De nos jours ..... A demain
Un jour, en lisant les journaux, j'ai imaginé un monde dystopique mais il me fallait savoir comment cela était arrivé. J'ai donc inventé une Histoire, celle de ma dystopie.
An 2006...
Trop de viols. Trop d'agressions. Les femmes en ont marre. Suite à un mouvement social planétaire, elles se rebellent. De partout, les dames parlent et révèlent leur quotidien, les agressions qu'elles ont subies. Elles dénoncent leurs bourreaux et tous ces actes misogynes, condescendants, vulgaires ou violents. Les témoignages affluent. Le monde prend part à leurs souffrances. Cela ne dure que quelques jours.
Très vite, les témoignages sont contestés. On remet en doute la crédibilité des victimes, les faisant parfois passer pour des bourreaux. On condamne quelques hommes pour calmer le jeu. Des figures importantes et célèbres du sport, cinéma ou de la finance. Quelques procès médiatisés soit disant exemplaires. Quelques sacrifiés punis pour l'exemple et pour apaiser les esprits.
Une goutte d'eau dans un océan de problèmes. Les demoiselles sont confrontées à la misogynie dès la naissance et les actes de domination à leur égard sont légions. Les citoyennes qui osent les montrer à la face du monde sont traitées d'hystériques, de folles et de castratrices. On stigmatise la population sur quelques folles extrêmes pour discréditer le mouvement planétaire.
On en appelle à la liberté d'expression, on réclame le droit d'importuner sous couvert de vouloir séduire. Des égéries célèbres elles-mêmes se retournent contre la gent féminine. Le droit de dire non et d'avoir la paix, la notion de consentement devient floue. Des gestes agressifs sont cités comme étant la norme. Caresser la main d'une fille dans le métro sans son consentement devient de la drague et non une agression.
Des femmes s'extrémisent et deviennent les folles furieuses récriées qui ne font pas avancer la cause, bien au contraire, en voulant protéger, elles font reculer les mentalités. Les " borderlines" font peur et entraînent une radicalisation massive d'hommes et une baisse de soutien des autres représentantes de la gent féminine.
Les victimes se heurtent à un mur de déni, ou à des questions sur leurs tenues vestimentaires, comme si elles avaient cherché à se faire agresser, comme s'il était facile de se défendre contre les coups. On les rend coupables au lieu de les protéger et de les secourir. La détresse émotionnelle est mise à la poubelle, les délits sont minimisés. On protège les coupables, on les rend célèbres. On parle d'eux et non des victimes.
Voyant qu'on ne les écoute pas vraiment et que les choses ne bougent pas, plusieurs intellectuelles émettent une idée et s'associent. Elles s'organisent dans le plus grand secret. Elles rêvent d'un monde juste et équitable. Un monde où chaque humain vaut autant que l'autre. Blanc, noir, indien, chinois, tahitien, homme, femme, enfant... Tous égaux. Tous respectés. Tous protégés. Elles savent que cette société ne peut exister dans l'état actuel des choses, quand on voit que l'une des plus grandes puissances mondiales a élu un prédateur sexuel comme président, la planète n'est pas prête à une égalité entre humains.
Se surnommant elles-mêmes les amazones, du nom de cette tribu de femmes guerrières de la mythologie grecque qui auraient existées d'après les dernières découvertes, ces érudites ont compris que le monde ne pourra pas changer et devenir plus juste avec autant de déballage public. Elles savent que pour parvenir à leurs fins, il faut tout changer de fond en comble, progressivement. En avançant à pas de loup, elles se préparent à une guerre invisible de longue durée. Une révolte silencieuse se met en place doucement.
Ces fines stratèges savent qu'elles ne verront pas l'aboutissement de leur guerre et que leurs filles puis leurs petites-filles devront poursuivre leur œuvre. Peu importe, à terme, la vie humaine sera protégée, les femmes ne subiront plus de violences. Plus personne ne subira de violences. La suprématie masculine est comme une maladie à leurs yeux. Un travers qui contamine chaque être humain dès sa naissance. Les hommes agissent de la mauvaise manière sans même s'en rendre compte, les femmes acceptent sans se rebeller. Les humains sont endoctrinés dès la naissance.
