chapitre 8

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Bureau de Diezel. Le docteur range plusieurs chemises cartonnées dans une sacoche. Ce sont des documents d’une grande importance et qu’il ne souhaite pas laisser derrière lui. Le voyage qu’il s’apprête à entreprendre est un voyage sans retour. Il doit reconnaître que ce lieu ne va pas lui manquer. Il se dégage une atmosphère austère, froide et le docteur ne s’est jamais senti à sa place. Diezel a pu s’éclipser facilement du laboratoire où les jeunes femmes enceintes sont actuellement auscultées. Il a prétexté devoir travailler sur certaines données recueillies. Etant le responsable de la partie médicale, personne ne lui a posé la moindre question. Sa position au sein de l’organisation a parfois du bon.

Penché sous la table, il glisse la sacoche à l’abri des regards indiscrets, lorsqu’il entend le grincement de la porte d’entrée. Il se redresse et découvre le directeur Cross devant l’entrée. Diezel cache sa surprise, ne s’attendant pas à sa venue. Cross semble très calme et détendu, il n’a pas le profil de quelqu’un qui vient arrêter un traître. Mais le docteur sait qu’il ne faut jamais se fier aux apparences avec lui.

- Peter, je suis surpris de te voir ici.

- Pourquoi ? Il n’est plus possible de venir voir un ami dit Cross, sur un ton jovial.

- D’habitude, c’est plutôt moi qui me déplace dans ton bureau.

- Oh, rassures-toi ! Je ne suis pas venu pour te demander tes résultats. Je me remémorai le bon vieux temps, c’est tout !

- Attention. Il est parfois dangereux de vivre dans le passé et de ne pas se préoccuper du présent.

- Tu aurais dû faire des études en psychologie, tu aurais sans aucun doute fait une belle carrière.

- Tu n’es pas le premier à me le dire, je devrai peut être sérieusement y réfléchir plaisante Diezel.

- Ne crois pas que je te laisserai partir aussi facilement répond Cross, sur le même ton.

Le directeur jette un coup d’œil aux tableaux accrochés au mur et remarque que l’un d’eux est manquant. Il s’agit du combat de l’apocalypse, qui a été remplacé par une œuvre de l’époque impressionniste.

- Tu as changé ta déco ? demande Peter en désignant du doigt le tableau remplacé.

- Oui, ce tableau était un peu trop sombre, ça ne m’aidait pas à me sentir à l’aise. Il fallait un tableau avec plus de couleur et de vie.

- Ce n’est pas faux, ça peut toujours aider à égailler un peu l’atmosphère.

Diezel se contente d’acquiescer de la tête, mais intérieurement, il rit et se moque du directeur. Ce dernier ne devinera jamais qu’il a enlevé ce tableau en particulier, car il semble agir sur les personnes liés à Satan, pas seulement sur Nathalie. Soit il les met mal à l’aise ou alors c’est tout le contraire. Cela l’intrigue énormément mais jusqu’à présent, il n’a pas eu le temps d’approfondir le sujet. Il s’est promis d’y réfléchir plus longuement dès qu’il aura plus de temps devant lui.

- Je suppose que tu n’es pas venu pour parler tricot, qu’est ce qui t’amène ? Un souci avec les actionnaires ?

Le directeur pousse un soupir de dépit et fait un geste de répulsion de la main, comme s’il voulait repousser un insecte.

- Tu sais comment ils sont ! Ils me mettent la pression comme de véritables sangsues. Ils attendent avec impatience les résultats. Mais je ne m’inquiètes pas. Je suis sûr que nous allons obtenir ce que nous attendons et enfin ils comprendront toute la portée de notre quête.

- Ils ne changeront jamais, mais en tout cas, je trouve que tu prends très bien les choses. Tu ne sembles pas du tout stressé ou alors tu le cache bien.

- Ou alors j’ai foi en notre cause.

- Oui, c’est aussi un paramètre à prendre en compte dit Diezel, en souriant.

- En fait ce qui m’amène, ce sont les rumeurs qui courent.

- A quel sujet ? demande Diezel, avant de se redresser dans son fauteuil.

Le docteur ne montre aucun signe de culpabilité. Il ne tremble pas, n’est pas en sueur, il n’a pas la voix qui déraille et ne fuit pas le regard de son interlocuteur. Il connaît toutes les ficelles d’un interrogatoire.

