St Pierre, rive droite, était un quartier calme. Environ dix-neuf-mille habitants, en majorité des couples, et des célibataires. Très jeunes pour la plupart.

Soixante et un pour cent de propriétaires, vingt-quatre de logement social.

Sarah, la première victime avait presque seize ans. Elle habitait un de ces logements, dits : "sociaux".

Jolie brune aux joues pleines de vie, et de grands yeux écarquillés et pétillants, sous de longs cils enduits de Rimmel.

Ces mêmes yeux, grands ouverts sur la vie, avides de découvertes et d'aventures ; c'est ainsi qu'on l'avait retrouvée, allongée, au milieu de la pelouse du presbytère.

La même expression juvénile, mélange de surprise et de stupéfaction.

Elle attendait souvent son bus, seule ou accompagnée de ses copines, sous les grands tilleuls de l'église.

Leur immeuble n'était pas très loin, près du terrain de foot entouré d'une piste d'athlétisme, fréquentée par quelques joggeurs.

Le soir, elles trainaient là, sous l'aubette sise au bord du terrain.

Avec d'autres jeunes, ils écoutaient de la musique, se passant leur portable, et buvant des sodas.

Un lieu de rendez-vous comme les affectionnent souvent les jeunes, en quête d'espace et de liberté. Des lieux, loin des adultes, dédiés à leurs échanges d'ados.

Ses amies restaient prostrées chez elles, depuis l'évènement. On n'avait parlé que de ça, et le choc avait été terrible.

Sidérant.

Sarah et son regard, désormais fixé vers le ciel, offerte en sacrifice aujourd'hui, comme ces jeunes vierges antiques, offertes elles aussi, pour s'assurer les auspices favorables, de dieux cruels.

A quel esprit dérangé avait-elle eu affaire ?

Quel psychopathe dégénéré, avait jeté son dévolu sur elle, et ce quartier si banal ?

Duchêne tournait et retournait la petite bille, grain de lilas perforé en son centre, entre ses doigts.

Le doux visage de Sarah le regardait, depuis le ciel.

• Je trouverai, lui promit-il intérieurement,...je trouverai, petite Sarah.