chapitre 17
Shawn s’est arrêté devant un vieux bâtiment de 5 étages et une fois que Sarah l’a rejoint, les deux amis entrent dans l’immeuble. Ils grimpent un escalier étroit jusqu’au dernier étage. Cela devient vite éprouvant en raison du poids des bagages. Sarah est vite essoufflée et des gouttes de sueur dégoulinent de son front. La jeune américaine se demande pourquoi elle ne fait pas plus de sport. Elle ne devrait pas être fatiguée si rapidement. Shawn lui propose de l’aider en la débarrassant de son sac mais Sarah refuse, voulant se débrouiller par elle même.
- Je dois dire que vos bâtiments ne sont pas faciles d’accès. on devrait tuer les architectes. C’est une vraie torture de monter ces escaliers.
- Je sais. Bienvenue à paris dit Shawn, sur un ton ironique.
Sarah est trop fatiguée pour sortir une réplique sarcastique dont elle a le secret et se contente de secouer la tête. Ils arrivent enfin devant la porte numéro 37. Shawn espère que son amie réside toujours à cette adresse. Il ne l’a pas appelé avant, voulant lui faire une surprise. Il pose l’oreille contre la porte pour essayer d’entendre si quelqu’un se trouve à l’intérieur. Le jeune français entend de la musique rock, ainsi qu’une voix de fille qu’il reconnaît tout de suite. Il se tourne vers Sarah et lui sourit pour lui faire comprendre que tout se passe comme il l’avait prévu.
Shawn frappe trois coups à la porte. Il entend des bruits de pas se rapprochés de la porte, puis une voix féminine demandait qui est là.
- C’est un vendeur de tapis dit Shawn, en changeant sa voix, essayant de prendre la voix d’un pakistanais.
- Non, merci je ne suis pas intéressée.
- J’ai des prix très compétitifs, madame. Vous ne le regretterez pas.
- J’ai tout ce qu’il me faut, merci.
Shawn attend quelques secondes avant de frapper à nouveau plusieurs coups avec insistance. Celle-ci finit par s’ouvrir à la volée et une étudiante brune apparaît, l’air excédée. Sa colère s’envole en quelques secondes lorsqu’elle reconnait la personne qui se trouve devant elle. La jeune femme ouvre la bouche de surprise, ne s’attendant pas à cette rencontre, puis ébauche un large sourire, avant de sauter dans les bras de son vieil ami.
- Touf ! J’hallucine c’est bien toi !
- Le seul et l’unique dit Shawn, souriant également.
Une fois la surprise passée, elle s’empresse de les faire rentrer. La locataire fait la bise à Sarah et Shawn s’empresse de faire les présentations.
- Sarah, je te présente Mathilde, on était ensemble à l’orphelinat. Mathilde, voici Sarah, une amie de la fac de Chicago.
- Enchanté dit Sarah, en français.
La jeune américaine regrette en cet instant de n’avoir jamais pris de cours de français, cela lui aurait bien servi. Sa connaissance française se limite à : « bonjour », « merci », « enchanté » et « voulez-vous couchez moi » (elle l’a apprise comme tous les américains avec la chanson célèbre du groupe All saints).
L’appartement de la jeune française est assez grand pour un appartement parisien avec : un grand salon donnant sur une porte vitrée, une chambre sur le coté et une pièce à droite du salon qui sert de salle de bains et de toilette.
Mathilde est une grande brune d’environ 1m78, de longs cheveux bouclés et ondulés qui lui tombent jusqu’aux épaules. Elle est mince, des yeux verts empli de malice et un regard qui a de quoi embraser le cœur de n’importe quel homme. Une très belle fille et Sarah se demande si Shawn et elle, n’ont pas partagé plus que de l’amitié car ils semblent très proches. Elle ne sait pas pourquoi mais elle se sent possessive, ce qui n’est pourtant pas dans ses habitudes. Elle sait très bien que c’est ridicule car Shawn et elle ne sont même pas ensemble. Et comme tout le monde, il a eu une vie avant de la connaitre.
Mathilde les installe dans le salon et revient avec une bouteille de vin et trois verres. Elle n’arrête pas de sourire, ne s’attendant pas à une telle surprise. Les deux français parlent anglais pour que Sarah puisse prendre part à la conversation.
- Franchement je m’attendais à tout, sauf à ça. Je n’arrive pas à croire que tu sois là, Touf dit Mathilde.
