11. Lovham – IV : Folie et Morts aux trousses

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Zimmer observait l’extérieur depuis la fenêtre d’une chambre à l’étage. Dans la rue, des Errants. Trop d’Errants pour trois jeunes mercenaires dont l’expérience sur le terrain leur faisait défaut. Sans compter la prisonnière qui les ralentiraient. Quoique… Elle pourrait servir d’appâts. Ce serait risqué mais faisable, pensa-t-il.

Il quitta la chambre pour une autre avec fenêtre qui donnait sur les bois d’où ils étaient arrivés. Avec le peu de lumière qu’il y avait, il ne vit rien d’autre que la pénombre mais entendait tout de même quelques bruits inquiétants. Partir par-là, même avec de la lumière, serait dangereux également, voire suicidaire.

Il redescendit, l’air abattu, dans le petit salon où les filles s’étaient installées pour se reposer un peu. Dans un coin de la pièce, Lili avait été assise, pieds et poings liés avec des lambeaux de tissus qu’ils avaient déchirés sur les rideaux, sous la garde de Celer. Cette dernière aurait préférée lui enfoncer un couteau en pleine poitrine et lui arracher le cœur mais Mikazuki s’y opposa farouchement, n’ayant pas oublié qu’elle lui devait la vie.

-Je maintiens qu’on devrait crever cette truie, déclara Celer en crachant aux pieds de Lili.

-Essaie et je te crèverais avant, sale longues-oreilles ! lui lança la concernée.

-Comment tu l’as appelé ?! s’énerva Zimmer.

D’un pas furieux et menaçant, il se rapprocha rapidement d’elle, couteau en main. C’était suffisant pour Mikazuki pour intervenir et s’interposer, à la surprise de ses amis.

-Mika !? Vraiment !? s’indigna Zimmer.

-Tu vas protéger cette saloperie !!? s’indigna encore plus Celer en la bousculant.

-Je n’approuve pas ce qu’elle dit, mais vouloir la tuer pour ça, ce serait aller trop loin ! On ne vaudrait alors pas mieux que cet homme mort !

-Rien à foutre qu’elle t’ait sauvé la vie ! Elle n’aurait pas bougé le petit doigt pour autre chose qu’un Humain et tu le sais !

-Tu me traites de raciste, la longues-oreilles ? lui demanda Lili. Dans votre cas, ce serait plutôt être spéciste…

-Quoi ?

-Oh, tu ne comprends pas ? Pas étonnant, pour un animal…

-Sale pute ! Je vais te trucider !

Celer arracha le couteau de Zimmer de ses mains et était sur le point de fondre sur Lili pour le lui planter. Mikazuki réagit rapidement, la bloqua et la renversa d’une charge d’épaule tout en la désarmant. Le tout en à peine une seconde.

-Ça suffit !

Celer se releva d’un bond et décocha un coup de poing sur celle qu’elle croyait être son amie. Que cette dernière arrêta. Alors, elle en décocha un autre, puis un autre et encore un, espérant toucher au but mais en vain. Mikazuki bloquait chaque coup et au final, cette dernière l’envoya à nouveau au sol. Et ce n’était pas par plaisir.

-Arrête, Celer… S’il te plaît…, supplia Mikazuki.

-Je pensais… qu’on était amies, Mika…

-On l’est !

-Pas si tu protèges des gens comme elle…

L’Elfe se releva et s’éloigna, les bras croisés. Zimmer jeta un regard confus à ses deux amies, mais choisit d’aller tenter de réconforter Celer.

-Quelle belle bande unie que voilà…, commenta Lili.

-Ça suffit, Lili. Tu…

-Je te défends de m’appeler comme ça. Toi et tes amis avez tué mon maître !

-Comment peux-tu encore le défendre ? Tu as entendu ce qu’il comptait nous faire ! Ce qu’il t’a demandé de faire !

-Tu ne le connaissais pas ! Il a toujours été prévenant avec moi ! C’était le seul à avoir bien voulu me prendre sous son aile ! Je lui dois… je lui dois…

Elle qui était au bord des larmes, elle finit par baisser la tête pour ne pas qu’on la voit verser les premières. Le cœur de Mikazuki se serra en la voyant et elle s’éloigna pour lui laisser un peu d’espace.

-Qu’est-ce qu’on fait, alors ? demanda Zimmer quand Mikazuki les rejoignit. Parce que rester là sans rien faire…

-On devrait attendre que ces choses dehors se dispersent un peu, proposa-t-elle. Après, on tentera une sortie et on essaiera de trouver les autres…

-Ça me semble être un bon plan… Du moins, c’est le seul qu’on ait. Celer ?

L’Elfe ne dit rien et les laissa ici pour monter à l’étage. Mikazuki voulut la suivre mais Zimmer l’en empêcha, lui faisant comprendre qu’elle avait besoin d’être un peu seule. Ils lui laissèrent donc l’étage et allèrent se reposer dans le salon. Zimmer voulu garder un œil sur leur prisonnière, en s’installant dans un fauteuil à côté d’elle, mais la fatigue et la tension qui retombait finirent par l’endormir. Mikazuki s’allongea sur la méridienne poussiéreuse mais encore confortable, son regard planté sur le plafond.

-Elle se force.