- A ton propos. Certaines personnes pensent que tu t’es entiché d’une des captives et que tu n’agis plus de manière professionnelle. Ils pensent même que tu manigances quelque chose.

- Vraiment ! ce sont des allégations assez grave ! s’exclame Diezel, feignant la surprise.

- Je voulais juste te prévenir. Mais ne t’en fais pas, je ferai taire ces rumeurs car c’est totalement ridicule. La dernière phase est lancée et je ne permettrai pas de négligence. Tout le monde doit rester concentré.

Diezel sait que même si son supérieur ne le dit pas explicitement, la fin de la phrase lui était destinée. Le docteur esquisse un sourire.

- Tu as raison, les hommes devraient être focalisés sur leur mission et non pas sur des commérages de bonnes femmes ridicules.

- Personne ne te connaît aussi bien que moi. S’ils savaient que sans toi, je n’aurai jamais pu réussir tout ce que l’on a entrepris. Ils te verraient différemment.

- Tu me connais, je n’aime pas être sous le feu des projecteurs. Je préfère agir dans l’ombre.

C’est au tour du directeur d’esquisser un sourire. Il acquiesce de la tête avant de prendre congé. Au moment où il s’apprête à sortir, il se tourne une dernière fois vers son camarade et lui dit :

- Demain, une journée difficile nous attend. Je compte sur toi pour faire taire ces ragots par un travail exemplaire.

- Est ce que c’est un ordre ou un conseil ?

- Peut être un peu des deux répond le directeur avec un petit rictus sur les lèvres.

Le docteur se contente de sourire en hochant la tête. Il n’ajoute rien et regarde Cross sortir du bureau. N’importe qui aurait pu penser que cet entretien était juste pour le prévenir en temps qu’ami mais Diezel connaît le directeur mieux que personne. Il sait lire entre les lignes. Ce n’était pas une visite de courtoisie. Le directeur se méfie et même s’il ne l’a pas dit ouvertement, il l’a mis en garde.

Il ne sait pas ce qui se trame mais il l’a à l’œil. Diezel est le premier à savoir qu’il ne faut pas sous estimer le directeur. Ce dernier est très intelligent et retord à souhait. Diezel va devoir se montrer plus malin et plus manipulateur. La situation ne le décourage pas du tout, la partie n’en sera que plus intéressante.

Le docteur se permet même un petit sourire, tellement tout cela l’excite. Il donnerait cher pour voir la tête de Cross quand ce dernier réalisera que le but de sa vie a été détruit à jamais. Mais il n’aura pas ce plaisir, il devra juste imaginer la scène.

Il est près de 23 heures, lorsque le docteur Diezel se dirige comme si de rien n'était, à travers le sous-sol où sont enfermés les jeunes femmes. L’étage est pratiquement vide, peu de personnes sont présentes à cette heure avancée. Le docteur aura ainsi plus de facilité pour mener à bien sa mission. Il suffit d'un tout petit élément non prévu, comme par exemple rencontrer un garde dans un endroit normalement désert et tout son plan s'écroule. Mais il n'a pas le droit d'échouer, pas maintenant. Pas après tout ce qu'il a entrepris pour brouiller les pistes.

Le docteur avance d’une démarche tranquille vers le poste de garde où se trouvent trois vigiles qui discutent entre eux. Il en profite pour jeter un regard en direction de la camera qui montre l’intérieur de la cellule. Diezel s’arrête en face d’eux et sort de sa poche un faux document officiel.

- Je viens chercher la patiente Amy Wells.

- Nous n’avons reçu aucun ordre dit un des garde.

- Ce document et ma présence devraient suffire. Vous savez qui je suis. Si à cause de vous, nous prenons du retard, je pense que le directeur ne sera pas très content et vous connaissez tous son caractère.

Aucun des gardes ne répond, se contentant d’hocher gravement la tête. Ils savent tous que le directeur a un tempérament explosif et ils ne veulent être la cible de sa colère sous aucun prétexte.

- Je serai heureux d’éviter ça moi aussi dit Diezel, en souriant.

Ce dernier sait qu’il a réussi à les convaincre. Il n’a pas besoin de les menacer, la réputation de Cross senior joue en sa faveur. Un des gardes prend un trousseau de clef et se dirige vers la porte. Diezel se tourne vers les deux autres et leur dit :

- J’aurai sans doute besoin de votre assistance, c’est une fille fragile mais qui peut devenir violente. Elle est imprévisible.

