chapitre 11
La voiture ne tente pas de les faire sortir de la route, Diezel sourit, en comprenant qu’ils ont des ordres pour les récupérer sains et saufs, ce qui lui donne l’avantage. La voiture fait une embardée sur le côté et le conducteur est obligé de freiner afin d’éviter un accident. Il laisse passer les deux autres voitures avant de reprendre la chasse à son tour.
- On ne tiendra pas longtemps à ce rythme ! s’exclame Nathalie, affolée.
- J’aimerai un peu d’optimisme ici dit Diezel, les yeux concentrés sur la route.
Il essaye de ne pas montrer son inquiétude, tout en faisant des calculs mentaux afin de savoir s’il va réussir à atteindre le point de rendez vous avant qu’il ne soit trop tard. Il sait que cela va se jouer à très peu de choses. Toute sa joie a disparu, remplacée par une tension intense.
Les voitures à l’arrière font du forcing, collées pratiquement au cul de la camionnette, voulant l’obliger à commettre une erreur en lui mettant la pression et à l’aveugler avec la puissance de leurs phares.
Enfin, il aperçoit le panneau tant attendu, il s’agit d’un écriteau sur le coté droit qui indique qu’a 300 mètres se trouve le pont « Kreisten bridge ». Diezel appuie sur l’accélérateur, poussant la camionnette au maximum de ces capacités. Même s’il ne voit pas très bien la route, il sait que c’est tout droit jusqu’au pont. Il a tout étudié une centaine de fois. Il réussit à prendre les agents par surprise qui ne s’attendaient pas à cette accélération soudaine.
Il réussit à les distancer d’une vingtaine de mètres. C’est la distance qu’il doit conserver pour que son plan soit un succès. Il voit enfin le saint graal : c'est-à-dire le pont en bois tant attendu. Il le traverse sans ralentir, manquant de peu de finir dans le précipice. Une fois passé de l’autre coté, il sort une télécommande de sa poche et s’empresse d’appuyer sur le bouton central.
La première voiture de ses poursuivants s’apprête à traverser le pont à sa suite. Mais la structure explose dans un grand feu d’artifice. La voiture est obligée de piler afin de ne pas finir sa course dans le ravin. Les autres voitures freinent également brutalement, faisant crisser leurs pneus, devant le pont brisé en deux.
Des bouts de bois volent dans les airs tandis que le pont se retrouve coupé en deux. Toute la partie centrale a maintenant disparu en raison de la puissance des explosifs. Il est impossible d’avoir accès au pont. Diezel n’a pas lésiné sur les moyens pour que le résultat soit à la hauteur de ses attentes.
Les jeunes femmes n’en reviennent pas, personne ne s’attendait à un tel rebondissement.
- Alors, est ce que je ne suis pas un magicien ? demande Diezel, fier de lui.
- Vous aviez vraiment tout prévu.
- Planifier les choses, c’est mon domaine. Maintenant nous sommes tranquilles. Nous allons emprunter des petites routes. Le prochain pont est à une centaine de kilomètres, ils ne nous rattraperont jamais. Et, ils ne pourront pas bénéficier d’une couverture aérienne, l’hélicoptère se trouve en ce moment à Washington.
- Vous êtes un vrai génie ! s’exclame Janice, reprenant espoir.
- Oh mon dieu, c’est vraiment terminé balbutie Catherine, n’en revenant pas, les larmes aux yeux.
- Je vous l’avais dis ! Tout était sous contrôle dit Diezel en ricanant.
Nathalie réussit à se détendre et à sourire à son tour. Mais elle ne peut soutenir très longtemps le regard du docteur qu’elle doit avouer la glace totalement. Il semble être une autre personne, elle ne reconnaît pas l’homme qu’elle a connu durant sa captivité. Elle tente de penser à autre chose, désireuse de retrouver sa famille et d’accoucher dans un vrai hôpital, où personne n’en aurait après son bébé.
Elle pose sa tête contre la vitre de sa portière et regarde en silence le paysage, tout en tâchant de faire le vide en elle. Elle s’en rend compte seulement maintenant, mais toutes ces émotions l’ont profondément épuisé. Ses batteries sont à plats. Elle ferme les yeux, voulant reposer ses paupières juste quelques secondes, mais sans s’en rendre compte, elle s’endort profondément.
L’ambiance dans la camionnette est assez silencieuse, tout le monde ressent le contrecoup des événements. Les femmes s’endorment ou restent silencieuses, plongées dans leurs pensées. Diezel conduit sans rien dire, ne voulant pas briser ce silence. Il préfère se concentrer sur la route et ne penser à rien d’autre que de mettre le plus de distance possible entre eux et le centre.