Le cœur de Mikazuki manqua un battement quand elle entendit la voix de la femme en blanc. Elle était à deux doigts de jurer mais réussit à se contenir.

-De quoi tu parles ? murmura-t-elle finalement.

-Cette jeune fille, dit la femme. Elle se force à sortir ces horreurs sur ton amie.

-Comment tu peux affirmer ça ?

-Il suffit d’être attentif aux expressions de son visage, à sa gestuelle, au ton de sa voix… Elle se créé cette image détestable pour repousser les autres et se protéger du chagrin.

-Je n’ose pas m’imaginer être à sa place…

Elle n’osait s’imaginer perdre quelqu’un d’aussi précieux sous ses yeux… Comme Celer, Zimmer… Sophie, Jo… Ryô…

Ryô…

Elle espérait qu’il était sain et sauf, quelque part.

Non, il devait l’être. Il s’agissait de Ryô, après tout. Il s’en sortait toujours car il ne manquait jamais de ressources. Elle se souvint de la fois où, en revenant d’une course simple et rapide, ils furent attaqués par des brigands sur le chemin du retour au camp. Ryô avait laissé son katana et n’avait sur lui qu’une dague. Avec cette seule arme, il était parvenu à défaire ces brigands. Au final, deux morts chez eux après un combat unilatéral, provoquant la fuite du reste de la bande qui tenait à leur vie.

Oui, Mikazuki en était certaine. Si quelqu’un pouvait s’en sortir, même seul, c’était bien lui. Et s’il était là, il lui dirait de se reposer tant qu’elle le pouvait. Qui sait ce qui les attendait…

Elle ferma donc les yeux et après s’être difficilement détendue, elle s’endormit enfin…

-Mika. Mika !

Elle sentit une main la secouer. Quand elle ouvrit les yeux, le visage de Zimmer penché au-dessus d’elle fut la première chose qu’elle aperçut. Elle se redressa lentement, courbaturée. Alors qu’elle pestait contre la méridienne en se levant, Celer descendait de l’étage, en demandant si la voie était libre pour partir.

-Ouais. J’ai jeté un œil dehors et on peut emprunter une rue dégagée non loin. Si on se dépêche et qu’on fait profil bas, on n’attirera pas ces monstres. Peut-être…

-Comment ça, « peut-être » ?

-J’ai pas vu ces trucs partir de mes yeux. Je sais pas si elles sont loin ou pas.

-Formidable…

Visiblement, sa mauvaise humeur était toujours présente. Son attitude et ses regards à l’encontre de Mikazuki en témoignaient. Et cela ne s’arrangea pas quand, alors qu’elle et Zimmer se dirigeaient vers la porte, elle vit Mikazuki aider Lili à se lever pour les rejoindre.

-Tu fais quoi, là ? demanda Celer en grinçant des dents.

-Elle vient avec nous, fit Mikazuki comme si cela coulait de source.

-Pas question. Elle peut bien pourrir ici, avec son Inquisiteur bien crevé. C’est ce qu’ils auraient fait, avec nous.

-Justement. Soyons meilleurs que ça.

-Oh, tu t’es faite une nouvelle copine ? Qui sait. Elle pourra te convaincre de rejoindre ses petits copains après…

-Celer !

Zimmer intervint en s’interposant entre elles. Il était clair que Celer, même si son comportement différait un peu de ce qu’elle était d’habitude, avait encore des choses à dire mais son ami lui fit comprendre que ce n’était pas le moment ni l’endroit et, à contrecœur, elle laissa tomber. Pour l’instant.

Pour sa part, il ne s’opposa pas à emmener Lili avec eux mais il montra clairement que l’idée ne l’enchantait pas plus que Celer.

-N’espère pas des remerciements…, fit Lili à Mikazuki.

Ainsi, le groupe sortit de la maison et emprunta la rue vidée des Errants, tout tentant de faire le moins de bruit possible.

-Tu aurais pu abandonner son épée…, fit remarquer Celer à Mikazuki en fixant l’arme de Lili.

-Elle pourrait en avoir besoin.

-Pour nous embrocher, oui.

-Si on se fait submerger comme tout à l’heure, mieux vaut avoir une paire de bras armée en plus, non ?

Celer claqua la langue d’agacement.

-Ne viens pas pleurer si tu meurs à cause d’elle…

Heureusement, le silence leur indiquait que ces choses n’étaient pas proches.

Malheureusement, ce silence qui régnait mettait à mal la santé mentale du groupe et leurs sens aux aguets alimentaient aussi leur paranoïa : Zimmer ne pouvait s’empêcher de tripoter le manche de son couteau et Celer serrait de toutes ses forces son arc comme s’il allait lui échapper des mains à tout moment. Lili, elle, tremblait de peur. Mikazuki se doutait qu’elle se figerait sur place si elle ne tentait pas de la rassurer un peu. Bien qu’elle-même était morte de peur et qu’elle tentait de le cacher. La peur était contagieuse et il y en avait bien assez, en ce moment. Même si elle n’aimait pas qu’elle apparaisse sans prévenir, Mikazuki était contente que cette femme en blanc lui apporte un soutien moral. Et ce soutien n’était pas de trop.

La rue qu’ils empruntaient les menèrent droit à ce qui ressemblait au portail éventré d’un cimetière.

