4. Sans compromis
— Pourquoi m’as-tu suivi dans cette ruelle ? me dit-il soudain alors qu’il me tient toujours fermement.
Entendre sa voix pour la première fois me sidère. Je suis incapable de répondre, je me mordille nerveusement la lèvre en inspirant et expirant profondément pour tenter de retrouver mon souffle. Pourquoi l’ai-je suivi ? Je ne sais même pas. Pourquoi me suis-je dirigée vers lui, assis sur ce banc, après toutes ces semaines ? Je l’ignore.
Non. C’est un mensonge.
Il y a des choses qui ne s’assument pas pleinement, qu’on prétend faire inconsciemment, pour le simple confort de ne pas avoir à y réfléchir, à l’analyser, à se demander si cela est bien ou mal, décent ou immoral. Je l’ai suivi pour la seule raison que je suis capable d’admettre : parce que je le voulais, Lui. Quelle qu’en soit la manière. Définir la manière en question ne fait pas partie des choses que ma bouche souhaite avouer et assumer.
La sueur perle à mon front, je me sens perdue face à cette question ouverte, et je prie pour qu’il n’insiste pas pour avoir une réponse. Ses yeux se plissent devant mon silence. Il s’écarte soudain et me plaque face contre la porte. J’amortis son geste de mes bras contre le bois verni, juste à hauteur de ma tête. La vivacité de son geste me prend de court. Une décharge d’adrénaline se répand dans mes veines alors que je sens la fraîcheur de la nuit se déposer sur mes fesses qu’il expose en relevant ma jupe sur mes hanches.
Le bruit sec de la fessée qui s’abat sur moi me parvient d’abord, répercuté en écho dans la petite cour. Ensuite, la douleur, cuisante, qui pulse au rythme de mon muscle cardiaque qui s’emballe brusquement. J’ai sursauté violemment. Je n’ai pas crié. Je garde les lèvres serrées, les yeux fermés, osant à peine respirer.
Je ne m’y attendais pas. C’est… humiliant. D’autant qu’il conserve le silence dans mon dos et semble demeurer immobile. Pourquoi a-t-il fait ça ? Qu’attend-il ? Se réjouit-il de mon trouble ? Des sentiments contradictoires se bousculent dans ma tête. Je ressens le besoin d’être rassurée par rapport à ma démarche, et, paradoxalement, l’envie qu’on me corrige pour cette folie.
Je suis folle, oui, complètement folle !
Je reste debout, fesses nues devant cet homme dont j’ignorais encore tout il y a peu, tentant de me raisonner pour ramasser mon manteau, ma pudeur, et m’enfuir dans l’obscurité, alors que mon immobilité et mon désir qui ruisselle entre mes cuisses prouvent à eux seuls que cette option de fuite est clairement nulle et non avenue.
Un bruit métallique. Celui de sa ceinture qu’il déboucle. Mon ventre se tord à l’idée de ce qu’il s’apprête à faire. Quand soudain son corps se colle au mien et s’y engage, lentement, mais fermement. Je l’accueille dans un frissonnement de tout mon être, muette du plaisir de découvrir la sensation de fusionner si intimement avec lui. Oui… Oh oui…
Sa main saisit mes cheveux alors qu’il affirme son mouvement, comme une revendication de ce qu’il sait pourtant déjà lui appartenir. J’exhale malgré moi un soupir de plaisir. Ne pas crier. Garder le contrôle. Ne pas crier. Ne pas… Oh Seigneur, l’intensité de ses va-et-vient, la fermeté de son emprise sur moi… Son souffle à mon oreille, plus rauque, fait écho à mes gémissements intérieurs. On pourrait m’entendre, on pourrait nous surprendre, je ne dois pas…
Il me possède plus charnellement, plus bestialement, et malgré moi de petits cris m’échappent à chacun de ses coups de reins. Je perds pied, le souffle court, mon corps se met à onduler à la rencontre du sien. Je le veux, encore plus loin, encore plus fort, sans demi-mesure, sans compromis. Tout cela se résume aux deux mots incontrôlables qui s’échappent de ma bouche haletante :
— Baise-moi !
[A suivre... ?]
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