chapitre 43: LE RETOUR DU PRODIGE PARTIE 3

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Altged Garden est un quartier à Chicago où personne de censé n’oserait s’y rendre après 21h. Une aura négative hante ces lieux et s’y répand comme du poison. Des jeunes sans domicile fixe ou des drogués squattent des immeubles délabrés et y ont élus domicile. Des gangs se livrent souvent des affrontements. La mairie a tenté à plusieurs reprises de rendre le lieu plus fréquentable mais sans succès jusqu’à présent. Il s’agit de bâtiments vétustes qui doivent être rasés depuis longtemps.

C’est dans un de ces vieux immeubles que Devon et Ethan ont trouvé refuge. Il s’agit d’un centre médical, Ils ont choisi cet endroit afin d’être loin de l’agitation. Dans ce quartier, une personne peut se faire violer ou agresser. Personne ne bougera son petit doigt ou ne préviendra la police. Les habitants ne s’occupent que d’eux même, aucunement intéressés par les problèmes des autres. Un tel état d’esprit leur permet de se persuader qu’ils vont pouvoir vivre plus longtemps. Personne ne tente de jouer au héros.

C’est le lieu idéal pour les deux jeunes. Devon peut se laisser aller à ses pulsions sadiques sans avoir peur que quelqu’un les surprennent.

Ethan attend au premier étage, juste derrière la porte d’un bureau. Des cris aigus, implorants se font entendre, provenant de l’intérieur de la pièce. Ethan ne se sent pas du tout à l’aise. Il n’éprouve absolument aucune pitié, ni scrupule à tuer des personnes. Par contre, il n’aime pas s’amuser avec ses proies. La torture lui a toujours donné envie de vomir. Le jeune homme ne supporte plus ces hurlements qui durent depuis plus de vingt minutes. Les cris lui tapent sur le système. Un frisson désagréable parcourt tout son corps. Ethan se met les mains sur ses oreilles, voulant faire cesser ce bruit par tous les moyens possibles. Il a l’impression de devenir fou. Cela lui rappelle sa jeunesse, quand il rendait visite à sa mère dans l’hôpital psychiatrique où elle a été enfermée. Ce ne sont pas des souvenirs très joyeux et il déteste se remémorer cette période.

Au bout d’un moment, les cris deviennent des murmures et quelques secondes plus tard, la porte s’ouvre en grand. Devon en sort, les mains couvertes de sang. Il se tourne vers son partenaire, un sourire sadique sur les lèvres. Il semble aux anges, comme s’il venait de vivre la meilleure partie de sexe de sa vie. Ethan recule de quelques pas, dégouté par l’attitude de son camarade et ne voulant pas tâcher ses vêtements.

Il jette un coup d’œil à l’intérieur de la pièce. Un homme d’une trentaine d’année est attaché sur un bureau. Son corps est parcouru par des spasmes dû aux sévices subis. De nombreuses blessures sont visibles sur le torse. Devon a même pris le temps de graver à l’aide de son pouvoir une flamme sur la poitrine du pauvre homme. Du sang dégouline le long du bureau. Il s’agit d’un agent du C.A.S que les deux jeunes ont kidnappé. Devon s’est occupé de la partie torture afin de le faire parler.

Le fils de Satan a tenu à le garder en vie…pour l’instant. Ils ont encore besoin de lui pour qu’il les fasse entrer dans leur ancien QG. Devon veut s’y rendre pour tout brûler et laisser un message aux agents qui les pourchassent.

- Alors, il a craché le morceau ? demande Ethan.

- Oh oui ! Et pas qu’un peu. Quand on sait s’y prendre, on arrive même à faire chanter n’importe qui. Je ne l’ai pas trop amoché car demain il va nous conduire à leur ancienne base.

- Qu’est-ce qu’on va y faire ?

- Y laisser un message très clair.

- Ça en vaut vraiment la peine ? on prend des risques pour rien dans cette histoire.

- La sécurité sera réduite et je tiens à y aller. Alors tu arrêtes de jouer les lopettes et tu me suis sans poser de questions. Est-ce que c’est clair ? demande Devon, d’une voix menaçante, en le fixant droit dans les yeux.