-Je refuse de passer par là ! s’exclama Zimmer en apercevant les quelques pierres tombales délabrées et désordonnées, les quelques tombes éventrées ou grandes ouvertes, rarement vides, et un ou deux caveaux grands ouverts qui provoquaient un grand effroi.

-Moi non plus ! fit Lili en reculant.

-Raison de plus pour te faire passer devant pour moi…, lui dit froidement Celer en la poussant.

-Essaye un peu, saleté de longues-oreilles, et je te jure que… !

-Arrêtez !

Mikazuki avait haussé le ton, au point de craindre d’avoir attiré l’attention des Errants sur eux. Fort heureusement, de ce qu’elle entendait, il n’en fut rien.

-On a pas vraiment le choix, non ? Sauf si vous tenez à affronter ces choses en masse…

Zimmer et Celer s’échangèrent un regard, dans un mélange de peur et de résignation. Ils savaient bien qu’elle avait raison et pourtant… Après ce qu’ils avaient vécu plutôt dans la soirée, ils avaient le pressentiment que traverser ce cimetière n’était pas la meilleure des choses à faire. Si bien sûr traverser un cimetière délabré en pleine nuit était une chose à faire en temps normal…

Pousser ce portail à l’allure peur rassurante et grinçant ne fit qu’accentuer leur peur et leur inquiétude déjà bien ancrées. Et les choses ne s’arrangèrent pas en faisant leurs premiers pas dans ce lieu dirigé par la Mort.

-On… On peut toujours faire demi-tour et chercher un autre chemin, non ? suggéra Zimmer après être passé à côté d’une tombe ouverte et exhibant un cadavre pourrissant.

Mais les cris qu’il entendit provenant de plus haut dans la rue d’où ils venaient lui firent comprendre que non, faire demi-tour n’était plus une option.

-Pourquoi je suis là ? Je regrette d’être venu… Je regrette de m’être plaint de n’avoir que des boulots stupides comme chasser des sangliers sauvages qui saccagent des champs…

Il n’était pas le seul. Mikazuki n’avait jamais vécu une situation si stressante et regrettait presque d’anciens boulots comme cette fois où elle a dû traquer des gobelins dans leur antre, après qu’ils aient exterminés les hommes d’un village entier et emmenés les femmes pour s’en servir en tant que reproductrices…

-Jamais vu un cimetière aussi mal entretenu…, commenta Zimmer.

-On essaie d’échapper à des monstres aux allures d’humains et toi, tu t’inquiètes de l’état du cimetière ? s’énerva légèrement Celer.

-J’essaie de me rassurer comme je peux ! Et là, tu m’aides pas !

-Tu veux te changer les idées ? Tu pourrais lui faire son affaire, à l’autre raclure, là !

Le groupe s’arrêta net. Mikazuki et Zimmer dévisagèrent la jeune elfe, comme s’ils ne la reconnaissaient pas. Celer avait toujours était la force calme du groupe, la plupart du temps. Même lorsqu’elle s’énervait, elle n’était pas aussi démonstrative. Même envers Sophie, dont elle en avait fait une « ennemie naturelle », elle ne se montrait pas si odieuse. Mais là…

-Celer…, fit Mikazuki, un peu inquiète.

-Quoi ? Tu veux encore défendre ta copine ? Vous vous entendez comme cul et chemise, dis donc ! Et après, tu te laisseras convaincre de rejoindre l’Ordre ? Pour chasser les petits non-humains qui font peur à la marmaille humaine ?

-Celer… Est-ce que tout va bien ? lui demanda Zimmer, tout aussi inquiet.

-Très bien ! Pourquoi ?

-Tu t’entends, au moins ? C’est pas toi, ça…

-Quoi ? Parce que je dis ce que je pense ? Parce que ce que je pense ne te plaît pas ?

Elle jeta un œil mauvais en direction de Lili, puis le dirigea vers Mikazuki.

-Si tu cherches une bonne fifille gentille et docile, y a Mika pour ça… Je suis sûr que si tu lui demandes gentiment, elle voudra bien écarter les cuisses pour toi. Comme elle le fait avec… Ah !

Celer s’attrapa subitement la tête, comme si une douleur atroce lui transperçait le crâne.

-Celer ? fit Mikazuki.

-La ferme !

L’elfe prit appui contre une pierre tombale branlante, une main plaquée contre sa tempe. À la vue de son visage, on avait l’impression qu’elle souffrait le martyr. Ses gémissements de douleur se mêlèrent au souffle du vent, qui en se glissant entre les monuments dressés pour les morts sonnait comme une complainte sinistre. Du moins, ils espéraient que c’était le vent…

-Celer ? fit Mikazuki en tendant le bras.

L’elfe se reprit peu a peu et écarta le bras Mikazuki d’un revers de la main avant de se remettre à avancer. Son état était préoccupant. Les autres en étaient bien conscient. Mais sans échanger un mot, ils semblèrent convenir de sortir d’ici avant de s’y attarder.

À mesure qu’ils s’enfonçaient dans cet endroit macabre, ils perçurent bon nombre de bruits qui leur parurent suspect.

-Pitié, dîtes-moi que c’est le vent…, marmonna Zimmer.