Ces intellectuelles ont trouvé un remède, une manière d'agir pour enrayer la progression du vice. Elles vont le distiller sur la planète entière, des zones saines vont apparaître et s'étendre peu à peu. Les stratèges ont un plan d'action, une méthode en douceur et tel un loup dans la bergerie, elles vont prendre les hommes à leur propre jeu. Lentement, mais sûrement.
Pour cela, elles ont besoin d'alliés dès le départ. Les quelques premières amazones commencent par recruter et convertir des femmes très influentes. Par chance, une styliste de renom fait partie de leur recrue et la modiste leur présente des épouses de dirigeants ou même des princesses et reines du monde entier. Quand les révolutionnaires parviennent à convaincre Elisabeth II de les soutenir, la machine est lancée à plus grande échelle. La Reine d'Angleterre ouvre les portes de la sphère politique aux activistes et fournit de redoutables femmes d'affaires influentes à la révolution silencieuse. Elle fait en sorte que son petit-fils et surtout sa femme Kate, lui succèdent à la tête du Royaume-Uni.
Les amazones font part de leurs idées au sein des milieux politiques et financiers, tout comme auprès de certaines populations plus réceptives. Très vite, le Canada et plusieurs pays scandinaves élisent des responsables entièrement féminines qui ont beau changer, les dirigeantes restent des stratèges sous couverture.
De partout dans le monde, des groupes de rebelles se forment sous la supervision de leurs créatrices. Des femmes exerçant tous les corps de métier se réunissent discrètement. Les amazones proviennent de toutes les catégories sociales, de tous les types de métiers, de toutes les origines ethniques. Des médecins, des soldates, des agricultrices, des ingénieurs du nucléaire, des biologistes, des physiciennes, des informaticiennes... Ensemble, s'associant dans l'ombre, sur toute la planète.
Les femmes se structurent en fonction de leurs compétences. Celles qui ont émis le plan de base et celles qui le peaufinent sont les stratèges. Les intellectuelles s'occupent de la partie scientifique. Les missionnaires prennent en charge les soins et la logistique. Les militaires assurent la défense et l'entraînement au combat ainsi que l'approvisionnement en armes. Les espionnes cachent les données au monde ou s'immiscent dans des postes essentiels et permettent l'avancée du plan de façon secrète avec le soutien des premières dirigeantes.
Chacune trouve son utilité et son rôle au sein de l'organisation des amazones. Toutes sont aussi importantes que les autres. Les femmes se traitent en semblables. Le respect et l'égalité sont les maîtres-mots. La volonté de changer durablement les choses est ancrée en elles. En se serrant les coudes et en se protégeant les unes les autres, elles progressent doucement, mais sûrement.
Elles se regroupent et s'organisent en silence, chacune ayant une mission précise. Profitant de la vague de solidarité et de compassion publique mondiale, les missionnaires font apparaître des villages constitués uniquement de femmes. Respectant le code secret de leur organisation, elles refusent la présence d'hommes autre que leurs fils. Point de départ du changement de monde, ces minuscules gouttes de civilisation, perdue dans l'océan du reste de la planéte n'attire pas vraiment l'attention ou alors juste celle de quelques journalistes ou bien-pensants qui soulagent leurs consciences en soutenant financièrement les missionnaires et les évoquant comme des femmes merveilleuses.
Stockant nourriture, armes, médicaments discrètement, les dames apprennent à se battre et à se défendre, se protégeant les unes les autres. Elles laissent apparaître au monde le strict minimum à leur survie. La vérité est dissimulée par les nombreuses femmes infiltrées dans des domaines aussi variés et internationaux que possible.
Des fabricantes d'armes modifient leurs productions et leurs ventes. Des humanitaires détournent des stocks. Des espionnes internationales du Mossad, de la DGSE, du KGB, de la CIA et d'autres services modifient leurs rapports d'enquêtes. Les femmes se couvrent les unes les autres. Dans le plus grand secret, les villages refuges deviennent des places stratégiques.
Dans leurs antres, les stratèges reprennent tout depuis le début. Pour changer les mœurs, il faut éduquer les enfants pour qu'ils deviennent des adultes modèle, qui continueront d'appliquer les règles d'un monde juste et égalitaire. Elles enseignent à leurs enfants le bon comportement et le respect mutuel.
