Sur le pont
Soudain, l'image se troubla. Marylou avait toujours la vue trouble, lorsqu'elle pleurait. La neige tombait sur son bonnet en laine verte et sur ses lunettes à branches rouges. Elle demeura seule au milieu du pont, incapable de décider dans quelle direction aller.
Elle n'avait pas envie de choisir une direction. Elle ne voulait aller nulle-part. Elle souhaitait que la neige l'engloutisse. Putain de vie, se dit Marylou. J'avais toujours attendu le bon. Là que je l'avais... Je l'ai laissé partir. Comme une conne. Je suis tellement stupide! Mais quelle erreur j'ai fait, hein? Ma seule erreur, c'est d'avoir essayé de suivre mes rêves. Putains de rêves irréels. Il n'y avait aucune chance que ça arrive, pas vrai? De toute façon, les rêves ne sont pas faits pour être vécus. Seulement pour être... rêvés...
Marylou ferma les yeux. Elle s'approcha de la barrière du pont; y posa ses mains non-gantées. Elle sentit une brûlure glaçée sur sa peau pâle. Me revoilà au point de départ, pensa la jeune fille, retirant ses lunettes afin d'essuyer ses yeux pleins de larmes. Triste, déprimée, seule. Sans rêves à poursuivre. Et sans personne pour m'obliger de rester. Sans personne pour m'empêcher de partir.
Des mèches de cheveux noirs étaient sorties du bonnet. Marylou arracha ce dernier de sa tête et le fourra dans son sac à bandoulière. Quelques secondes, la jeune fille ferma les yeux, sentant la neige glaçée glisser sur ses longs cheveux raides. Qu'est-ce qui me reste, hein? Plus rien. Elle ouvrit les yeux, faisant façe à l'immensité du ciel et de la rivière qui passait sous le pont.
C'est l'issue, hein? Pas vrai? Me jeter dans cette rivière glacée. Ne faire plus qu'une avec ses eaux. Disparaître. Disparaître, tout comme mes rêves ont disparu. Marylou baissa les yeux sur le trottoir enneigé. Bordel, ce n'était pas censé se terminer comme ça. Dans les films, c'est... Elle s'interrompit. Oui, sauf que ça, c'est la vie, se rappela-elle. Pas un film. Au fond, peut-être que c'est comme ça que ça devait se finir. Là, seule, sur ce pont, sous la neige.
Il ne me reste qu'à respirer un grand coup.
Prendre une profonde inspiration.
Et sauter.
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