Bâtiment du C.A.S, Bureau du directeur. Cross est avachi derrière son bureau et regarde son aquarium, les yeux dans le vague. Si une personne le voyait pour la première fois dans cet état, il penserait qu’il s’agit d’une personne faible, sans intérêt. Toute sa force de caractère, ses convictions, la puissance qui émanait de lui, tout cela a disparu, remplacé par une profonde torpeur.
Son téléphone n’arrête pas de sonner mais il préfère l’ignorer. Il sait très bien qu’il s’agit du conseil qui veut obtenir des réponses suite au désastre de ce soir. Cross n’a pas du tout envie de parler et encore moins avec des bureaucrates qui ne comprendraient rien de toute façon. La situation lui a totalement échappé. Finalement, il n’était peut-être pas l’homme de la situation ou alors c’est le destin qui a voulu que ce soit le mal qui remporte ce combat. Si c’est le cas, alors l’avenir du monde est vraiment dans de sales draps.
Cross est concentré sur les déplacements de ses poissons. D’habitude c’est un anti-stress mais pas aujourd’hui. Il revoit le visage souriant de Diezel et cela le fait fulminer de rage. La colère s’empare de lui alors qu’il a toujours réussi à se contrôler.
Il se lève d’un bond, arrache le téléphone de la table, avant de le projeter de toutes ses forces sur l’aquarium en poussant un cri de rage. Ce dernier explose, des morceaux de verres volent dans toute la pièce et l’eau contenue semble s’écouler sans fin sur le sol. Son geste a condamné les poissons mais le directeur n’en a cure. Plus rien n’a d’importance pour lui, tout est fini. Sa vie est détruite, tout ça par la faute de son ancien compagnon. Il avait confiance en lui, cela a été son erreur. Il ne peut s’empêcher de se demander depuis quand Diezel joue un double jeu… depuis le début peut être. Cela lui donne envie de vomir, il n’a rien vu venir et il se déteste encore plus. Faire confiance à quelqu’un n’est pas possible dans ce métier. Il ne faut se fier à personne si on veut survivre et réussir sa mission. Il vient de l’apprendre à ses dépends.
La porte de son bureau s’ouvre en grand et un individu fait irruption. Le directeur a horreur qu’on entre dans son bureau comme dans un moulin. Mais ce soir, tout lui égal, il ne compte pas hurler, il n’en a plus la force de toute façon.
Il pensait qu’il s’agissait d’un garde, alerté par le vacarme, mais il s’agit en fait de son fils Michael.
En le regardant, le directeur voit que ce dernier semble différent. Il n’a plus ses attitudes de rebelles ou de je m’en foutiste. Il semble très sérieux et déterminé. Finalement, il aurait dû lui confier de véritables tâches plutôt que de le tenir à l’écart. Il croyait faire cela pour son bien, mais il se rend bien compte qu’il s’est trompé. Michael s’inquiète en voyant l’état dans lequel se trouve son père, ne l’ayant jamais vu ainsi. Il se dirige vers lui pour le soutenir, son père semble sur le point de s’effondrer mais le directeur lui fait un signe de la main pour lui faire comprendre qu’il n’a pas besoin d’aide.
- Je viens te demander ce que je peux faire pour me rendre utile dit Michael.
- C'est inutile! Tout est fini ! s'exclame Cross, accablé, la voix lasse.
Michael allait rétorquer quelque chose, mais il se retient en voyant le visage affaibli de son père. Cross senior semble avoir vieilli de 15 ans en l'espace de quelques heures. Tout cela à cause de ce traitre de Diezel. Michael avait toujours trouvé que le docteur cachait quelque chose. Il n'en avait jamais parlé, pensant qu’il s’agissait uniquement d’un attachement pour une captive. Surtout que personne ne l'aurait écouté, mais son instinct lui a toujours dis que quelque chose clochée. Il aurait mieux fait d'écouter la petite voix au fond de lui et peut être aurait-il pu empêcher ce désastre.
- Que vas-tu dire au conseil ?
- Qu'ils aillent au diable! Ses bureaucrates n'ont jamais rien compris et je n'ai aucune envie de les entendre me prendre de haut. Si je peux te donner un conseil, méfies toi toujours d'eux, ne leur montre jamais de faiblesses. Ce sont des vampires, prêts à te sucer jusqu'à la moelle.