Malheureusement, à chaque pas qu’ils faisaient, ces bruits devenaient plus discernables et ressemblaient fortement à des murmures ou des marmonnements de plus en plus sonores. Et le pire était qu’ils s’en rapprochaient… Lili, partageant la crainte démonstrative de Zimmer, suggéra fortement de ne pas se diriger vers « ça » et de faire un détour en pressant le pas. Chose qui fut très vite approuvée. Toutefois, même en faisant cela, ils eurent l’impression de se rapprocher inévitablement de la source, ce qui ne fit qu’augmenter leur crainte.

-Non, non, non ! s’écria Zimmer en panique. Je refuse de faire un pas de plus dans cette direction ! Je préfère encore faire demi-tour et tenter ma chance avec les monstres !

-Vraiment, Zimmer ? Et avec quelle armée ? lui demanda Celer avec un ton plutôt acerbe. Si ça se trouve, ce n’est que le vent qui…

-Celer ! Toi-même, tu n’y crois pas ! Je le vois à ta tête !

-De toute façon, quels choix s’offrent à nous ? Entre la gueule du loup et celle du dragon…

-Quitte à choisir, je préférerais celle du loup !

-Encore faudrait-il que tu identifies le loup et le dragon, tête de… !

L’elfe se tut aussitôt. Ils se turent tous. L’origine des murmures inquiétants… Elle n’était plus la même. Elle se déplaçait, en plus de gagner en intensité. Pire… Elle se déplaçait vers eux.

-Foutons le camp…, souffla Zimmer qui commença à marcher à reculons.

-Pour aller où ? lui demanda Mikazuki qui se mit à l’imiter par instinct.

-N’importe où sauf ici me convient, avoua Lili qui fut la première à se retourner pour faire demi-tour.

Mais à peine eut-elle fait quelques pas qu’elle poussa un cri de terreur. Un cri qui fut vite accompagné de ceux de ses compagnons d’infortune.

Tout autour d’eux, comme réveillés d’un long et profond sommeil, les morts commençaient à émerger de leur sépulture. Cadavres putréfiés, corps décharnés, squelettes complets… La population variée du cimetière avait retrouvé une forme de vie après leur mort et, entre les râles d’agonie, les complaintes funèbres et les claquements de mâchoire terrifiants, elle convergeait d’un pas lent vers les êtres plein de vie qu’était ces jeunes gens, comme des papillons de nuit attirés par la lumière. Et pour ne rien arranger, au sein de cette cacophonie provoquée par ces morts qui se relevaient, les murmures sinistres ne s’étaient pas tus. Pire, ils continuaient de se rapprocher…

-Non, non, non, nonnonnonnon…, répéta Lili en se rapprochant des autres sans perdre de vue l’horreur qui était en train de se peindre sous ses yeux.

-C’est un cauchemar. Oui, c’est forcément un cauchemar…, tenta de se convaincre Zimmer en serrant si fort son couteau que la forme de ses doigts aurait pu se fondre avec sur les bandes de cuir. Je vais me réveiller…

Celer prit son arc et, d’une main tremblante, se saisit de flèches dans son carquois. Mikazuki, devant puiser au plus profond d’elle pour ne pas laisser la peur la paralyser, se tint prête à défendre sa vie.

-J’espère que tu es contente que j’ai gardé ton épée, Lili, lui dit-elle.

-Si on s’en sort vivantes, je promets de te remercier mille fois…

Les murmures étaient à présent tout proches. Devant le groupe, une partie des morts se mit à s’écarter pour laisser un passage à un homme squelettique vêtu des vêtements en lambeaux. Sous son capuchon abîmé, on pouvait voir des yeux exorbités injectés de sang. Il avait perdu la plupart de ses dents et celles restantes semblaient avoir été limées pour donner un aspect pointu. De son doigt osseux, il pointa les jeunes gens qui lui faisaient face et d’une voix proche du murmure rauque et sinistre, il se mit à parler :

-De la vie… Des vivants… Des Flammes… Une offrande… pour l’Élévation… Un sacrifice… ne peut venir… mains vides. Maudits potentiels ! …avant eux ! …Moi qui mérite… reconnaissance… élever… aussi…dois obtenir…

Ces paroles n’avaient pas le moindre sens pour eux. Bien qu’inquiétant, ce que disait cet homme passait au second plan pour le groupe qui s’inquiétait bien plus de la cohorte de « morts-vivants » qui se rapprochait dangereusement d’eux.

-Attrapez-les, ordonna l’homme squelettique.

Ils ne surent jamais d’où cela provint avec exactitude, mais un cri inhumain retentit dans le cimetière et les morts commencèrent à s’agiter. Les plus proches se jetèrent sur les adolescents, bras tendus et l’air menaçant. Lili fut la première à réagir et de la pointe de son épée, elle transperça le crâne mou d’un cadavre en décomposition. Ce dernier poussa un râle affreux mais succomba pas à cette attaque. Elle dégagea alors rapidement son épée et tenta cette fois-ci de décapiter la créature. La lame n’eut aucun mal à trancher la chair et les vertèbres et la tête se détacha alors facilement du reste du corps, avant que ce dernier ne s’affale enfin lourdement sur le sol. Un squelette tenta sa chance par une attaque sur le côté, mais à peine quelques pas effectués qu’il reçut une flèche décochée par Celer en plein de l’orbite vide qui devait accueillir son œil. Le choc fut tel que sa tête se détacha aisément du reste de son corps, ce dernier tombant en morceau juste après. Ils conclurent ainsi que le point faible était la tête et que ces choses n’étaient pas très réactifs. Toutefois, les autres se rapprochaient inexorablement et leur surnombre allait sûrement compenser leur faiblesse individuelle.

