Chapitre 4
Mon salon était ravagé. C'était comme si une tornade l’avait traversé : il avait été totalement retourné. Tout était à terre. Les coussins avaient été lacérés, le rembourrage avait été projeté un peu partout. Mon canapé, éventré. La table basse, détruite. Le beau fauteuil de maman était tombé au sol mais ne semblait pas trop abîmé. Mon père était au milieu de ce carnage, immobile, le regard fixé sur la fenêtre fracassée. Il parlait au téléphone.
- Papa ?
Il se retourna d'un bond, alerte. Lorsqu'il me reconnut, il sembla un instant déconcerté. Puis une lueur arriva dans ses yeux.
- Je vous rappelle plus tard.
Il raccrocha. D’un geste vague, il désigna le salon :
- Une équipe viendra tout remettre d’aplomb.
Il sortit. O...kay ? Je restai un instant sans bouger avant de me résigner à la suivre. Après tout, quels choix avais-je ? Dans le jardin, mon père était planté là, en face à face avec quatre loups gentiment assis sur leur derrière. Yaela fut la première à me voir. Elle vint à ma rencontre en trottinant avant de pousser avec son museau dans mon dos (outch) et de repartir s'installer près de mon père. J’avançai avec moins d'entrain. J'avais lu quelque part que les loups sentent la peur. Ce n'était pas vraiment pour me rassurer. Mon père, quant à lui, m'accueillit avec un grand sourire, comme si tout était parfaitement normal, comme si rien ne s'était passé.
Un des loups aboya.
- Plus tard, Charlie.
- Tu… as… un loup, un loup… qui s’appelle Charlie ?
Après tout pourquoi pas, ce n’est pas comme si ma vie était normale ce soir. Je dois rêver en fait. Exactement, je cauchemarde tout ça. C’est obligé. C’est évident. Tout ça n’est pas vrai.
- Eh bah… bonjour Charlie. (Je me tournai vers mon père) Tu as combien de loups exactement ?
Les loups dévoilèrent leurs babines d'un même mouvement. Je reculai d'un pas.
- Ils ne m’appartiennent pas, Adhara, ils sont sous mes ordres.
- Donc… Ils sont… tes soldats ?
- Exactement, approuva mon père, l’air soulagé, comme si je venais de comprendre quelque chose de nécessaire. Je te présente les ilafn’. Ils font partie de l’élite de nos guerriers. Tu connais déjà Yaela (la louve inclina la tête) et voici Charlie, Gacrux et O.
Ce dernier était un loup gris aussi petit que son nom mais dont les muscles saillaient à travers son pelage par ailleurs bien fourni. Charlie et Gacrux étaient deux gouttes d’eau : deux loups aux longues pattes brunes, au pelage gris et doré, chacun avec une oreille blanche, mais Gacrux la droite, Charlie la gauche. J’espérai m’en rappeler car il me semblait bien peu intelligent de vexer ces animaux. Mon père continua en posant sa main sur la tête du plus petit :
- O est le bêta de la meute.
- Et l’alpha ?
Mon père écarta les bras en souriant et fit un semblant de révérence.
- Devant toi.
- Toi ? Evidemment que c’est toi, évidemment.
Rire nerveux. Oulala, c’est pas bon ça, je commençai à craindre pour ma santé mentale.
- O a raison, il faut qu’on y aille.
- Aller où ?
Dans le sud. En lieu sûr. Mais on a quelques arrêts avant ça. On doit récupérer tes frères. Maintenant qu’ils sont assurés de ton existence et de tes liens avec moi, je ne peux pas prendre le risque de les mettre en danger.
- Wowowowo. Attends. J’ai… des frères ? (Je clignai des yeux, incrédule, bouche ouverte dans une sorte de rictus souriant) Après tout, une femme dans chaque port, ça expliquerait tes absences.
- Tes frères, Adhara, pas tes demi-frères. J’ai toujours été fidèle à votre mère. Toujours. Bien ! On y va ?
Oui, bien sûr, je vais te suivre, juste comme ça, après toutes ces révélations chocs. Bien sûr. J’aurais aimé refuser. J’aurais aimé tout laisser, partir, loin de mon père, de ses délires. Mais je ne le fis pas. J’avais peur. La rage dans ses yeux plus tôt, le fait qu’il soit indemne alors que j’étais si abîmée, alors que mon salon n’en était plus un.
Je le suivis.
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