Le directeur pousse un long soupir, tentant de calmer la colère noire qui bouille au fond de lui. Il se dirige vers son bureau, marchant sans se soucier de la petite marre d'eau qui s'est crée sous ses pieds. Ses chaussures fichues, font un petit bruit spongieux au contact de l'eau. Il relève sa chaise et s'effondre dessus dans un grand bruit, il baisse la tête, plongé dans ses pensées.
Michael se demande ce qu'il doit faire. Il ne sait comment réagir, ni quoi dire pour remotiver son père. Il se sent si impuissant et c’est une sensation très désagréable. Il n'a jamais été très proche de son père. Son frère, de deux ans son cadet, a toujours su mieux s'y prendre. Michael a toujours pensé que c'était parce qu'il était différent de son père, qu'il n'arrivait pas à s'entendre, mais maintenant il n'en est plus si sûr. Il s'approche du bureau et frappe sur la table du plat de sa main droite. Il obtient l'effet escompté, son père sort de sa torpeur et regarde son fils dans les yeux.
- Tout n'est pas fini, nous les retrouverons. Leur fuite a été ingénieuse, je te l’accorde mais nous avons les moyens et les hommes nécessaires. L'organisation les pourchassera. On peut aussi s'en prendre à leur famille, cela les fera sortir de leur trou. Nous allons gagner, c'est inéluctable.
Son père se permet un petit sourire en ressentant la motivation et l'énergie de son fils. Il se rend compte qu'il avait tord, il l'avait mal jugé. Son fils aurait fait un très bon agent et un très bon remplaçant à la tête de l'agence. Il s'est trompé sur toute la ligne. Ce n’est pas lui le sauveur tant attendu par sa famille, mais son fils pourrait l’être.
- Tes grands parents seraient fiers de toi. J'aurai dû avoir confiance en toi. J'espère qu'un jour tu me pardonneras.
Michael déglutie avec peine, estomaqué par les paroles de son paternel. Il retient les larmes qui manquent de le submerger, dû à l’émotion. Il se reprend rapidement et dit :
- Ce n'est pas grave. L'important c'est maintenant. Il faut réagir et vite si on ne veut pas que la situation nous échappe complètement.
- Je déclare forfait. ce sera sans moi. Je vais les traquer selon ma méthode et en solo.
Michael s'apprête à protester mais son père secoue négativement la tête, pour lui faire comprendre qu'il n'y a rien à ajouter. La conversation est close. Le fils acquiesce de la tête, comprenant le message. Il fait demi-tour et sort en silence du bureau. Avant de refermer la porte, il se tourne une dernière fois vers son père et lui dit :
- Je te promets que même si je dois y consacrer toute ma vie, je les retrouverai ! s'exclame-t-il, sur un ton solennel.
Cross senior se contente de regarder la flamme qui brille dans les yeux de son fils, tout en restant silencieux. En sortant du bureau, Michael se dirige vers le hangar pour savoir où en est Constantine dans les opérations de recherche.
Il n'a jamais vu son père aussi abattu. Cela lui fait froid dans le dos et il ne peut empêcher un frisson de lui parcourir l'échine de la colonne vertébrale. Mais il est surtout étonné que son père lui ait présenté des excuses. C'est la première fois que cela se produit. Il aurait juste aimé que cela se fasse dans d’autres circonstances. Le jeune Cross accélère le pas, voulant en découdre avec ce traitre qui a osé s’en prendre à son père. Diezel est sur le point de découvrir ce qui en coute de s’attaquer à la famille Cross. Il n’existe qu’une issue possible. Quand leurs chemins se croiseront à nouveau, Diezel repartira les pieds devants.
Pendant ce temps, le docteur continue à rouler à travers des petits sentiers en direction du point de rendez vous. Il baille, épuisé et le contrecoup du choc se fait sentir dans son corps. Mais il ne peut se permettre de se relâcher, pas encore, pas tant qu’il n’est pas à l’abri. Il regarde constamment sa montre afin d'être sûr de respecter son emploi du temps. Le docteur a réussit à rattraper le temps perdu durant l'évasion, en empruntant des raccourcis qui ne figuraient sur aucune carte.