-COUREZ !

Le cri de Zimmer secoua les filles, qui se mirent à le suivre quand il décida de détaler comme un lapin. La plupart des morts avançaient lentement, mais d’autres étaient capables de courir sans difficultés ! Celer tenta de les tenir à distance avec son arc et ses flèches, mais elle finit bien vite à court de munitions ! Ceux qui manquaient de les attraper, Lili en faisait son affaire avec son épée, mais l’accumulation du sang non-coagulé sur la lame rendait son tranchant moins efficace et elle n’avait que peu de temps entre chaque attaque pour la nettoyer un minimum.

-Ça n’en finit pas ! hurla-t-elle.

-Tais-toi et cours ! lui ordonna Celer.

-Où la sortie !? cria Zimmer.

Les quatre jeunes gens coururent comme ils n’avaient jamais courus, se faufilant entre les pierres tombales ; sautant par-dessus les tombes éventrées, pendant que la marée de morts continuait de déferler dans leur direction en faisant fi des obstacles et des pertes, insignifiantes à leurs yeux pourris ou absents.

-Là ! LÀ !!

Zimmer accéléra sa course en voyant un grand portail un peu plus loin. Leur salut ! Mais lorsqu’il y arriva…

-Non ! Non !! NON !!!

…il constata, dans un mélange de détresse et de rage, que celui-ci était solidement fermé par un énorme cadenas. Situé de l’autre côté.

-NON !! Pas comme ça ! Je veux pas crever comme ça ! hurla Zimmer qui frappait le portail à coups de pieds désespérées.

Les filles le rejoignirent peu après, seulement pour constater avec horreur que leur unique porte de sortie était condamnée. Et avec les morts aux trousses, eux aussi semblaient être condamnés.

-Non… Pas question de partir comme ça…

Lili s’avança alors et tira de sa ceinture ce qui s’apparentait à des mèches de cheveux d’un blanc pur nouées entre elles par une cordelette rouge.

-Lili, qu’est-ce que tu fais ? lui demanda Mikazuki.

-Je tente le tout pour le tout ! répondit cette dernière. Qu’on ne dise pas que je suis morte sans avoir tout essayé pour survivre !

Il brandit alors l’objet vers les morts et d’un ton ferme et solennel, elle récita ceci :

Moi qui ne crains aucun mal à tes côtés,

Dans la vallée des morts,

Je chante et combat en ton nom.

Ô, toi, pieux Berger,

De ta corde, guide tes brebis

Et de ton bâton, repousse le Mal !

L’objet se met alors à briller d’une lueur douce, à la stupéfaction de tous. Elle pointa ensuite celui-ci en direction des morts, qui n’étaient à présent qu’à quelque pas d’elle.

-Psaume 23 de Iudicaël ! Lueur répulsive !

Soudain, l’objet se met à briller intensément tel un soleil et les morts frappés par cette lumière furent, dans un premier temps, aveuglés puis les plus proches prirent feu ou devinrent poussières en un éclair. D’autres encore, éblouis par cette clarté soudaine, se mirent à reculer. Mikazuki, elle, en voyant cette lueur, ressentit une douce et agréable chaleur qui semblait lui retirer ses peurs…

Toutefois, cela ne dura pas longtemps. À peine une minute ou deux après, la lueur faiblit et Lili tomba à genoux comme épuisée par l’emploi de cette étrange magie.

-Non… ne pas faiblir… Je ne dois pas…

Elle tenta de toutes ses forces de lever son bras mais n’y parvint pas.

Les morts grognaient alors qu’ils retrouvaient un semblant de visibilité, mais aucun n’osa s’approcher. Comme si une part de lucidité était toujours coincé dans leur esprit et qu’ils comprenaient que Lili, ou du moins l’objet qu’elle tenait, était une source de danger.

S’extirpant de cette foule de cadavres ambulants, l’homme encapuchonnée paraissait enragé en les pointant du doigt.

-Dégoutante ! Immonde Lumière… Pas sa place… doit être étouffée… Doit mourir !

L’homme paraissait à la fois enragé et apeuré, si bien qu’en reculant, il força deux ou trois morts à avancer et ordonna aux autres, d’une voix forte et ferme, de tuer Lili et de lui rapporter les autres. Ces derniers donnèrent l’impression d’hésiter un instant, puis certains reprirent leur avancée lente et sinistre. Et cette impulsion de « courage » se propagea petit à petit dans leurs rangs.

-On est foutu… C’est la fin…, fit Zimmer en se laissant tomber sur le sol.

Celer, elle, restait droite mais son visage trahissait ces pensées noires qui l’accablaient. Lili, vidée de ses forces, ne put que se résigner au sort qui l’attendait…

Mikazuki… Mikazuki fixait la vague sur le point de déferler sur eux. Elle avait peur, comme les autres. Si elle était toujours cette fille avant d’être emmené dans ce pays, elle aurait sans doute fui, en larmes, suppliant en for intérieur que quelqu’un vienne la sauver.