Les amazones ont été malignes. Elles ont pris des terres agricoles, des surfaces jugées peu utiles ou inhospitalières, sans ressources de type diamant ou pierre précieuse, les femmes semblent n'accomplir que de basses besognes aux yeux du monde. En apparence, elles restent sous la coupole de gouvernements et produisent des denrées alimentaires pour leurs pays respectifs. Une grande partie du monde se désintéresse d'elles et continue de vivre comme avant.
Leurs villages sont des sortes de micro-départements annexes ayant juste pour particularité d'être peuplés de femmes et d'enfants. Des lieux faiblement habités avant l'arrivée des dames. Des terres montagneuses, désertiques, rurales, destinées à de la culture à faible rendement ou de l'élevage extensif. Le peu d'hommes qui y vivait céda facilement la place, sans heurts. Elles commencèrent par un village, puis le voisin, puis un autre, pour finir par quasiment la taille d'un département français.
De grandes surfaces disséminées partout dans le monde. Des étendues encore plus vastes dans les terres asiatiques, africaines et russes. Les bien-pensants soutiennent les villages de femmes. Personne ne se méfie. Elles paraissent si inoffensives. Des gouvernements les protègent et leur accordent des droits, des privilèges et des sortes d'ambassades ou de lieux refuges. Certains sont des alliés avec une amazone pour chef, d'autres le font justes pour gagner des points dans l'opinion publique avant quelques élections. Les femmes se font protéger en apparence par leurs gouvernements. En réalité, elles commencent la manipulation d'opinion publique à grande échelle.
On parle de thérapie par la terre, de renouveau par le travail. Les femmes battues ou traumatisées se reconstruisent en utilisant le sol ou les animaux. Elles reprennent confiance en elles en suant et en accomplissant des choses par elles-mêmes. Ça, c'est le beau discours aux yeux du monde. Des mots à la mode faits pour plaire. En réalité, elles se reconstruisent en apprenant à se servir d'un revolver ou en massacrant une statue à l'effigie de leurs bourreaux à coups de batte de base-ball.
Les intellectuelles ont bien réfléchi. Une solution à chaque souci est fournie. L'un des problèmes majeur est la reproduction. Au sein de leur lieu de vie, à l'abri des regards, les amazones emprisonnent des hommes de passage, souvent des curieux ou avides qui ont voulu s'emparer du village.
Les femmes s'en servent comme reproducteurs uniquement, annihilant tous leurs droits. Ils sont enfermés et bien traités. On ne leur demande que de donner un échantillon de sperme de temps en temps. Utilisant la fécondation in vitro, les femmes tombent enceinte. C'est une période transitoire, juste le temps que leurs fils soient suffisamment nombreux et en âge de se reproduire.
Au début, cela ressemble à des regroupements de femmes pacifistes. Le sort des prisonniers est caché. Le reste du monde croit simplement que les hommes n'ont pas le droit de séjour, et non qu'ils sont assassinés ou mis sous contrôle. Au sein même de l'organisation des amazones, on se justifie par le fait que ce sont des porcs qui ont été capturés. Pas des êtres humains dignes de respect, eux sont libres. Les captifs sont bien traités, nourris, logés et soignés. Ils sont justes enfermés et contraints à un don de sperme régulier sans violence.
De plus en plus nombreux, ces groupes protègent davantage de femmes au fil des années. Les villages deviennent des villes, des départements. Les intellectuelles, avec l'aide de soldats commandos d'élite, ou légalement par le suffrage universel, mettent des femmes à la tête des gouvernements de plusieurs petits pays. Ces contrées se montrent pacifiques envers leurs voisins, participant aux échanges internationaux. De petites tailles et n'ayant que peu d'influence sur l'économie et les richesses mondiales, ces mini-dictatures ne montrent pas ouvertement l'esclavage masculin, elles sont laissées en paix et n'attirent pas le regard.
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En cent ans, les amazones se sont appropriées de grandes surfaces en Océanie, Asie, en Amérique du Sud, en Afrique, en Europe et en Russie. Elles ne touchent pas en apparence aux ressources de valeur comme l'or ou le pétrole. Elles s'emparent de l'accès à l'eau et à l'alimentation. Les femmes revendent suffisamment pour que le reste de la planète ne manque pas de nourriture. Elles sont devenues les fermières du monde.