A l'intérieur du véhicule, tout le monde s'est assoupi, à l'exception d’Amy. Diezel évite de l’observer trop souvent dans son rétroviseur intérieur, à chaque fois qu'il le fait, il sent le regard perçant de la jeune psychopathe. Pourtant à première vue, elle ne semble pas menaçante, le regard dans le vague, comme si elle était continuellement droguée. Mais il peut voir dans ses yeux quelque chose de malsain qui lui glace le sang. Peu de personne arrive à le mettre aussi mal à l'aise, Amy fait partie des exceptions. Il ne pourrait pas expliquer ce qui se dégage d'elle, il ne trouve pas les mots exacts mais en tout cas rien de bon. Il est pressé de se débarrasser d’elle, rien que le fait de se trouver tout proche lui hérisse les poils du dos.
Il se permet enfin un petit sourire de satisfaction lorsqu'il arrive au point de rendez vous. Diezel regarde sa montre, il a quelques minutes d'avance sur le plan initial. Il doit reconnaître qu'il est assez fier de lui. Il y'a eu beaucoup de tensions, de moments difficiles mais en voyant le résultat obtenu, cela en valait la peine. Mais tout n'est pas encore terminé. Il lui reste une chose à faire et pas des moindres. S'il échoue, tout ce qu'il aura fait avant, n'aura servi à rien. Mais l’échec n'est pas une option, pas après tout ce qu'il a entrepris.
Il traverse une ville qui semble déserte, personne dans les rues et les restaurants sont fermés. Diezel a l'impression de se trouver dans une ville fantôme. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a choisi cet endroit. Moins il y'a de témoins, mieux il se porte. Le docteur emprunte un chemin de terre qui mène à un parking isolé. Il s'arrête en face de deux taxis qui semblent n’attendre que lui et coupe le moteur. C’est seulement à ce moment qu’il se permet de pousser un soupir de soulagement, évacuant toute sa tension.
Nathalie sort de sa torpeur à ce moment et demande d'une voix pâteuse, les yeux à moitié ouverts, embuées par la fatigue.
- On est arrivé?
- Oui, nous avons atteint le point de rendez vous répond Diezel, avant d’allumer la petite lumière au dessus de l'habitacle.
A l'arrière du véhicule, les autres femmes se réveillent doucement, baillant et se demandant où est ce qu'elles se trouvent. Certaines d’entre elles s’attendaient presque à se réveiller dans leur cellule de fortune, comme si leur fuite n’avait été qu’un rêve.
- C'est ici que nos chemins se séparent annonce le docteur.
- Et c’est où ici ? demande Janice.
- Un coin paumé de l'Illinois. Ces taxis vont vous conduire où vous le souhaitez. Vous trouverez de l'argent, des vêtements et de la nourriture à l'intérieur.
- C'est vraiment fini alors ! Le cauchemar est terminé ? demande d'une voix tremblante Catherine, ayant besoin d'être rassurée et de se convaincre que le pire est derrière eux.
- Ca dépend de vous. Vous allez devoir rester hors des radars durant les prochains mois. Ne contactez pas vos familles, sinon ils vous enlèveront vous et votre enfant à nouveau. On ne peut pas se cacher toute notre vie ! s'exclame Nathalie, véhément
- C'est clair, je refuse ! Je veux retrouver ma vie d'avant dit Sandra.
- A votre guise ! Vous êtes libres d’agir comme vous le souhaitez. Une chose est sûre, après le coup de ce soir, l'organisation ne survivra pas. Elle sera démantelée, elle a perdu toute crédibilité. Vous devez juste rester à l'abri quelques mois et après, vous pourrez reprendre votre vie. Ne dites jamais la vérité à vos proches, inventez une belle histoire et personne ne s'en prendra à vous. J'ai travaillé avec eux, je connais leurs méthodes.
- C'est vraiment aussi simple que ça ? demande Nathalie, n’arrivant pas à y croire.
Diezel se contente d'hocher la tête et de les regarder l’une après l’autre d'un air sûr de lui. Comme il a l'habitude de faire pour rassurer et réconforter les gens. Il a réussi à manipuler Cross, à en faire sa marionnette, alors il n’a aucun doute sur le fait qu’il puisse les convaincre.
Les jeunes femmes se regardent entre elles pour savoir si tout le monde est d’accord avec la proposition du docteur ou si quelqu'un a un meilleur plan à proposer. Mais personne n’ouvre la bouche, dépassée par les événements. Malgré leur longue captivité, elles n'ont jamais su ce qu'était réellement cette agence. Mais d'un autre côté, elles se disent que c'est sans doute mieux. Ainsi, elles ne représenteront pas une menace et l'organisation ne cherchera pas à les faire taire définitivement. Elles n'ont de toute façon aucune information cruciale à communiquer à leurs proches ou à la presse. Comme on le dit souvent, moins on en sait, mieux on se porte.
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