-I am the vessel of this souls !

Une voix familière s’était élevée dans leur dos, prononçant ces mots en pendragonien. S’en suivit bien vite des sons de chaînes qui se brisaient et d’acier qui se pliait, avant que ne vole au-dessus de leur tête le portail qui leur bloquait précédemment la route, qui alla écraser sur ces morts ambulants. Alors que l’espoir semblait s’être éteint, de faibles braises se mirent à luire dans leurs cœurs lorsqu’ils virent s’avancer Anima, enveloppée dans une aura bleuâtre et dont l’œil bleuté laissé s’échapper une sorte de flamme de couleur identique.

L’homme au capuchon entra dans une rage démentielle lorsqu’il la vit et hurla avec haine aux morts de l’attraper, de la tuer, de l’étriper et même de la déshonorer jusqu’à ce qu’elle supplie qu’on la laisse mourir. Les morts se contentèrent de grogner ou pousser un râle tandis qu’ils s’avancèrent de nouveau.

D’un geste de la main, Anima fit apparaître au-dessus de sa tête des sphères lumineuses bleues puis celles-ci se transformèrent en pointes qui fondirent sur les morts avant de pénétrer leur corps et qu’ils ne s’effondrent subitement les uns après les autres. Si bien que certains préférèrent stopper leur marche ou reculer, décuplant la rage de l’homme encapuchonné.

-Vous ne venez plus ? leur demanda Anima. Dans ce cas, c’est moi qui viendrais à vous…

L’homme encapuchonné ordonna aux morts de reprendre l’assaut. Certains hésitèrent, comme si des restes de leur instinct de survie avait survécu malgré leur état. D’autres obéirent et fondirent sur la femme qui se dressait sans peur face à eux.

-Blue sentinels who walks the Way of Blue, defend this poor souls in need !

Du creux de sa main droite, elle généra une boule de feu bleuâtre qu’elle leur lança à leurs pieds. Au contact avec le sol, cette dernière explosa en projetant des gerbes de flammes qui embrassèrent leur chair putréfiée et leurs os exposés, pour à la fin faire apparaître une flamme qui flottait dans les airs. Bien vite, celle-ci se mit à croître et à changer de forme. De la flamme dansante, elle prit peu à peu une forme plus humanoïde, pour à la fin épouser celle d’une sorte de chevalier en armure lourde de grande taille brandissant un bouclier énorme et une masse démesurée. Comme attirés par la lueur qui émanait de cette chose, les morts se ruèrent sur lui mais il lui repoussa soit avec de amples mouvements de sa masse soit en frappant avec son bouclier, quand il ne chargeait pas avec dans le tas avec une rage digne d’un berserker.

De son côté, Anima créa une nouvelle boule de feu qu’elle lança du côté opposé au chevalier en armure lourde. Celui qu’il ne pouvait couvrir. Après l’explosion et la calcination des morts trop proche, la flamme prit cette fois-ci la forme d’une femme maniant une épée dont la lame longue et souple peinait sans mal à rappeler les déplacements d’un serpent. Elle fit danser cette lame tel un fouet pour frapper mortellement une part des ennemis et tenir à distance l’autre part.

Enfin, en soutien, Anima projeta d’autres de ces pointes bleuâtres pour abattre les morts qui s’avançaient un peu trop à son goût.

De leur côté, les plus jeunes ne pouvaient que regarder cette âme et ces étranges esprits terrasser tous ceux qui se dressaient devant eux. Ils ne comprirent rien qu’en regardant qu’ils ne seraient qu’un poids mort dans ce combat. Soulagés d’avoir été sauvés, Zimmer comme Celer poussèrent un soupir de soulagement, alors que Mikazuki, pendant qu’elle soutenait Lili qui peinait à tenir sur ses jambes, observait tout avec attention. Ou plutôt, on le lui demanda. La femme en blanc le lui demanda.

-Observe, Mikazuki. Observe ses pouvoirs et ce qu’elle en fait. N’en perds pas une miette.

Instinctivement, elle sût. Elle comprit que, autant pour la femme en blanc que pour elle, ce qu’elle était en train de regarder était important. Si la femme en blanc l’affirmait, elle voulait la croire.

-IL SUFFIT !! s’énerva une nouvelle fois l’homme encapuchonné tout en pointant Anima du doigt. TUEZ-LA ! Relevez-vous et tuez-la !

D’un geste de la main, les os de squelettes au sol qui avaient été brisés s’élevèrent dans les airs et recomposèrent la créature qui avait été terrassé.

-Je vois. C’est toi, le nécromancien qui a forcé ces pauvres âmes à revenir parmi les vivants…, fit Anima en regardant avec pitié cette armée morte-vivante.

-Honorés… ils devraient être ! Je… donner… seconde vie… chance… utilité à leur carcasse. Me… remercier… ils devraient !

-Qui voudrait remercier quelqu’un qui vous arrache du repos éternel pour s’amuser avec notre corps tel un pantin ? Enfin, je ne suis pas la mieux placée pour donner des leçons, cela dit…

Les morts continuaient leur assaut mais se faisaient maintenir à distance d’Anima par ces êtres bleus qui la protégeaient.