Les stratèges mentent sur leur nombre, cachant l'âge et la quantité de femmes réellement présentes. Elles ont accepté de sacrifier une partie d'entre elles pour satisfaire les besoins sexuels des hommes et ne pas éveiller leurs soupçons. Les dames savaient que leur révolte prendrait du temps, c'était prévu dans le plan depuis le départ.
Les petits pays deviennent plus gros. Quelques pays riches et influents sont soumis aux amazones confidentiellement. Des princesses et des reines ont rejoint la cause commune dès les premiers jours. Elles ne divulguent pas leurs secrets. Le Royaume-Uni est le premier allié. D'autres ont rejoint le mouvement peu à peu. Les présidentes de nombreux pays sont des amazones qui se renouvellent au fil des générations.
Quand il n'est pas possible de mettre une femme à la tête du pays, les amazones agissent dans l'ombre. Un pantin, souvent le mari, est mis en avant. Sa compagne, ou sa fille parfois, dirigent en sous-marin le territoire. Les fils d'amazones, devenus grands, se placent eux aussi à des postes stratégiques. L'Afrique, l'Asie et une bonne partie de l'Amérique du Sud sont gangrenés de marionnettes ou d'alliés. Plusieurs pays du continent européen et russe, des États de l'Amérique centrale et du Nord le sont également.
Au bout de deux cents ans, quand les amazones détiennent toutes les ressources alimentaires du monde et assez d'armes, de médicaments et le nécessaire à la guerre, elles coupent les vivres. L'opération "Grand chamboulement" débute. La nourriture et l'eau n'étant distribuées que dans leurs pays, les stratèges acceptent d'accueillir ceux qui se présentent affamés.
En voyant cela, les hommes encore libres tentent de reprendre le contrôle. Les intellectuelles ont placé plusieurs d'entre elles à des postes clé dans le monde misogyne, des généraux, des conseillères ou des femmes de présidents ou de dictateurs. Au moment de la révolte, leurs taupes désactivent ou affaiblissent les moyens d'attaques et de défenses des êtres masculins.
La gangrène se révèle au grand jour. Les amazones ne se cachent plus aux yeux du monde et créent un mouvement de panique. Toutes les soldates présentes dans le monde des hommes se rebellent et aident à la fuite des autres femmes, qui affluent en masse dans les refuges. Toutes celles à de hautes fonctions neutralisent au maximum les gouvernements en place. Celles dirigeant des Etats, appliquent au grand jour la nouvelle politique. En quelques jours, tous les représentants de la gent masculine du Royaume-Uni, du Canada et de nombreux autres pays sont réduits en esclavage.
Les amazones effectuent des raids pour sauver davantage de personnes innocentes, les ramener dans leurs terres. Les femmes et les bébés sont secourus. Les hommes neutralisés au fur et à mesure. Ils sont tués s'ils sont trop belliqueux ou dangereux, souvent par une demoiselle qu'ils avaient maltraitée, parfois par leurs maîtresses, leurs femmes ou leurs filles devenues rebelles. Ceux qui survivent sont mis sous contrôle pour être reproducteurs ou pour travailler comme esclaves. Ils sont plus ou moins biens traités en fonction du niveau de misogynie de leurs comportements passés.
Seuls les fils d'amazones sont traités en égal par les femmes. Malheureusement, en deux cent ans, les mentalités ont quelque peu changé par rapport au projet initial. Les révolutionnaires actuelles estiment que les hommes qui n'ont pas reçu une éducation égalitaire sont potentiellement dangereux. Pour leur sécurité, les femmes entravent les mâles et bien qu'elles ne leur fassent aucun mal s'ils restent obéissants, elles les transforment tous en esclave. Certains captifs refusent de faire des dons de spermes. Ils sont exécutés sommairement ou drogués et violés. Au mépris de la volonté d'intégration des hommes respectables qu'avaient rêvé les premières amazones, celles d'aujourd'hui estiment que seuls leurs fils sont dignes de liberté.
Les chefs d'États masculins rassemblent leurs troupes et envoient des soldats. Aucun ne pense à s'allier aux autres et les troupes sont éparpillées. Les femmes sont plus nombreuses et connaissent mieux le terrain. Les amazones se sont préparées depuis le temps. Elles ont prévu l'attaque et les moyens de se défendre. Elles savent se défendre. Elles sont coordonnées entre elles. Des pays puissants les soutiennent et leur fournissent armes, soldats, argent et autres choses nécessaires.