Les gardes ne semblent pas enjouer d’accéder à cette requête, ne voulant pas laisser le poste de sécurité sans surveillance. Mais ils n’ont pas le pouvoir de contredire, ni de refuser une demande d’un des bras droit du directeur.

Diezel laisse les trois hommes passer devant lui. Une fois que le premier garde allume la lumière de la pièce, réveillant toutes les captives. Diezel plonge les mains dans ses poches, prêt à agir. Ne se doutant de rien, les deux premiers gardes se penchent vers le lit d’Amy pour l’aider à se lever. Tandis que le troisième, reste en retrait, afin d’avoir toutes les femmes dans son champ de vision. Mais il tourne le dos au docteur, faisant ainsi une grave erreur dont Diezel compte bien profiter.

Ce dernier retient sa respiration avant de sortir de ses poches deux seringues et de les projeter tel un lanceur de couteau en direction des deux gardes. Ils poussent un cri de surprise lorsque la seringue les atteint au niveau du cou. Ils n’ont pas le temps de comprendre quoi que ce soit, ils s’écroulent inconscients au pied du lit. Le troisième garde fait volte face mais Diezel avait déjà anticipé son geste. Il le menace de sa dernière seringue, la pointant au niveau de la carotide. Si près que le garde peut sentir la pointe de la seringue sur sa peau.

- Mais qu’est ce que….

- La ferme ! Tu bouges et tu es mort. Crois-moi, je ne plaisante pas.

Le garde se contente d’hocher la tête et de lever les mains en l’air très lentement. Il n’est pas suffisamment payé pour jouer aux cowboys.

Toutes les filles sont réveillées et restent immobiles sous le choc, ne comprenant pas ce qui est en train de se produire. Sauf Nathalie, qui sait qu’il n’y a pas une minute à perdre. Elle s’extirpe hors du lit, aussi vite que sa condition le lui permet et se tourne vers les autres captives.

- Ne craigniez rien, il est avec nous. Il a un plan pour qu’on puisse toutes s’en sortir !

Elles restent toutes stupéfaites, comme si elles n’osaient pas y croire. Elles avaient fini par perdre espoir, par accepter leur triste sort. Elles se demandent si elles ne sont pas en train de rêver, il ne peut en être autrement.

Mais pas pour Nathalie, cette dernière sait que chaque seconde compte et que le succès est loin d’être garanti. Elle s’écrie d’une voix autoritaire afin d’attirer l’attention et de sortir les autres personnes de leur état de semi conscience.

- Qu’est-ce que vous attendez ? C’est notre seule chance. Dépêchez vous !

Au son de sa voix, les autres réagissent à leurs tours. Elles s’extirpent hors de leurs lits, enfilent rapidement des vêtements, avant de se diriger vers la sortie. Elles n’arrivent pas à croire qu’elles ont une chance de quitter ce lieu en vie et surtout en emmenant leurs bébés.

Le docteur pousse le dernier garde conscient vers un des coins de la pièce et l’oblige à se mettre face contre le mur. Il continue à le menacer avec son arme de fortune. Ce que le garde ignore, c’est qu’il s’agit de la dernière seringue en possession du docteur. Il ne compte pas la gaspiller avec un sous fifre, mais la conserver au cas où un imprévu se présenterait. Le garde obéit aux ordres de Myrick qui semble totalement différent. L’image du docteur prévoyant, attentionné, doux et calme a totalement disparu, laissant la place à un homme fourbe, dangereux et menaçant.

- Vous ne pourrez jamais sortir du complexe. Vous le savez très bien. Votre fuite sera de courte durée.

- C’est ce qu’on va voir dit Diezel.

Pendant que le garde a le dos tourné, le docteur ramasse sans bruit, une des matraques qu’un des hommes inconscients a lâché dans sa chute.

- Tout cela n’est que folie.

- Je suis un médecin, la folie c’est ma spécialité ! s’exclame t’il avant d’asséner un coup sec derrière le crâne du garde.

Ce dernier pousse un grognement de douleur avant de s’écrouler au sol, inconscient. Diezel ne perd pas le temps à l’attacher. Il regarde sa montre et fait la moue, il est en retard de 2mn sur le timing prévu.