-Il est temps que ces pauvres âmes retrouvent le repos dont tu leur as privé.

-Toi… pas pouvoir me tuer ! Moi… avoir armée… pour me défendre ! Toi… n’avoir que… deux… marionnettes !

-Ne les compare pas à tes jouets abîmés, je te prie…

Son œil gauche s’enflamma alors comme le droit, mais d’une flamme rouge écarlate.

-The First Flame gives a soul. I am the bridge. You, Fire without will... Rise !

Du creux de sa main gauche, elle créa une flamme dansante d’une couleur similaire qu’elle jeta sur la horde qui se formait entre elle et le nécromancien, pour les calciner afin qu’il n’en reste que de la poussière. Le feu se répandit très vite parmi les morts ambulants, accompagné de l’odeur de chair putréfié brûlé. Bien plus vite que ne le ferais un feu normal.

-Dîtes…, fit Zimmer en regardant cela. C’est moi ou ce feu… a l’air de bouger comme si…

Mikazuki le voyait aussi. Le feu écarlate bougeait. Il ondulait tels les dragons à l’allure serpentine que l’on lui décrivait dans son pays. On pouvait même voir sa gueule se former et percevoir des yeux émeraudes luire au sein des flammes. La chose dévorait ; se repaissait des morts, qui disparaissaient dans sa gueule béante quand ils n’étaient pas calcinés à son contact. Le nécromancien, impuissant, ne put que pousser des cris pour ordonner à Anima ou à la créature de cesser. Le feu se propageait, incontrôlable, brûlant tout sans distinction. En apparence. Les flammes écarlates avaient beau s’étendre, elles ne quittaient jamais le cimetière et s’arrêtaient toujours à ses limites. Lorsque le nécromancien fut seul et cerné par les flammes, la créature serpenta autour de lui. Une peur immense s’empara de lui quand elle s’avança plus, la chaleur des flammes commençait à l’étouffer…

-Grâce… Grâce… Pitié, Ténèbres… Sauvez-moi !

La créature de flamme ouvrit de nouveau sa gueule béante et se jeta sur le nécromancien pour l’engloutir. Au contact du sol, elle explosa et calcina l’individu, qui devint cendres en quelques secondes. Ne restait plus qu’un immense incendie écarlate…

-Allons-y, fit Anima alors que les flammes dans ses yeux se dissipèrent ainsi que les êtres bleus qu’elle avait invoqués.

Alors qu’elle quittait le cimetière, les autres la suivirent sans un mot. Mikazuki aida Lili à marcher, encore à bout de forces. Elle ne put s’empêcher de se retourner pour contempler ces flammes écarlates qui dansaient au clair de lune. Puis elle se mit à scruter Anima pendant que cette dernière marchait devant elle. Comme lui avait demandé la femme en blanc, tout ce qu’elle avait vu de ses pouvoirs était à présent gravé dans sa tête, bien que sans les comprendre. Elle se demanda naturellement en quoi consistait l’intérêt de cette demande étrange, mais la femme en blanc s’était contentée de lui répondre qu’elle verrait le moment venu.

Le groupe fit halte dans une maison, elle aussi abandonnée, pour reprendre leur souffle. Par précaution, ils prirent le soin de barricader les entrées avant d’investir l’étage. Mikazuki emmena Lili se reposer dans une chambre, tandis que les autres étaient dans une autre, à observer ce qui se passait dehors par l’une des fenêtres. Quand Mikazuki les rejoignit, elle aperçu de la fenêtre la lueur écarlate des flammes qui brûlaient encore dans le cimetière. Malgré la distance, on pouvait entendre les cris des Errants qui semblaient converger petit à petit vers celui-ci.

-Le feu mettra un peu de temps à s’éteindre, leur dit Anima. Surtout si les choses que j’ai croisé en chemin sont assez bête pour l’approcher de trop près.

-Il ne risque pas de s’étendre au reste de la ville ? lui demanda Zimmer, inquiet de devoir gérer un incendie en plus des horreurs présentes dans cette ville.

-Seulement s’il s’attaque à quelque chose qui finit par le sortir de son foyer. Un feu a toujours besoin de combustible pour vivre. Sans cela, il meurt.

-Vous en parlez comme si c’était vivant…

-Il l’est, dans un sens. Il cherche à conserver son existence dans ce monde et pour ça, il doit consumer ce qu’il peut. Il ne draine pas que la vie dans le processus. Il change ; transforme ce qu’il dévore. Parfois, l’objet de cette consumation atteint une nouvelle forme ; une nouvelle utilité qui lui donne un tout autre sens.

-C’est du délire…

-Beaucoup de races ne seraient pas de ton avis. Les Elfes, au sens large, les premiers. N’est-ce pas, Celer ?

Cette dernière ne dit pas un mot. Elle se contenta de regarder les deux acteurs de cette conversation puis de hocher la tête pour confirmer les dires d’Anima, prostrée dans un coin de la pièce.

-Au fait, vous étiez où, tout ce temps ? lui demanda Mikazuki.

