Sœurs

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* Sœur, éveille-toi, c'est le moment ! *

Colline s'assit brusquement, désorientée, et se frotta les yeux avec les poings. Elle dormait pourtant comme d'habitude, dans le fenil, juste au-dessus de la stalle de Jonquille. Le cri d'alerte de sa compagne l'avait tirée du sommeil d'un coup, et elle avait l'impression d'émerger d'un puits.

Elle ouvrit sa perception de Vif afin de rassurer Jonquille, mais celle-ci s'était fermée à tout contact :

* Non, ne m'approche pas, je ne veux pas partager cette douleur ! *

Colline vint à côté d'elle afin de tenir sa bonne tête douce dans ses bras. Tout en lui flattant le chanfrein, elle chantonnait bouche fermée, à la fois de ses cordes vocales et du Vif.

La petite vache des montagnes, au poil rugueux couleur de sable, avait les yeux mi-clos. Deux ans déjà qu'elles partageaient ce lien magique, deux ans déjà qu'elles s'étaient "trouvées" l'une l'autre. Et désormais, une nouvelle étape à franchir ensemble...

La jeune femme soupira :

* Comment faire pour t'aider si tu ne veux pas partager ?*

* Reste là, sœur, je te guiderai. N'arrête pas ta chanson, j'aime t'entendre par tous mes sens*

Jonquille tangua un peu sur ses pattes et baissa la tête, afin de s'appuyer plus confortablement contre le ventre de Colline. Ses flancs se soulevaient par vagues.

* Il arrive, tiens-toi prête à l'aider *

Lui dispensant une dernière caresse entre les cornes, Colline se dirigea vers l'arrière-main de Jonquille. Déjà, deux petits sabots translucides pointaient.

* Va y sœurette, pousse, il est presque là *

Les quatre pattes tétanisées, le souffle court, la petite vache se tendit dans un effort supplémentaire. Et soudain, un mufle doux apparut derrière les petits sabots.

* Aide-le, prends-le par les pattes et tire doucement *

* Tu es sûre ? *

* Mais oui, c’est la meilleure aide que tu puisses nous apporter ! *

Colline approcha timidement du veau presque né, en continuant inconsciemment sa chansonnette. Elle empoigna fermement les deux petites pattes jointes aux sabots d’agate, et tira juste un peu. Jonquille synchronisa ses efforts avec ceux de sa compagne, et d’un coup, le petit atterrit sur l’épaisse couche de paille.

Dans une explosion de joie, vache et jeune femme entreprirent de sécher le nouveau-né, qui tremblait malgré la douce chaleur de l’étable. Il cherchait déjà à se redresser, et Colline le guida jusqu’au pis.

Jonquille ouvrit tout grand son Vif, afin que sa compagne puisse découvrir cette sensation si douloureusement douce d’avoir donné la vie.




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