Les femmes l’attendent devant la porte, elles n’osent pas sortir sans lui, de peur de se faire attraper. Mais surtout car, elles n’ont jamais circulé librement à travers le complexe et le fait de pouvoir sortir de cette pièce, qui a été comme leur maison pendant de longs mois leur semble étrange. Un peu comme lorsque l’otage tombe amoureux de son ravisseur. Diezel comprend cette réaction mais il n’a pas le temps, ni l’envie de jouer au psychologue. Il passe devant, prenant la tête de l’expédition.

- Suivez moi en silence, nous ne sommes pas en avance.

Tout en marchant à travers un dédale de couloir, Catherine et Janice se rapprochent de Nathalie, ayant une multitude de questions à lui poser. Carla et Sandra suivent de prés le docteur, le collant presque, tandis qu’Amy ferme la marche. Elle a le regard ailleurs, comme si elle ne se rendait pas compte de ce qui est en train de se produire. Alors que les autres femmes sont tendues à l’extrême, priant pour que leur fuite réussisse alors qu’elles ne sont pas toute croyantes.

- Tu savais tout depuis le début dit Janice sur un ton empli de reproche.

- J’ai voulu vous en parler une centaine de fois, mais je ne pouvais pas. On était tout le temps surveillé et je devais faire très attention.

- Je comprends mieux pourquoi tu étais toujours tendue dit Catherine

- Si on s’en sort, t’as intérêt à m’offrir une bière pour te faire pardonner dit Janice

- Marché conclu dit Nathalie, qui malgré son anxiété réussit à ébaucher un mince sourire.

Au même instant, dans une autre aile du bâtiment. Constantine continue sa ronde quotidienne et passe devant la salle de surveillance. Normalement, il devrait passer devant celle-ci sans s’arrêter, mais il ressent un picotement désagréable à l’arrière de sa nuque. Ce phénomène lui ait déjà arrivé à deux reprises par le passé et à chaque fois c’était pour le prévenir d’un danger. Constantine a toujours écouté son instinct et à l’instant présent, ce dernier tente de communiquer avec lui. L’agent ne réfléchit pas plus longtemps et avance d’un pas décidé, avant d’ouvrir la porte à la volée.

Un agent regarde une dizaine d’écrans issues de différentes cameras de sécurité, disposées un peu partout dans le bâtiment. Il sursaute lorsque la porte s’ouvre, mais il n’a pas le temps de dire quoi que ce soit, que Constantine est près de lui, prenant sa place. Ce dernier entre un code confidentiel qui lui permet d’avoir un accès total sur le réseau de surveillance. Ce qu’il voit sur les moniteurs lui glace le sang. Aucune trace du docteur, mais également aucune trace des captives. A la place, il peut voir les trois gardes inconscients allongés sur le sol.

- Non de dieu ! s’exclame le garde à coté de lui.

- Qui est chargé de la surveillance de cette zone ? demande Constantine, qui reste professionnel et ne cède pas à la panique.

Le garde prend un bloc note à sa gauche et tourne les pages d’une main tremblante avant de dire, d’une voix mal assurée :

- Il s’agit de l’officier Jordan, vous pourrez le joindre sur le canal 6.

Constantine passe rapidement sur la fréquence en question, mais pour toute réponse, il n’obtient que du grésillement.

- Eh merde ! s’exclame-t-il, en frappant la table violemment du plat de sa main.

Son geste fait sursauter à nouveau le jeune garde. Ce dernier s’abstient de tout commentaire, ne voulant pas subir les foudres de son supérieur. Vu l’état dans lequel est plongé Constantine, il serait capable de fracasser la tête du garde juste pour calmer sa frustration. Le jeune homme ne compte pas prendre ce risque. Il déglutie avec peine et tente de se faire le plus petit possible.

Constantine sort précipitamment de la pièce et court à travers le couloir, décidé à rejoindre la cellule des captives. Il espère leur mettre la main dessus, qu’elles n’aient pas prises trop d’avance. Il s’en veut de ne pas avoir agi avec plus de discernement. Comme d’habitude, il aurait dû écouter son instinct plutôt que les ordres. Il prend son talkie walkie et compose la fréquence d'urgence du directeur. Il s'agit de celle qui ne doit être utilisé qu'en cas de nécessité absolue. Et c'est le cas. Cette évasion est la pire des situations qui pouvaient se produire.

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