Ethan déglutie avec peine. Il baisse les yeux et se contente d’hocher la tête d’un air penaud. Il ne peut soutenir plus longtemps le regard courroucé de son demi-frère. Ethan sait que malgré son envie, il ne pourra jamais contester les ordres de son compagnon, ni lui tenir tête. Devon est le plus fort, aussi bien physiquement que mentalement. Ethan est le vilain petit canard du duo. Il a fini par l’accepter et sait qu’il n’aura jamais son mot à dire.

Il a un caractère soumis, la vie est ainsi faite. Cela doit être dans ses gènes. Il n’est pas dupe pour autant, il sait que Devon ne le supporte pas. Il suffit d’un seul regard dans sa direction pour y lire du dédain. Mais pourtant il veut croire qu’un véritable lien les unit et que malgré tout ce qu’il peut dire. Devon se rend compte qu’Ethan peut être un atout et qu’ensemble, ils sont plus forts. Il a envie d’y croire. Il en a besoin.

Si Devon n’avait pas été là, il serait sans aucun doute mort à l’heure qu’il est. Seul, au fond d’un ruisseau. Il lui a donné un sens à sa vie, un but à suivre. En contrepartie, Ethan lui a promis de toujours l’accompagner et d’être prêt à placer sa vie entre ses mains, sans aucune hésitation. Mais depuis un certain temps, il doit avouer qu’il a du mal à suivre les raisonnements de son camarade. Devon ne le met jamais dans les confidences, comme s’il se méfiait de lui. Il semble irritable en permanence, impossible de lui parler sans que le ton monte. De longs silences pesants se font sentir lorsqu’ils sont tous les deux dans une même pièce.

Ethan trouve toujours des prétextes pour s’en aller, même si c’est uniquement pour déambuler dans les rues de Chicago. Au moins, cela lui permet de ne plus ressentir un climat pesant pendant quelques heures. Comme il le dit souvent, tout intermède est bon à prendre ! Il aimerait tant pouvoir retrouver un climat tranquille. Sans avoir constamment besoin de regarder derrière lui au cas où Devon chercherait à le poignarder.

Il pensait que cette séance de torture aurait permis à son demi-frère de se défouler et de retrouver son attitude d’antan. Mais il se rend bien compte que c’était une utopie. Il n’existe pas de retour en arrière possible. Devon a changé, devenant de plus en plus un loup solitaire. Lors de leur rencontre, Devon lui avait promis qu’il pourrait toujours compter sur lui. Et qu’à la fin de cette histoire, ils régneront ensemble. Qu’ils prendront leur revanche sur la vie !

C’est cette idée qui avait poussé le jeune homme à le suivre, sans jamais poser de questions sur ces méthodes quelque peu extrêmes. Jusqu'à présent, Ethan a toujours été rejeté par tout le monde. Il n’a jamais eu d’amis. Personne sur qui compter, avec qui se sentir complice. On s’est toujours moqué de lui à cause de ses bégayements et de sa mère hospitalisée dans un asile. Malgré les cours d’orthophoniste, il a eu beaucoup de mal à s’exprimer convenablement. Et d’un point de vue physique, la nature ne l’a pas gâté durant son enfance. Il avait toujours le visage recouvert d’acné. Tout le monde l’appelait « Tchernobyl ». Avec Devon, c’était diffèrent, en tout cas jusqu’à leur arrivée à Chicago. Il se sent utilisé, manipulé, mais il est trop tard pour se plaindre. Il doit vivre avec.

Devant le regard assassin que lui jette son partenaire, Ethan baisse la tête. Il répond d’une petite voix, comme les enfants lorsqu’ils viennent de se faire réprimander :

- Je te suivrai partout !

- Bien, puisque ce détail est réglé ! Pars devant, je te retrouve à l’hôtel. J’ai encore une ou deux choses à voir avec notre invité et je te rejoins.

Ethan acquiesce de la tête et se dirige vers la sortie, sans un regard vers l’agent attaché qui lui fait des signes implorant de la tête. Même s’il est contre la torture, Ethan ne fera rien pour l’aider. Il ne veut pas mettre Devon dans une rage incontrôlable. Chacun doit gérer ses propres problèmes !