-Je me suis réveillé dans ce qui ressemblait à un vieux sanatorium abandonné. Du moins, ce fut l’impression que j’ai eue. Mais en réalité, il était infesté de ces choses humanoïdes qui erraient dans les couloirs. Entre autres… J’ai aussi croisé quelques adeptes de l’Église. Vivants comme morts. Ni les uns ni les autres ne m’ont été d’une grande aide…

Instinctivement, tous se dirent qu’ils ne voulaient pas en savoir plus sur cette partie de son histoire…

-Bref, fit-elle en poursuivant son récit. J’ai eu un mal fou à me frayer un chemin parmi ces choses et l’intérieur labyrinthique pour trouver une sortie. J’ai ensuite un peu erré en ville en défendant ma vie et mes pas m’ont mené par hasard au cimetière où je vous ai trouvé.

-Oh, bordel…, marmonna alors Zimmer. On a vraiment eu une chance de pirate, alors…

Il était clair que sans son intervention providentielle, ces jeunes gens seraient morts à l’heure actuelle et auraient peut-être rejoints l’armée des morts-vivants.

Anima leur demanda ensuite s’ils avaient découvert certaines choses sur l’endroit où ils avaient atterri, avec l’espoir d’avoir des indices pour trouver la source de cette anomalie. Mikazuki lui donna le peu d’informations qu’elle avait, lui raconta sa rencontre avec Lili et son mentor dans cette chapelle ainsi qu’avec cette étrange femme qui disait ne pas avoir de nom, leurs mésaventures… Anima écouta tout cela dans un silence presque religieux, avant de prendre de nouveau la parole :

-Ces choses sont donc des Errants… Au moins, nous avons un nom à mettre sur l’une des menaces qui peuple cet endroit.

-Ils sont pas si différents des morts-vivants, non ? demanda Zimmer.

-Les « morts-vivants » comme tu les appelles ne sont que des corps à qui on a grossièrement lié une âme ou un morceau de celle-ci. Le nécromancien que nous avons vu était tout juste assez compétent pour les faire bouger plus ou moins à sa guise. Un plus expérimenté serait parvenu à donner et conserver une volonté aux défunts qu’il aurait « ramené à la vie » tout en conservant un contrôle. Sans parler de leur donner des compétences propres à ses pantins de chair putride ou ses tas d’os ambulant.

-C’est… c’est possible ?

-La nécromancie reste un art complexe mais oui, c’est tout à fait possible. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui fait que son usage est si mal vu et contrôlé chez les praticiens officiels de magie. Du moins, à Pendragon et dans les royaumes voisins. Dans d’autres, il est carrément proscrit, comme à Auditore ou en Esperanza. En revanche, dans les coins sombres de l’Empire, on raconte que c’est totalement accepté…

-Vous pensez qu’on va en croiser d’autres dans cette ville ? Des nécromanciens…

-Avec ce que j’ai vu dans ce sanatorium, les Errants, les « morts-vivants » ou les nécromanciens ne sont que le moindre mal…

L’ambiance déjà pesante ne fit que s’alourdir. Zimmer rejoignit alors Celer, pour tenter de se rassurer mutuellement. Mikazuki se colla contre un mur et se laissa glisser lentement sur le sol, épuisée. Depuis combien étaient-ils dans cette ville, plongée dans l’obscurité ?

Ce fut cette question qui lui fit réaliser quelque chose.

-Dame Anima ?

-Oui ?

-Combien de temps s’est écoulé entre votre réveil dans cette ville et maintenant ?

-Je ne sais pas… Facilement plusieurs heures, je dirais.

Un silence s’installa.

-Tu l’as remarqué aussi, hein ? lui demanda la femme.

-Quoi ? demandèrent Celer et Zimmer.

Avec une expression grave sur le visage, Mikazuki se tourna vers eux et leur répondit :

-Moi aussi, ça fait plusieurs heures depuis mon réveil. Nous nous sommes tous aventurés derrière ces murs étranges en pleine nuit. Normalement, le soleil devrait être levé, non ?

Zimmer et Celer se relevèrent alors, comme si eux aussi commencèrent à se rendre compte. Ils regardèrent tous par une fenêtre. La nuit était bien installée, les étoiles et la lune n’étaient plus visibles à cause de lourds nuages sombres qui commençaient à s’amonceler… Pas la moindre trace d’une présence solaire. Pas même d’un début de présence.

-Mais où est-ce qu’on a atterri ? marmonna Zimmer qui se mit à reculer en se tenant la tête. Pourquoi ça nous arrive à nous ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Il se tint la tête comme si cette dernière le faisait souffrir et il alla de nouveau s’asseoir dans un coin, ruminant ses pensées. Celer, elle, semblait se perdre dans les siennes, tout comme Mikazuki.

-Nous ferions mieux de nous reposer, dit calmement Anima. Qui sait quand nous aurons de nouveau cette occasion. Je prends le premier tour de garde. Soyez sans crainte.

-Mais…, commença Mikazuki. Les autres… Il faut les retrouver au plus !

-Et nous le ferons. Mais nous leur serons bien inutile si nous nous écroulons en chemin, non ?

Elle avait raison. Ryô lui répétait souvent cela : « Le repos est tout aussi important que l’effort. Encore plus si l’effort dure longtemps ». Regagner des forces était important. Si elle était épuisée quand elle le retrouverait, elle ne lui servirait à rien.

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