- Si tu pouvais oublier ce surnom, ça me ferait plaisir dit Shawn, en faisant la moue, mal à l’aise.
- Touf ? demande Sarah, ne comprenant pas.
- Non, ce n’est rien et si on parlait d’autres choses dit Shawn, ne voulant pas que son surnom s’ébruite et le poursuive à Chicago.
- Tu ne lui as rien dit ! s’exclame Mathilde, amusée, en remplissant les verres.
- Mathilde, je t’en prie dit Shawn, qui commence à rougir jusqu’aux oreilles, embarrassé au plus haut point.
Mais la jeune française n’est pas du genre à garder des secrets, surtout s’ils mettent ses amis dans l’embarras. Elle se tourne vers Sarah et lui dit, sur le ton de la conspiration :
- C’est un surnom qui remonte à l’enfance. Quand il était petit, Shawn avait une touffe de cheveux incroyable. Il ressemblait à un chanteur du groupe « Jackson Five », on s’est bien moqué de lui à l’époque dit Mathilde, en riant, se remémorant le passé.
- Oui, je m’en rappelle dit Shawn, en poussant un soupir.
- J’aurai bien aimé voir ça dit Sarah, en riant à son tour, imaginant la tête que Shawn devait avoir à l’époque.
- Je dois avoir quelques photos, j’essayerai de les retrouver. Ça vaut de l’or !
- Cool dit Sarah, trop heureuse.
- C’est toujours sympa de te voir Mathy ! Si j’avais su, je serai allé voir quelqu’un d’autre ! s’exclame Shawn, faussement vexé.
- Oh, arrêtes de jouer ton grognon ! Ca ne te va pas ! s’exclame Mathilde
La porte du salon s’ouvre et un jeune homme blond fait son apparition. Mathilde fait les présentations, elle l’avait complètement oubliée suite à la venue de son camarade. Il s’agit de Mathieu, son petit ami qu’elle a connu dans son école de beaux-arts. Ils vivent l’un avec l’autre depuis près de trois mois. Cela se voit tout de suite qu’une réelle passion les anime. Ils sont comme chien et chat, se lançant continuellement des regards complices. Sarah les regarde avec envie, elle aussi aimerait connaitre ce sentiment.
Le petit groupe discute de choses et d’autres, riant souvent. Mathilde est très curieuse, n’arrêtant pas de poser des questions à son ami. Elle veut tout savoir de la vie que Shawn mène aux Etats Unis. Elle n’y a jamais été, mais compte bien y remédier rapidement. C’est son rêve depuis toujours de découvrir l’ouest américain. Mathilde est à chaque fois émerveillée lorsqu’elle voit des reportages sur cette partie des états Unis. Connaissant bien le coin, pour y être allé à plusieurs reprises avec ses parents. Sarah lui donne des conseils sur les villes à découvrir et celles à éviter.
Shawn les regarde échanger avec un sourire au coin des lèvres, heureux de voir que les deux filles s’entendent bien. Il avait un peu peur que la jeune américaine se sente mal à l’aise, exclue dans un pays où elle ne maitrise pas la langue. Mais ses craintes disparaissent rapidement. Sarah n’a pas son pareil pour s’habituer à toute sorte de situation.
Mathilde est une grande amatrice de cannabis. Elle dit souvent que cela l’aide à exprimer sa créativité dans ses œuvres. La jeune demoiselle est justement en train de rouler un joint. Shawn l’observe, le regard nostalgique, repensant aux soirées qu’ils ont passé tous les deux, à fumer et à faire la fête. Il a connu Mathilde à l’âge de six ans, ils se sont toujours entraidés dans les moments difficiles.
La jeune fille était très timide à l’époque. Ses parents ne pouvant plus subvenir à ses besoins et n’ayant pas d’autre famille, elle avait été placée en orphelinat pour une durée indéterminée. Les deux jeunes sont très vite devenus inséparables. C’est la seule personne qui ne lui a pas tourné le dos après son séjour en asile psychiatrique. Avant sa majorité, les parents de Mathilde sont venus la récupérer, les deux amis ne se sont jamais perdus de vue. Un lien fort de camaraderie les unis que ni la distance, ni le temps ne pourra éroder.
Pendant que le joint tourne entre les membres du petit groupe. Mathilde se tourne vers Shawn et lui demande :
- Mais au fait, tu ne m’as pas dit, qu’est-ce que tu viens faire à Paris ? Tu es en vacances ?