Ethan marche dans la rue, remontant la rue principale, perdu dans ses pensées. Il ne remarque pas que Devon l’observe depuis une fenêtre du premier étage. Ses yeux ne quittent pas son demi-frère et son regard exprime toute la haine qu’il ressent.

Devon ne le supporte vraiment plus. Dès qu’il le voit, il n’a qu’une envie, c’est de lui sauter à la gorge pour l’égorger. C’est devenu viscéral. Le jeune homme sait qu’il prendrait beaucoup de plaisir à le voir se vider de son sang. Mais jusqu’à présent, il a réussit à calmer son envie de meurtre et à se raisonner de façon intelligente. La seule question qu’il se pose, c’est jusqu’à quand il arrivera à se retenir.

Même si Ethan est plus un poids mort qu’autre chose, il a encore besoin de lui. A deux, ils auront plus de chance de réussir. Il a hâte d’être au moment où il n’aura plus besoin de jouer un double jeu et qu’il pourra montrer à son partenaire son vrai visage. Il veut voir le regard horrifié d’Ethan quand il comprendra qu’il a été manipulé depuis le début. Devon a vraiment hâte que ce jour arrive. Il pourra laisser libre cours à toutes les frustrations ressenties depuis qu’Ethan le suit comme un petit chien dans cette aventure.

Au même moment, dans un quartier beaucoup moins malsain, Shawn déambule dans les rues et s’arrête devant le bar « student-friends ». Il pousse un soupir de soulagement en se rendant compte qu’il n’est pas arrivé trop tard. De la lumière est toujours visible à l’intérieur. En approchant de l’entrée, il aperçoit Sarah et une de ses collègues de travail, en train de ranger. Il s’arrête dans sa lancée, ne voulant pas les déranger et débarquer dans un tel état. Il préfère se diriger vers le trottoir d’en face et attendre tranquillement, le dos appuyé contre un mur.

Il remet un peu d’ordre dans ses vêtements, ne voulant pas paraitre dans un sale état. Il donne un petit coup sur son pantalon afin de le défroisser et réajuste son pull. Il ferme son manteau et se passe la main sur le visage. Il aimerait bien avoir un miroir sous la main, pour voir dans quel état est son visage. La seule chose dont il est sûr, c’est qu’il ne doit pas être beau à voir. Il va encore devoir mentir à Sarah et inventer une fausse excuse. Cela le dégoute par avance, mais encore une fois, il n’a pas vraiment le choix. Il préfère lui mentir plutôt que de la perdre.

Il reste dans l’ombre et regarde sa moitié finir son travail. Il sourit béatement. Il s’agit du meilleur moment de sa soirée agitée. Shawn pourrait passer des heures à la regarder sans se lasser une seule seconde. Le véritable amour ! On ne ressent pas cela avec n’importe quelle personne. Ce type de relation fusionnel, tout le monde la recherche. On passe parfois sa vie à l’attendre, sans jamais l’expérimenter. Shawn en a bien conscience.

Le jeune blessé sait qu’il pourrait tout laisser tomber. Dire à ses demi-frères et au détective qu’il ne veut plus se rendre dans l’ancien QG du CAS. Que cela fait partie du passé et qu’il est temps d’avancer. Il sait que ce serait la réaction la plus censée, mais pourtant il ne peut pas s’y résoudre. C’est plus fort que lui, il doit y aller. Certaines réponses pourraient s’y trouver et il veut fouler le même lieu que sa mère lors de sa captivité. Il a conscience des dangers, de ce qu’il peut perdre en cas de capture. Mais il doit le faire, un point c’est tout ! Les regrets, ce sera pour plus tard.

Le jeune homme sort de ses rêveries lorsqu’il voit Sarah fermer la porte du bar. Elle fait un signe de la main à sa collègue qui prend un chemin différent. Puis se dirige vers l’arrêt de bus le plus proche. Elle sursaute lorsqu’elle voit une personne l’appeler en sortant d’un coin sombre sur le trottoir d’en face. Sarah reste presque pétrifiée sur place et se calme lorsqu’elle reconnaît Shawn.

