sa mère et m'envoie des décharges une semaine par mois. Solène a entendu qu'Inès apprenait à lire, écrire et compter aux hommes. Un métier leur est permis. Je sais déjà lire, écrire et compter.

Solène s'est mise en tête de m'enseigner un métier. Elle demande à toutes ses amies de me parler de leurs travails. J'écoute donc une jardinière, une fleuriste, une maçonne, une boulangère, une agricultrice, ... Solène veut que je trouve un métier qui me plaît. Devant son obstination, je lui dis que j'aime les mots. Je rédige de faux discours sur des sujets bidons. Des débats pour lutter contre le port du string masculin. Je finis par la faire rire. Ce n'était pas le but. Je voulais qu'elle me fiche la paix.

Elle me réquisitionne pour gérer sa correspondance professionnelle. Je deviens son secrétaire personnel, au courant de beaucoup de choses que je ne devrais pas. Je lis des rapports sur le fonctionnement des bracelets. Des rapports de femmes qui surveillent Inès ou les rebelles. Je ne sais pas pourquoi Solène me laisse un libre accès à des informations confidentielles et cruciales. Elle me donne les mots de passe des bases de données de sa mère. Je ne sais pas si Solène se rend compte de ce qu'elle fait. Je crois que oui. C'est sa façon de se faire pardonner. Ça et le fait qu'elle a cessé de me demander de la féconder.

Solène me regarde en train de taper un texte. Je suis surpris et me retourne. Elle me sourit et se lève pour déposer un baiser rapide sur mes lèvres. Elle part dans la cuisine. Je la suis. Je veux comprendre ce qu'elle veut.

— Rien. Je te trouvais mignon, concentré sur ton texte. J'ai juste eu envie de t'embrasser. Rien de plus.

Je m'emporte, lui confirmant qu'elle n'aura rien de plus. Ce n'est pas en me donnant un pseudo-travail que je lui pardonnerais son comportement. Je ne veux plus qu'elle me touche. Je lui dis qu'elle me dégoûte. Je la hais comme je hais sa monstrueuse mère. Solène part en pleurant.

Je sais que j'ai été trop loin. Ce n'était qu'un bisou innocent. J'ignore pourquoi je me suis emporté comme ça, sans raison. J'aime aider Solène dans son travail. Je n'ai plus aucune patience. Tout m'énerve. J'ai envie de tout casser. Je donne un coup-de-poing dans le mur, me fais mal à la main. Je ne sais même pas pourquoi je suis en colère. Solène s'est mise en tenue de footing. Elle s'apprête à sortir, pour oublier ses yeux rouges. Je suis à la porte, la tête contre le mur. Je murmure.

— Solène. Laisse moi sortir. Prendre l'air. Courir avec toi. Je deviens fou entre ses quatre murs. Ça fait deux ans et demie que je ne suis pas sorti si ce n'est pour aller chez ta mère voir une fille se faire violer. Je n'essayerais pas de m'enfuir. Je ne te ferais pas de mal. Je veux juste voir le soleil et courir ailleurs que dans le jardin. S'il te plaît. Laisse moi sortir. Je me meurs entre ses quatre murs.

Je la sens hésiter, observant le mur abîmé à côté de ma tête et ma main ensanglantée.

— Si j'accepte, tu seras sage ? Tu accepteras de dormir avec moi ? Pas de sexe. Juste dormir ensemble. L'un contre l'autre. Ton corps me manque la nuit. Tu voudras bien ? Tu me le promets ?

— Oui Delta Solène. Je serai un bon reproducteur obéissant.

Je lui réponds dans un souffle. Je l'entends soupirer en ouvrant le placard et me tendre mes baskets. En quelques secondes, je suis prêt. Solène ouvre la porte, s'avance dans le jardin, réglant quelque chose à sa montre.

— Reste à coté de moi. Dans les vingt-cinq mètres. Sinon, tu seras électrocuté. Et je n'ai pas l'intention de ralentir pour toi. Tant pis si tu manques d'entraînement. Tu n'avais qu'à obéir.

Elle commence à trottiner et s'éloigne. Je reçois une petite décharge pas très forte. Elle est à trente mètres. Je la rejoins. Elle se met à courir. Je ne manque pas d'entraînement. Je courais autour de la maison dans le jardin. Il y a même ma route là où j'ai usé l'herbe. Je colle Solène, plus proche du mètre que des vingt-cinq.

Je la vois accélérer doucement s'assurant que je tiens le rythme. Je me rappelle quand je la poursuivais pour lui faire des bisous. Ce souvenir me donne envie de jouer avec elle. Elle déteste qu'on lui touche les fesses. Je m'approche d'elle et donne une petite tape sur la fesse. Je la dépasse. Elle me regarde avec surprise. Je lui fais un grand sourire, la laisse me doubler, et recommence. Au moment où elle va me doubler de nouveau, elle me surprend en me tapant aussi sur les fesses. Je la vois sourire.

J'accélère. Elle fait de même pour m'empêcher de la rattraper, fait des zig zag et m'esquive. Plusieurs fois, ma main tape dans le vide. Je parviens enfin à mes fins. Elle se met à me poursuivre. Je cours plus vite qu'elle. Je suis moins leste. Nous jouons au chat et à la souris pendant presque une heure.

D'un coup, elle arrête de courir. J'ai beau lui mettre une petite tape sur les fesses, elle reste immobile. Alors que je m'étais éloigné, je me rapproche. Elle semble totalement perdue. Ses yeux regardent dans le vide. Je place ma main sur sa fesse. Tapote de nouveau. Elle me regarde droit dans les yeux.

Puis, elle met ses bras autour de ma taille, sa tête contre mon torse et se met à pleurer à grosses larmes. Je ne sais pas quoi faire. J'hésite quelques secondes. Je la serre dans mes bras lui caressant les cheveux et embrassant le sommet de la tête. Je ne sais pas ce qu'elle a. Elle finit par se calmer, essuie ses larmes et me prend la main en regardant le sol.

— Rentrons s'il te plaît.

Je m'exécute, un peu paumé. On rentre en silence. Elle se douche, me laisse la place. Elle a re pleuré sous la douche. Nous mangeons toujours sans un mot. Solène semble totalement à côté de la plaque. Je ne comprends pas. Elle part se coucher, sans me demander de la rejoindre.

Je débarrasse la table, range le beurre et l'eau et fait la vaisselle. Je vais m'allonger près d'elle. Elle ne dort pas. Elle pleure. Timidement, quelques centimètres à la fois, elle vient se blottir contre moi, posant sa tête contre mon torse. Sa main glisse sur mon ventre. Elle me caresse, perdue dans ses pensées.

Pendant plus d'une heure, elle me caresse en douceur, dans un mutisme total. Je ne bouge pas. Je ne parle pas. Je ne sais ni quoi dire ni quoi faire.

— Je dois aller à un gala bientôt. J'ai besoin d'un cavalier pour danser. Tu veux bien venir avec moi ? S'il te plaît.

Je lui fais un bisou sur les cheveux.

— OK

Solène ferme les yeux et finit par s'endormir la main sur mon ventre.

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