- Oui, juste quelques jours. Je voulais jouer les guides touristiques et faire découvrir la France à Sarah.
Il se tourne vers la jeune américaine qui est en train de fumer le joint. Cette dernière lui jette un rapide regard mais n’ajoute aucun commentaire. Elle n’a pas besoin qu’il lui en dise plus. Sarah comprend que son ami ne souhaite pas révéler la véritable raison de sa présence à Paris. Elle compte bien respecter sa volonté.
- C’est vraiment sympa de passer me voir.
- Attends, c’est normal, depuis le temps. Je suis désolé de te demander ça mais est-ce que tu crois que tu pourrais nous héberger, juste quelques jours ? Mais si ce n’est pas possible, ce n’est pas grave, on se trouvera un hôtel. Je ne veux surtout pas te déranger.
- Tu arrêtes tes conneries ou quoi ! Bien sûr que tu peux crécher ici et j’aurai même été vexé si tu ne me l’avais pas demandé. Mi casa es su casa.
- Gracias señorita ! s’exclame Shawn, en lui faisant une petite révérence.
- Alors, c’est quoi le planning des réjouissances ? demande Mathilde, en récupérant le joint.
- Je ne sais pas encore, on va improviser, c’est ce qui me réussit le mieux dit Shawn.
- Je te fais confiance pour ça ! Je vais aller squatter chez Mathieu, comme ça vous serez tranquille ici.
- Et je n’ai pas mon mot à dire argue Mathieu, faussement outragé.
- Bien sûr que non, mon chéri dit Mathilde, faussement autoritaire, avant de lui déposer un rapide baiser sur les lèvres.
- Je ne sais pas comment te remercier. Y’a quelque chose que je peux faire ?
- Je voulais peindre le salon en blanc mais bon ne t’embêtes pas avec ça, je le ferai quand j’aurai cinq minutes, rien ne presse.
- Je m’en occupe dit Shawn, décidé.
Le petit groupe d’amis continuent à discuter pendant prés de deux heures. Puis Mathieu et Mathilde prennent congé, ayant une longue journée qui les attend demain. Shawn et Sarah sont également exténués, après 8 heures de vol. Ils commencent à ressentir le contre coup du voyage et le décalage horaire a fini par les achever.
Mathilde revient avec des couvertures dans le salon et les donne à Shawn, pendant que Sarah est sous la douche dans la salle de bains.
- Tiens, je vous ai ramené deux couvertures, vous n’avez qu’à rapprocher les deux canapés pour faire un seul lit.
- Euh, je crois qu’on va les garder à cette distance. On est juste amis, on ne sort pas ensemble.
- Sérieux ! On croirait vraiment le contraire. Vous semblez si complice dit Mathilde, très étonnée.
- Oui, je sais ! s’exclame Shawn, sans ajouter aucun autre commentaire.
Il n’a jamais été proche d’une fille comme il l’est avec Sarah. Il a toujours été assez timide et maladroit avec les filles et pourtant tout semble naturel avec la jeune américaine. Elle dégage une aura qui le met tout de suite à l’aise. S’il croyait au phénomène des âmes sœur, il jurerait que Sarah est la sienne.
Une demi-heure plus tard. Les deux amis sont allongés, séparés d’à peine un mètre de distance, chacun dans un canapé. C’est la première fois que Shawn dort tout près de l’élue de son cœur et il doit avouer que c’est une sensation étrange. Malgré la fatigue, il n’arrive pas à trouver le sommeil alors que Sarah est tout près de lui. Il pourrait la toucher seulement en tendant le bras, mais il se retient de faire le moindre geste. Il n’ose pas bouger et reste allongé sur le dos, les yeux grands ouverts, regardant le plafond dans l’obscurité.
- tu dors ? demande Sarah, allongé sur le ventre.
- Non, pas vraiment dit Shawn, en tournant la tête vers elle.
Il ne peut s’empêcher d’observer la courbe de ses fesses à travers la couverture. Le jeune homme doit reconnaître que son amie a un corps vraiment magnifique, bien modelé, qui le fait fantasmer. Il est sûr de ne pas être le seul dans ce cas-là. Cela ne l’étonnerait pas d’apprendre que tous les hommes de la terre sont amoureux de Sarah. La jeune fille se trouverait beaucoup de défaut, il sait qu’il n’est pas très objectif dans son analyse car tout lui plait chez elle. Il pourrait rester des heures à regarder son corps et ses cheveux qui tombent le long de sa nuque.