Ce dernier s’approche d’elle et sourit pour la rassurer. Le jeune homme se rend compte que la peur de la barmaid depuis son agression n’a pas disparu. C’est le genre d’épreuve qui laisse des marques. Shawn aimerait la prendre dans ses bras et lui enlever pour toujours sa peur, quitte à la prendre pour lui. Mais il n’est pas encore magicien et ne peut pas absorber les peurs des autres pour rendre leur vie plus paisible. Chacun doit vivre avec ses peurs et angoisses.

Shawn voit le visage de Sarah se plisser, avant qu’elle grimace lorsqu’elle remarque les traces sur le visage de son petit ami. Au moment où elle parle, le ton de sa voix est empli d’inquiétude.

- Qu’est ce qui t’es arrivé ?

- Mauvaise rencontre !

- Ca va, tu as mal quelque part ? Allez viens, je t’emmène à l’hôpital !

- Non, je te rassure ça va, je vais bien. Je n’ai rien de cassé.

- Il ne faut pas jouer avec la santé, il vaut mieux que tu vois un médecin.

- Crois-moi, ça va. Je n’ai pas envie de passer la nuit aux urgences à attendre que quelqu’un puisse nous recevoir. Je n’ai rien, je vais bien !

Sarah se résigne à la volonté de son petit ami. Mais elle lui fait comprendre d’un regard qu’elle ne partage pas son opinion.

- Alors, il faut aller porter plainte à la police.

- Non, c’est bon laisses tomber. Allons chez toi, c’est tout ce que je veux. Me reposer dans tes bras, c’est tout ce que je demande.

- Qu’est ce qui c’est vraiment passé ?

- Une bêtise. C’est de ma faute. Des jeunes ont tenté d’agresser une personne âgée. J’ai voulu intervenir et je me suis pris une correction. La prochaine fois, je serai plus prudent.

Sarah acquiesce de la tête sans rien ajouter. Shawn ne sait pas pourquoi mais il a la sensation que Sarah ne le croit pas. Elle préfère garder le silence plutôt que de lui poser des questions embarrassantes. Cela ne ressemble pas à l’attitude habituelle de la jeune fille. Shawn se demande si quelque chose dans son attitude pourrait faire croire qu’il ment.

- Mauvaise rencontre comme je te l’ai dis ! s’exclame t’il, en faisant la moue.

Sarah commence à ouvrir la bouche, se retient quelques secondes, avant de finalement dire ce qu’elle a sur le cœur.

- Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que tu ne me dis pas tout.

- De quoi veux-tu parler ? demande Shawn, la gorge soudainement très sèche dans sa gorge.

- J’ai toujours su que tu étais une personne mystérieuse. J’ai fini par accepter le fait qu’il existe des choses dont tu ne veux pas me parler. Si tu ne me dis pas tout, c’est ok, mais s’il te plait ne me mens pas, d’accord !

- D’accord dit Shawn, d’une voix étranglée par l’émotion.

Il la regarde droit dans les yeux et hoche la tête, lui promettant par ce regard de s’y tenir. Sa petite amie finit par se détendre. Heureuse d’avoir pu vider son sac et partager ses inquiétudes. Elle veut jouer franc jeu avec lui et ne pas avoir à cacher ses sentiments. Elle se connaît. Si elle garde des choses pour elle, Sarah va finir par exploser et elle ne veut pas qu’une telle scène éclate entre eux. Elle tient trop à lui. S’il devait la quitter, elle aurait du mal à s’en remettre. Elle ne veut même pas l’imaginer.

- Ok, alors on va chez moi !

- Merci pour tout dit Shawn

- C’est normal, je t’aime ! Tu veux prendre appui sur moi pour marcher ?

- Non, c’est bon, par contre, je ne dirai pas non pour te prendre la main.

- Monsieur est romantique ce soir dit Sarah, amusée.

- Avec toi, toujours répond Shawn.

Ils marchent main dans la main, ressentant la chaleur agréable dégagée par l’autre. Ils se dirigent vers le quartier où habite la jeune fille, préférant rentrer à pied, sous la douce brise du vent.

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