Aucune pitié n'est faite de chaque côté. C'est un combat à mort pour remporter la Terre. Tous les coups sont permis, y compris ceux contraires à tous les codes de déontologie qui existaient auparavant. Les hommes attaquent les civils via les hôpitaux et les terres agricoles pour priver les dissidentes de nourriture et de soins. Les femmes tuent les soldats qui agitent un drapeau blanc pour se rendre ou bien torturent des hauts gradés pour soutirer des informations.
Le grand Chamboulement devient une guerre à l'échelle mondiale, qui dure deux décennies. Il y a des morts, des milliards de morts. La population humaine est décimée par les tueries. Des connaissances sont perdues, suite aux bombardements, aux incendies et aux pillages qui éliminent bon nombre de savants et brûlent des bibliothèques ou des lieux de savoir. Des données écrites, informatiques et surtout des cerveaux remplis sont définitivement disparus. La disparition de connaissances, surtout en médecine et en biologie, sont immenses. La technique de fécondation in vitro ou les greffes d'organes sont oubliées avec les docteurs capables de les réaliser.
Certains dirigeants mâles totalement fous veulent en finir rapidement. Se pensant à la tête d'un pays à la suprématie incontestable, et croyant que les femmes sont de faibles créatures qui seront vite apeurées, ils ordonnent des offensives insensées. L'envoi de bombes nucléaires type Hiroshima ou le bombardement de centrales nucléaires, provoquant de nouveaux Tchernobyl, ravagent les terres des amazones, mais également celles des hommes. La surface du globe est irradiée plus ou moins fortement selon les zones. Certains pays deviennent inhabitables pour plus d'un siècle en raisons des radiations. La poussière d'oxyde d'uranium et de cobalt se répand sur toute la planète.
Face à de telles horreurs, beaucoup d'hommes se retournent contre leurs dirigeants et les assassinent ou permettent aux amazones de prendre le contrôle, perdant leurs libertés, mais espérant y gagner leurs survies. Peu à peu, les stratéges privent les hommes libres de femmes. Leur nombre diminue et ils disparaissent. Les mâles restants n'ont plus de quoi procréer. Ils ne peuvent plus se nourrir. Ils ne possèdent plus de quoi vivre. Mourir ou devenir reproducteur. Tel a été leur choix, parfois fait à leur place.
Au bout de deux cent cinquante ans depuis les prémices de leur guerre silencieuse, les amazones finissent par gagner et instaurent enfin la paix. Les soldats et derniers mâles restants sont faits prisonniers. Ils rejoignent le cheptel d'esclaves sexuels ou travailleurs. Peu à peu, les femmes tentent de reconstruire le monde dévasté.
En raison des bombardements d'usines, de fortes quantités de produits chimiques se sont déversées dans la nature ou ont brûlées, répandant des nuages toxiques et des poussières nocives sur l'intégralité de la planète. Les survivants subissent des cancers à grande échelle et une mortalité précoce. Entre radiations et substances nuisibles, de nombreuses fausses-couches se produisent, réduisant la natalité. Les enfants du grand chamboulement, soumis depuis leurs naissances à ces phénomènes délétères, présentent des mutations d'importance plus ou moins fortes et souvent une stérilité.
Les populations humaines et animales, déjà fortement diminuées, continuent de se réduire en raison d'une espérance de vie raccourcie, d'un faible taux de natalité et de forte mortalité infantile. Les médias s'inquiètent et évoquent une extinction de masse.
Les amazones ont gagné, mais à quel prix ? Elles se sont emparées des richesses au fur et à mesure. L'Asie, l'Afrique en premiers. L'Europe et les Amérique ensuite. L'Océanie est la dernière à résister. Elles récupèrent une planète détruite et peu propre à la vie humaine ou animale.
La volonté d'égalité initiale est quelque peu mise à mal par des victimes ayant tellement souffert qu'elles veulent se venger. Ces femmes, qui ont été battues, violées ou humiliées, haïssent la gent masculine au plus haut point. D'autres détestent les hommes puisque ce sont eux via leurs dirigeants qui ont lancé les offensives irradiantes et polluantes, sans réfléchir une seconde aux conséquences. Les dernières femmes sont cupides et ont soif de pouvoir, elles veulent toujours plus du fait de leur nature humaine.