- Tu ne connaîtrais pas une histoire à raconter ? demande t’elle en se tournant, la tête penchée dans la direction du jeune homme.
Malgré l’obscurité, Shawn voit très bien les yeux de son amie qui pétillent dans le noir. Il se sent déstabilisé et ne peut s’empêcher de baisser son regard.
- Pas vraiment, je suis nul pour ça dit Shawn, qui ne connaît que quelques histoires ridicules, racontées durant certaines soirées à l’orphelinat.
- Allez s’il te plait, ça m’aidera à dormir d’entendre ta voix dit Sarah, d’une petite voix insistante.
- J’en connais peut être une dit Shawn, qui ne résiste pas à la demande de son amie.
- Cool, je t’adore dit Sarah, heureuse.
Cette dernière se remet dans sa position initiale et pose sa tête contre l’oreiller, son visage est tourné vers le mur. Shawn ne peut la voir, mais il se dit que c’est sans doute mieux car sinon, il n’arriverait pas à se concentrer. En même temps, il se sent ridicule de réagir comme un petit collégien qui vient de découvrir l’amour. Son cœur bat fort dans sa poitrine, il a les mains moites et sa respiration s’accélère. Il se concentre et commence à raconter son histoire.
- C’est l’histoire d’un jeune homme qui a une vie tout à fait ordinaire, jusqu’au jour où il découvre qu’il a un pouvoir qui lui permet de créer du feu.
- Tu n’aurais pas trop regardé x men dit Sarah, sans se retourner.
- Tu l’as veux ton histoire ou pas !
- Désolé, monsieur.
- Il découvre qu’il n’est pas le seul à maitriser le feu, d’autres jeunes sont comme lui et ils ont tous la même mission. c’est à dire s’entretuer jusqu'à ce qu’il n’en reste qu’un seul en vie.
- C’est vraiment triste comme histoire. En tout cas tu es doué car tu mets beaucoup d’intonation dans ta voix, on croirait presque que tu es ce personnage.
Shawn continue son histoire sans rien ajouter car s’il s’arrête, il sait qu’il ne pourra pas la finir.
- Deux d’entre eux sont prêts à tout pour réussir tandis que le jeune homme s’allie aux deux autres. Ils veulent se rebeller contre cette prophétie et vivre une existence normale. Mais le héros ne sait pas quoi faire. Doit-il finir par accepter son destin et se battre contre les autres ? Doit-il fuir pour éviter tout cela ? Ou doit-il lutter contre lui-même car une partie de lui n’aspire qu’à la paix intérieure tandis qu’une autre veut tout détruire sur son passage. Il ressent constamment une colère noire au plus profond de lui mais il ne sait pas comment la canaliser. Elle le brûle et le consume de l’intérieur. Il se demande si un jour, elle ne va pas complètement le détruire. Est-ce qu’il pourra à nouveau se regarder dans une glace ?
Shawn n’a plus la force de continuer de parler, sa gorge est sèche et des larmes coulent le long de ses joues.
- Elle finit comment ton histoire ? demande Sarah, ignorant tout de la peine de son camarade.
- Je ne m’en rappelle plus répond d’une petite voix Shawn.
- C’est bien dommage, j’aurai aimé savoir ce qui arrive au pauvre jeune homme dit Sarah, avant de pousser un long bâillement.
- Moi aussi dit Shawn pour lui-même. Moi aussi !
Sarah ne tarde pas à s’endormir et Shawn reste un long moment à la contempler. Son amie ne saura jamais à quel point cela lui a coûté de raconter son histoire. C’est une véritable confession à laquelle Sarah a eu droit. Cela lui a fait un bien fou. Il a l’impression d’être débarrassé d’un poids si énorme qu’il se sent plus léger qu’une plume. Il en avait tellement assez de lui mentir, il lui a tout dévoilé même si la jeune fille ne saura jamais qu’il s’agit de sa propre vie. Il n’a pas joué franc jeu avec elle mais il ne pouvait pas faire mieux. Pourtant ce n’était pas du tout prémédité. Quand son amie a voulu une histoire, il s’est laissé prendre au jeu et a fini par lui raconter le secret qui lui pèse si lourd sur la conscience.
Le raconteur d’histoire ferme les yeux, Shawn sait d’avance que c’est une rude journée qui l’attend demain, chargé en émotion forte. Il pousse un long soupir, se détend légèrement, avant de rapidement sombrer dans le sommeil.
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