Avant-goût
C'était un jour d'automne.
Églantine aimait bien le mois d'Octobre. Elle pouvait observer les feuilles se colorer dans la cour près de chez elle à proximité du bois. Elles étaient semblables depuis ces huit derniers mois et à cette période de l'année chacune d'entre elles se rendaient unique par la coloration qu'elles prenaient. Le temps prodiguait leur originalité, et elles pouvaient narguer la grisaille du ciel parce que la lumière du soleil suffisait à ce qu'on ne voit plus qu'elles.
Églantine trouvait cela troublant et passionnant. Enfin ce n'était pas tout à fait l'éclat et le magnifique panel de couleur jaune-orange-âtre qui l'intriguaient et la fascinaient. Non, c'était l'illusion de leur temps d'élégance. Il était compté.. Elles étaient prisonnières d'un cycle.
C'est ce qui captivait Églantine. Elles étaient à l'apogée de leur magnificence à l'aube de leur mort. Elles chutaient l'une après l'autre prenant des chemins opposés, le vent les balayant et elles finissaient piétinées par les hommes. Comme elle.
Leurs heures de gloire n'avaient duré qu'à peine deux semaines et elles redevenaient aussitôt poussières. Personne n'y faisait déjà plus attention. Ils passaient tous leur chemin.
Les précipitations rendaient l'établissement moins sordide, parce que la vue du bâtiment délabré à l'extérieur était troublée par les fortes gouttes de pluie. Ça rassurait Églantine quelque part. Elle essayait de se rassurer souvent Églantine.
La vie ne lui en voulait pas, non. C'était elle qui avait provoqué son malheur.
Sa capuche en coton était déjà trempée mais ça elle s'en fichait. Elle se retourna pour s'assurer que personne ne l'avait suivie et elle se précipita sous le chêne à côté de l'entrée, afin d'allumer son cinquième pétard de la journée. C'était son moment favori. Ce joint qu'elle fumait sous le chêne embellit par la couleur de l'automne. Elle se plaisait à croire que plus elle s'approchait de sa propre mort, plus elle serait au sommet de sa beauté, comme ses feuilles.
Ce qu'elle n'était pas, non évidemment. Elle était déjà bien trop abîmée.
Elle ferma les yeux pour se délecter de la fumée que ses poumons encaissaient puis lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle croisa les prunelles émeraudes de ce garçon et elle s'agaça.. Il l'avait encore suivi.
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