Quatrième histoire : Poubelles
La nuit était tombée depuis longtemps et la jeune fille s'affairait.
Elle était toute seule dans cette ruelle sombre.
Elle était fort belle, mais couverte de haillons et son doux visage était triste.
La nuit cachait à peine son étrange activité, elle fouillait les poubelles en chantant :
Il y a des choses irréelles
Dans les poubelles
Certes il y a l'ordinaire
Ce dont on ne sait que faire
Ce qui ne fait pas peur
Les inutiles blisters
Les multiples emballages
Qu'il serait plus sage
De ne pas produire
Qu'il faudrait réduire
Et puis aussi parfois
Ce que l'on n'attend pas
Ce qu'il ne faut pas
Laisser traîner
Les preuves probantes
Délicieusement infamantes
D'un adultère
Éphémère
Et puis stupeur
La pure horreur
La lettre désespérée
D'une cousine éloignée
Qui te supplie
Jour et nuit
De pardonner
D'oublier
De revenir
Avec des souvenirs
Qui ne sont rien pour toi
Mais elle ne le sait pas
Des photos
Des mots
Qu il faut conserver
Et qui sont là déchirés
Dédaignés
On veut te culpabiliser
Te demander
De te renier
Et tu te rebelles
En jetant tout à la poubelle
C'est le grand courage
Qui vient avec l' âge
Le courage
Irréel
Des poubelles
Je m'approche de la jeune fille et dis :
«— Toi, je te connais.
— Et moi je te connais trop bien, est sa réponse.
— Qui es-tu ?
— Pourquoi poser la question ? »
Un éclair me traverse l'esprit et je pars en courant.
La jeune fille rit et me lance : « je suis ta mémoire : où que tu ailles, je te suivrai. »
Annotations
Versions