Quelques fils inquiets de la tournure des événements, s'opposent à leurs mères et à leurs sœurs. Trahies par leur sang, les femmes annihilent les droits de leurs fils, de leurs frères, de leurs pères. Ils deviennent eux aussi des esclaves. Le projet initial est oublié, bafoué. Le monde bascule peu à peu dans une inégalité inversée des rapports de forces d'origine. Un déséquilibre encore plus intense que celui du départ.
L'an Zéro de la Renaissance est proclamé. Un nouveau système planétaire est mis en place. La criminalité est quasi nulle. La recherche en armements est délaissée peu à peu au profit des technologies énergétiques et de moyens de lutte contre la pollution radioactive et chimique. Le taux d'illettrisme est très faible. L'accès à l'eau et aux ressources alimentaires est largement répandu.
Devant l'ampleur des mutations génétiques liées à la radioactivité qui s'est répandue sur toute la planète, une classification est établie. Le principe est simple. Les êtres humains sont classés en fonction de leur patrimoine génétique : probabilité de résistance aux maladies ; espérance intellectuel ; potentiel physique ; absence de mutations. Une note de zéro à cent est attribuée à chaque humain.
Les meilleurs reproducteurs sont donnés aux femmes dominantes : les Alphas, celles qui ont une note au-dessus de quatre-vingts. Elles sont extrêmement rares, si exceptionnelles qu'elles dirigent un état, si précieuses qu'elles ont droit à un nombre illimité de mâles en même temps, pour transmettre leur génome.
En bas de l'échelle sociale, les Zêtas, les femmes ayant une note inférieure à cinquante ou n'étant plus fécondes. Elles sont privées de reproducteurs et sont les employées des autres. Entre, les Deltas: soixante-dix à quatre-vingts, les Epsilons : soixante à soixante-dix et les Gammas : cinquante à soixante.
À la naissance, les enfants sont testés par prélèvement d'une goutte de sang. Ils sont répartis en fonction de leurs potentiels et éduqués selon leur avenir. À seize ans, un test plus complet pour vérifier les aptitudes permet le classement définitif et l'attribution du nom d'adulte.
Les jeunes femmes reçoivent leur métier et parfois leur premier mâle. Les reproducteurs partent chez leur première propriétaire. Tous reçoivent un code. Sexe mâle (M) ou femelle (F), Première lettre de la catégorie sociale (Alpha, Delta, Epsilon, Gamma, Zêta), Valeur génétique (de zéro à cent), état, année et mois de naissance, classement au test complet.
Les affectations sont dirigées par ordinateur afin de minimiser la consanguinité, favoriser la diversité du génome et éliminer les tares liées aux mutations. Les reproducteurs changent de propriétaire si elle se lasse, s'ils lui font un enfant, ou si elle devient inféconde.
Les amazones dominent ce monde, depuis maintenant mille ans. Les effets de la pollution du grand chamboulement ont diminués voire presque disparus et les populations animales et humaines présentent moins de mutations délétères. Les taux d'infertilité, de mortalité infantile et de cancers chutent. Les populations animales voient leur taux de natalité revenir aux valeurs d'avant chamboulement.
Cependant, pour les humains, malgré une gestion informatique, le système s'enraille depuis une centaine d'années. La répartition des naissances est déséquilibrée, comme si le corps des futures mères refusait de porter un mâle. Les reproducteurs viennent à manquer. Les hommes, maltraités souvent, meurent plus vite et donnent de moins en moins de descendants. Avec de moins en moins de mâles en capacité de se reproduire, le taux de natalité chute de nouveau drastiquement et le peuplement du monde diminue peu à peu.
Au fur et à mesure que le nombre d'Alphas faiblit, les États sont regroupés. La planète est aujourd'hui divisée en trente-six États. L'Alpha ayant la meilleure note supervise tous les autres. C'est l'Alpha Suprême. Ce monde n'est pas si parfait. Les reproducteurs commencent à se rebeller. Des femmes aussi. Sept milliards d'humains hier, trente millions aujourd'hui dont un seul million d'hommes seulement. Entre la chute de la natalité et les maladies de consanguinité qui croissent de plus en plus, la survie de l'espèce humaine est en danger.
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